RESPONSABILITÉ PROFESSIONNELLE - 29.04.2020

Dossier médical non tenu ou perdu, quelle responsabilité ?

En tant que médecin libéral, vous êtes tenu de constituer un dossier médical pour tous les patients dont vous assurez la prise en charge et le suivi. Si vous ne tenez pas ou ne conservez pas le dossier médical de vos patients, vous engagez votre responsabilité. Nos conseils !

Rappels sur le dossier médical

Notion de dossier médical. Le dossier médical regroupe toutes informations concernant la santé d’un patient détenues à quelque titre que ce soit, par tous professionnels de santé, établissements et centres de santé, qui sont formalisées ou ont fait l’objet d’échanges écrits entre professionnels de santé (CSP art. L 1111-7) . La loi dresse une liste non exhaustive du contenu d’un tel dossier et mentionne notamment les résultats d’examen, comptes rendus de consultation, d’intervention, d’exploration ou d’hospitalisation, des protocoles et prescriptions thérapeutiques mis en œuvre, feuilles de surveillance, correspondances entre professionnels de santé, à l’exception des informations mentionnant qu’elles ont été recueillies auprès de tiers n’intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel tiers (CSP art. L 1111-7) .

Bon à savoir. Vous vous interrogez sans doute sur la communicabilité au patient de vos notes personnelles. En la matière, le Code de déontologie médicale prévoit expressément que les notes personnelles du médecin ne sont ni transmissibles ni accessibles au patient et au tiers (CSP art. R 4127-45) . Le texte ne définit pas ce qu’est une note personnelle, mais, pour en déterminer les contours, il convient d’articuler ce texte avec les dispositions légales concernant le dossier médical. La loi prévoyant que le patient a accès à tout élément formalisé concernant sa santé détenu par un professionnel ou un établissement de santé « à quelque titre que ce soit », il est raisonnable de penser qu’une note fait partie intégrante du dossier du patient lorsqu’elle contient des informations concernant la santé d’un patient et qu’elle est détenue par un professionnel ou un établissement de santé. En effet, les dispositions déontologiques ont une valeur inférieure aux dispositions légales sur le dossier médical.

L’accès au dossier médical. Depuis la loi du 04.03.2002, le patient à un droit d’accès direct à son dossier médical ou par l’intermédiaire d’un médecin qu’il a préalablement désigné (CSP art. L 1111-7) . L’intérêt du dossier médical est multiple. Il permet de retracer le parcours de soins du patient pour assurer sa prise en charge et son suivi, mais d’assurer également la coordination et la continuité des soins. Il constitue enfin une pièce essentielle dans l’ensemble des procédures d’indemnisation ou concernant des litiges en lien avec la santé ou le handicap.

Vos obligations

Obligation de tenue du dossier médical. Ni la loi ni le Code de déontologie médical ne prévoit expressément d’obligation pour un médecin libéral de constituer un dossier médical, une telle obligation étant formalisée seulement pour les établissements de santé ou les praticiens hospitaliers (CSP art. R 1112-2) . Cependant, malgré cette absence d’ancrage législatif, le médecin libéral doit impérativement constituer un dossier médical pour chaque patient.

Bon à savoir. Indépendamment du dossier médical, le Code de déontologie vous impose de tenir pour chaque patient une fiche d’observation qui lui est personnelle. Cette fiche est confidentielle et comporte les éléments actualisés, nécessaires aux décisions diagnostiques et thérapeutiques (CSP art. R 4127-45) .

Obligation de conservation du dossier médical.

  • Le responsable de la conservation. Vous êtes tenu, en tant que médecin, de conserver les dossiers que vous avez établis dans des conditions assurant la confidentialité et la pérennité. Si vous exercez en tant que libéral en cabinet, vous êtes déontologiquement responsable de la conservation du dossier médical (CSP art. R 4127-96) . Concernant les dossiers médicaux constitués en établissement de santé public ou privé, ceux-ci sont conservés sous la responsabilité du directeur d’établissement.
  • Le délai de conservation. En tant que médecin libéral, la loi ne prévoit pas de délai de conservation à la différence de ce qui est prévu pour les établissements de santé publics ou privés, qui sont légalement tenus de conserver le dossier médical de leurs patients pendant une durée de 20 ans à compter de la date du dernier séjour de son titulaire dans l’établissement ou de la dernière consultation externe en son sein sauf dans certaines hypothèses :
  • Dossiers médicaux des enfants de moins de 8 ans : jusqu’à ce que ce dernier ait atteint l’âge de 28 ans.
  • En cas de décès de la personne moins de dix ans après son dernier passage dans l’établissement : dix ans à compter de la date de son décès.
  • Les éléments relatifs aux actes transfusionnels ou les éventuelles fiches d’incidents transfusionnels : 30 ans à compter de la date de l’acte transfusionnel.

