Construction irrégulière = démolition ?
Où la démolition peut être demandée
À la demande d’une commune. Une commune, ou l’intercommunalité compétente (EPCI) en matière de plan local d’urbanisme (PLU) peut saisir le juge civil (le tribunal judiciaire, depuis le 01.01.2020) en vue de faire ordonner la démolition d’un ouvrage édifié sans le permis de construire (PC) requis, ou en méconnaissance du PC délivré. La commune (ou l’EPCI) dispose d’un délai de dix ans à compter de l’achèvement des travaux pour exercer l’action civile (C. urb. art. L 480-14) . L’action en démolition ainsi attribuée à la commune est une action autonome « destinée à faire cesser une situation illicite » . L’action ne nécessite donc pas « la démonstration d’un préjudice personnel et direct causé par les constructions irrégulières »(Cass. 3e civ. 16.05.2019 n° 17-31757 et 13.02.2020 n° 19-16299) .
À la demande d’un tiers. La démolition d’un immeuble, édifié conformément à un PC, peut être demandée par un tiers (p.ex. voisin), devant le juge civil, sous d’étroites conditions (C. urb. art. L 480-13) . Le PC doit avoir été annulé par le juge administratif, et l’immeuble situé dans un périmètre protégé (cf. notice). Le texte concerné s’applique pour une action en démolition (exclusivement) fondée sur la violation des règles ou servitudes d’urbanisme (Cass. 3e civ. 21.03.2019 n° 18-13288) . Pour espérer obtenir gain de cause (la démolition), un particulier (ou une association recevable) doit pouvoir rapporter la preuve d’un préjudice personnel en lien de causalité directe avec la violation des règles ou servitudes d’urbanisme (Cass. 3e civ. 11.07.2019 n° 18-18803 ; Cass. 3e civ. 07.11.2019 nos 18-17751 et 18-17748) .
Attention ! Un tiers peut se prévaloir de la violation d’une autre règle (civile...) pour réclamer la démolition. Il en va p.ex. ainsi si des travaux sont réalisés sans l’autorisation requise d’une copropriété (Cass. 3e civ. 27.02.2020 n° 18-18189) .
Où la démolition peut être décidée...
Pour un logement, rien d’automatique... Il peut arriver qu’une demande de démolition concerne un immeuble habité. En pareil cas, au titre de l’article 8 de la Convention européenne des Droits de l’Homme (CEDH), les juges sont en principe tenus de rechercher si la démolition (et l’expulsion) est une mesure proportionnée au regard du droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile des occupants (Cass. 3e civ. 16.01.2020 n° 19-10375) . Les juges doivent apprécier, au cas par cas, si la démolition aura ou non des conséquences disproportionnées (Cass. 3e civ. 27.02.2020 n° 18-18189) .
Sauf si la sécurité l’emporte... Il a été jugé que la démolition d’une construction est une mesure justifiée s’il existe « un besoin social impérieux de préserver la sécurité des personnes exposées à un risque naturel d’inondation et d’éviter toute construction nouvelle ou reconstruction à l’intérieur des zones inondables soumises aux aléas les plus forts »(Cass. 3e civ. 16.01.2020 n° 19-13645) .
... ou la protection de l’environnement... Il a aussi été jugé que la démolition peut être une mesure justifiée si aucune autre mesure ne « permet de réparer le préjudice causé à l’environnement » par la construction en cause (Cass. 3e civ. 07.11.2019 nos 18-17748 et 18-17751) . Il en va par ainsi pour une maison d’habitation illégalement édifiée dans une zone classée, à l’esthétique remarquable et d’une superficie réduite, faisant l’objet d’une protection particulière, ou édifiée dans le périmètre de protection d’une chapelle, ou construite dans un site naturel classé en zone Natura 2000 (Cass. 3e civ. 13.02.2020 n° 19-16299 et arrêts précités du 07.11.2019) .
Retrouvez notre notice sur http://alertesetconseils-immobilier.fr/annexes – code IO 16.07.02.