RESPONSABILITÉ PROFESSIONNELLE - ORDRE - 22.05.2020

Annulation de consultation : pouvez-vous facturer ?

La quasi-totalité d’entre vous a déjà dû faire face à une telle situation (un patient n’honore pas son rendez-vous et ne vous en avise pas). La multiplication de ces situations et la désorganisation de vos consultations peuvent vous conduire à envisager de facturer à vos patients indélicats leur absence. Mais, est-ce possible ?

Encadrement des consultations

Préambule. Tant sur le montant de vos honoraires que sur les hypothèses pouvant faire l’objet d’une facturation, votre pratique est strictement encadrée par le législateur. Il convient de connaître l’ensemble de ce cadre avant d’envisager de trouver une sanction applicable valablement aux patients indélicats qui n’honoreraient pas leur rendez-vous, hors situation de force majeure.

L’encadrement du montant de vos honoraires. Vous n’êtes pas toujours libre de fixer le montant de vos honoraires, selon le secteur de conventionnement. Si vous êtes conventionné secteur 1, vous êtes dans l’obligation d’appliquer les tarifs publiés en annexe de la convention nationale, signée entre les syndicats médicaux et l’Assurance maladie. En revanche, si vous êtes conventionné secteur 2, vous êtes autorisé à pratiquer des honoraires différents de ceux fixés par la convention. Dans ce second cas, vous pouvez déterminer librement vos honoraires. Cependant, cette liberté reste également encadrée. Par ailleurs, vous avez également d’autres obligations qui sont plus pratiques, comme notamment le système du tiers payant pour les soins dispensés aux patients bénéficiaires de l’aide médicale d’État ou de la Protection universelle maladie.

Attention !  Il est interdit d’abaisser vos honoraires au-dessous des tarifs conventionnels dans un but de concurrence. En revanche, il reste possible pour vous de dispenser des soins gracieusement (CSP art. R 4127-67 ; C. déont. méd. art. 67) .

L’encadrement des hypothèses de facturations. Contrairement à certaines professions, le législateur a pris le soin d’encadrer la pratique des professionnels de santé en matière de facturation. «  Les honoraires du médecin doivent être déterminés avec tact et mesure, en tenant compte de la règlementation en vigueur, des actes dispensés ou de circonstances particulières. Ils ne peuvent être réclamés qu’à l’occasion d’actes réellement effectués même s’ils relèvent de la télémédecine.

Le simple avis ou conseil dispensé à un patient par téléphone ou par correspondance ne peut donner lieu à aucun honoraire. Un médecin doit répondre à toute demande d’information préalable et d’explications sur ses honoraires ou le coût d’un traitement. Il ne peut refuser un acquit des sommes perçues.

Aucun mode particulier de règlement ne peut être imposé aux malades  » (CSP art. R 4127-53 ; C. déont. méd. art. 53) . Les critères établis sont nombreux et ont fait l’objet de nombreuses décisions ordinales et jurisprudentielles qu’il convient de détailler.

  • L’obligation de tact et mesure. Au terme des dispositions précitées, vous devez évaluer vos honoraires avec tact et mesure par conséquent, il vous est interdit de pratiquer des tarifs excessifs. Au regard des différentes décisions rendues en la matière, il est possible d’apprécier le caractère proportionné des honoraires demandés au regard des critères suivants : les capacités financières du patient, le temps passé, la complexité de la situation, la notoriété du praticien ainsi que les exigences éventuelles du patient. À titre d’exemple, a été considéré comme excessif des honoraire s’élevant à deux fois et demie le tarif conventionnel, sans justification d’une exigence particulière de la patiente, ni d’une notoriété ou de titre spécifiques, ni d’actes techniques ou difficiles (CDNOM 22.03.2013 n° 11425) . De même, ont été considérés comme fautifs des honoraires de 296 % et 386 % qui ne se justifiaient par aucune difficulté particulière et alors même qu’ils n’auraient jamais donné lieu à une plainte d’un patient (CE 21.11.2003 n° 211362) .

À noter. L’usage confraternel selon lequel les médecins ne peuvent se réclamer d’honoraires entre eux n’a aucune force légale de sorte qu’il reste possible, en tenant compte de la réglementation en vigueur, d’exiger des honoraires à un confrère (Cass. 1e civ. 26.11.1981 n° 80-15.937) .

