BÂTIMENT - MARCHÉS PUBLICS - 10.03.2020

Focus sur la réception de travaux pour un marché public

Le Conseil d’État a été récemment appelé à se prononcer, à une double reprise, sur l’incidence de la réception de travaux réalisés dans le cadre d’un marché public, dans les rapports entre le maître d’ouvrage et les intervenants au chantier. Quels enseignements tirer des décisions ?

Des règles du jeu à méditer...

Réception : en bref. La réception est l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage, avec ou sans réserve (C. civ. art. 1792-6) . La réception doit, en principe, donner lieu à un p.-v. de réception dressé à l’amiable, de manière contradictoire. Une réception judiciaire, c’est-à-dire constatée par le juge à la demande du maître d’ouvrage ou l’entrepreneur concerné est également possible.

Réception : portée. Par arrêt de principe, le Conseil d’État vient de rejuger avec force que, dans le cadre d’un marché public de travaux, la réception « met fin aux rapports contractuels entre le maître de l’ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l’ouvrage. Si elle interdit, par conséquent, au maître de l’ouvrage d’invoquer, après qu’elle a été prononcée, et sous réserve de la garantie de parfait achèvement, des désordres apparents causés à l’ouvrage ou des désordres causés aux tiers, dont il est alors réputé avoir renoncé à demander la réparation, elle ne met fin aux obligations contractuelles des constructeurs que dans cette seule mesure »(CE 08.01.2020 n° 434430) .

Du côté des entrepreneurs

Pour les sommes dues, ou non... Dans une affaire, une communauté d’agglomération a réclamé le remboursement de travaux qu’elle avait commandés et payés aux entreprises titulaires d’un lot, afin de permettre l’achèvement de l’ouvrage commandé. Les entrepreneurs ont opposé que ces travaux avaient donné lieu à une réception sans réserve...

Seul le décompte définitif compte... Par arrêt de principe, le Conseil d’État vient de juger que « la réception demeure, par elle-même, sans effet sur les droits et obligations financiers nés de l’exécution du marché, à raison notamment de retards ou de travaux supplémentaires, dont la détermination intervient définitivement lors de l’établissement du solde du décompte définitif » . Ainsi, seule l’intervention du décompte général et définitif du marché « a pour conséquence d’interdire au maître de l’ouvrage toute réclamation à cet égard »(CE 08.01.2020 n° 434430 – déjà, en ce sens : CE 06.04.2007 n° 264490) .

Même en cas de réception sans réserve... Pour le Conseil d’État, des juges ne peuvent considérer que la réception sans réserve de travaux fait obstacle à tout remboursement du coût de ces travaux au maître d’ouvrage. La réception sans réserve ne met « pas fin aux droits et obligations financiers nés de l’exécution du marché »(CE 08.01.2020 n° 434430) .

Conseil.  Ces règles générales concernent aussi des (petits) travaux demandés p.ex. par une commune.

Du côté des maîtres d’œuvre...

Réception = devoir de conseil. À une double reprise, le Conseil d’État a aussi jugé que la responsabilité contractuelle des maîtres d’œuvre « pour manquement à leur devoir de conseil peut être engagée dès lors qu’ils se sont abstenus d’appeler l’attention du maître d’ouvrage sur des désordres affectant l’ouvrage et dont ils pouvaient avoir connaissance, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l’ouvrage ou d’assortir la réception de réserves »(CE 08.01.2020 nos 428280 et 434430) .

Dans tous les cas ! Pour le Conseil d’État, la (seule) circonstance que des désordres ne présentaient pas un caractère apparent, lors de la réception de travaux, ne suffit pas à exonérer un maître d’œuvre de sa responsabilité. Si cela leur est demandé, les juges doivent vérifier si le maître d’œuvre pouvait ou non avoir connaissance de ces désordres, et ce en vérifiant s’il a accompli sa mission selon les règles de l’art.

La nuance. Si des désordres sont apparus et étaient connus tant du maître d’œuvre que du maître d’ouvrage avant la réception d’un chantier, et que les travaux pour y remédier ont été réalisés avant la levée des réserves, le Conseil d’État estime qu’un maître d’œuvre peut être déchargé d’une quote-part de sa responsabilité, voire être déchargé de la totalité de sa responsabilité (CE 08.01.2020 n° 434430) .

Une réception sans réserve de travaux n’empêche pas le maître d’ouvrage d’effectuer des réclamations à votre égard au plan financier (seul le décompte général et définitif compte à ce sujet). Un maître d’œuvre se doit de conseiller utilement le maître d’ouvrage lors des opérations de réception, afin que celui-ci puisse notamment poser les réserves qui s’imposent.

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