Le CNOM vous recommande toutefois de vous aligner sur les délais généraux et spécifiques de conservation applicables aux établissements de santé (CNOM Dossiers médicaux, conservation et archivage mai 2009) .

  • Les modalités de conservation. Vous pouvez conserver les dossiers médicaux en version papier ou informatique. Notez que si vous optez pour le dossier médical dématérialisé, le législateur vous impose de faire appel à des hébergeurs agréés ou certifiés pour l’hébergement, le stockage, la conservation de données de santé (CSP art. L 1111-8) . Vous devrez, en outre, respecter la législation sur la protection des données personnelles (RGPD). Notez enfin que vous devez sur le plan déontologique protéger de toute indiscrétion les documents médicaux concernant les personnes que vous avez soignées ou examinées, quels que soient le contenu et le support de ces documents (CSP art. R 4127-73) .
  • Le cas particulier de la cessation d’activité. Le CNOM a établi une note à l’attention des médecins libéraux précisant la conduite à tenir s’agissant de la conservation des dossiers médicaux notamment en cas de cessation de leur activité (CNOM Dossiers médicaux, conservation et archivage mai 2009) .
  • Interruption programmée d’activité. Si vous cessez votre activité de manière programmée comme c’est le cas lors d’un départ à la retraite, vous devez impérativement avertir vos patients (affichage dans la salle d’attente, information orale, ...). Si vous avez un successeur, vous devrez lui transmettre les dossiers sous réserve du libre choix des patients. En l’absence de successeur, vous devez transmettre les dossiers de vos patients aux médecins qu’ils ont désignés pour assurer la continuité des soins. Une fois cette opération réalisée, vous devrez procéder à l’archivage du reliquat de vos dossiers. Dans tous les cas, il est impératif que vous informiez le Conseil départemental du lieu où sont conservés les dossiers médicaux afin de pouvoir orienter, le cas échéant, les demandes d’accès des patients.
  • Interruption brutale d’activité. En cas d’interruption brutale d’activité, par exemple en cas de décès, ce sont vos ayants droit qui devront organiser, avec l’aide du Conseil départemental de l’Ordre des médecins, le soin d’informer la patientèle de la fermeture du cabinet et d’organiser la transmission des dossiers aux médecins désignés par les patients.

Votre responsabilité

En cas de manquement, dans la tenue ou la conservation du dossier médical, vous vous exposez à voir engager votre responsabilité civile et disciplinaire. Sur le plan civil, vous pourrez être condamné à indemniser le préjudice subi par le patient victime. La jurisprudence a eu à se prononcer tout particulièrement sur la responsabilité du médecin ou de l’établissement en cas de perte du dossier médical dans un contexte où leur responsabilité civile professionnelle était recherchée par le patient.

À noter. Rappelons que pour engager votre responsabilité civile professionnelle, votre patient doit démontrer que vous avez commis une faute médicale (CSP art. L 1142-1) . En cas de perte du dossier médical, cela « place le patient ou ses ayants droit dans l’impossibilité d’accéder aux informations de santé le concernant et d’établir, le cas échéant, l’existence d’une faute dans la prise en charge » . Dans ce cas, la jurisprudence vous imposera de démontrer que les soins que vous avez prodigués sont appropriés ce qui sera quasiment impossible en l’absence du dossier médical (Cass. 1e civ. 26.09.2018 n° 17-20143) .

En tant que médecin, vous devez impérativement assurer une traçabilité en tenant et en conservant les dossiers médicaux de vos patients. En cas de perte du dossier médical, vous engagez votre responsabilité ! Vous devez donc faire preuve de rigueur et d’organisation pour respecter vos obligations en la matière.

Contact

Éditions Francis Lefebvre | 42 Rue de Villiers, CS50002 | 92532 Levallois Perret Cedex

Tél. : 03 28 04 34 10 | Fax : 03 28 04 34 11

service.clients.pme@efl.fr | pme.efl.fr

SAS au capital de 241 608 € • Siren : 414 740 852
RCS Nanterre • N°TVA : FR 764 147 408 52 • APE : 5814 Z