  • L’exigence d’un moyen de paiement particulier. L’interdiction énoncée par le législateur est parfaitement claire : vous ne pouvez pas exiger de vos patients qu’ils règlent vos honoraires selon un seul mode de règlement. À ce titre, la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins a sanctionné d’un blâme le professionnel de santé qui avait demandé à sa patientèle de lui régler ses honoraires uniquement en espèces moyennant un rabais (CDNOM 13.09.2016 n° 12613) .
  • Facturation des seuls actes réellement effectués. La perception d’honoraires implique qu’un acte médical ait été réellement effectué, engageant la responsabilité du médecin, y compris un acte relevant de la télémédecine. A pu être considéré comme fautif le médecin qui a réclamé un dédommagement de 23 € à une patiente qui ne s’est pas présentée et n’a pas prévenu de sa non-venue en rendez-vous (CDNOM 21.01.2016 n° 12426) . Cette obligation de ne facturer que les actes réellement effectués vous empêche d’envisager de facturer vos patients indélicats n’ayant pas pris le soin de vous avertir de leur absence en rendez-vous. De même, il vous empêche de solliciter des avances lors de la prise de rendez-vous, par exemple, pour anticiper une éventuelle absence du patient lors dudit rendez-vous.

Les sanctions

Les sanctions encourues. En cas de non-respect de ces dispositions relatives à vos honoraires, vous encourrez deux types de sanctions, l’une infligée par le directeur de la CPAM et l’autre infligée par l’Ordre des médecins. Vous noterez que ces deux sanctions peuvent parfaitement être cumulatives !

  • Sanction administrative. Par avenant à la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’Assurance maladie, le législateur a pu prévoir des sanctions administratives pour pratique tarifaire excessive qui sont alors prononcées par le directeur de la caisse primaire d’assurance maladie. Au titre de ces sanctions, vous pouvez encourir une suspension du droit permanent à dépassement.
  • Sanction ordinale. En pratique, il est courant que le patient qui souhaite remettre en cause le bien-fondé des honoraires sollicités par un médecin transmette une plainte auprès du Conseil de l’Ordre des médecins compétent en évoquant un manquement au respect des obligations déontologiques. Il appartiendra donc aux instances ordinales de faire la lumière sur les réelles motivations du médecin ayant pratiqué ces honoraires. Il est important de préciser que le fait pour le praticien mis en cause de rembourser la somme litigieuse n’est pas de nature à éluder la qualification de manquement à l’article R 4127-53 précité et de lui éviter une sanction ordinale. Au titre de ces sanctions, vous pouvez encourir un avertissement (CDNOM 22.03.2013 n° 11425) , un blâme (CDNOM 13.09.2016 n° 12613) , une interdiction de donner des soins aux assurés sociaux limitée dans le temps (CDNOM 21.01.2016 n° 12426)  ; la sanction maximale étant la radiation définitive (CDNOM 04.04.2016 n° 12337) .

Piste de sanction : le refus de prise en charge. Si le législateur prohibe la possibilité pour vous de facturer un rendez-vous non honoré par votre patient, il reste à votre disposition la possibilité pour vous de refuser de prendre en charge à l’avenir ledit patient indélicat. En effet, le législateur a prévu que « hors le cas d’urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d’humanité, un médecin a le droit de refuser ses soins pour des raisons professionnelles ou personnelles »(CSP art. R 4127-47 ; C. déont. méd. art. 7) . La mésentente avec un patient, que celle-ci soit personnelle ou sur le choix du traitement peut valablement justifier le refus de prise en charge, hors le cas d’urgence. Dans ce cas, vous noterez que vous êtes tenu de favoriser la continuité des soins en adressant le patient concerné vers un confrère compétent et/ou de transmettre toutes les informations utiles au praticien désigné par celui-ci. En tout état de cause, votre décision devra faire l’objet d’une information immédiate. Cette information orale devra être complétée d’une confirmation écrite intégrée au dossier du patient.

Bon à savoir. Enfin, pour anticiper toute éventuelle plainte du patient, il vous est possible également d’en informer le Conseil départemental de l’Ordre.

Vous ne pouvez pas facturer un acte non réellement effectué. Ainsi, la facturation d’une annulation de consultation risquerait de vous exposer à des sanctions. Mais, la sanction financière étant impossible, vous pouvez envisager, en cas d’annulations répétées sans motif valable, de refuser la prise en charge pour raisons personnelles.

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