BÂTIMENT - RESPONSABILITÉ - 18.05.2020

Sans réception, quel délai de prescription ?

La Cour de cassation a récemment rendu une importe décision sur les règles de prescription applicables lorsque votre responsabilité est recherchée sur un fondement contractuel, au titre de désordres liés à des travaux qui n’ont pas (encore) été réceptionnés. Apport de cette décision ?

Une décision à méditer...

Pour la petite histoire. En 2009, un promoteur confie à une société l’exécution de travaux de voirie et réseaux divers (VRD), dans la propriété d’un couple. En mars 2010, se plaignant du retard dans la réalisation des travaux et de désordres, le couple assigne en référé-expertise le promoteur et la société. Un expert est désigné par ordonnance, fin mars 2010. Après le dépôt du rapport de l’expert, fin octobre 2011, le couple conclut une transaction d’indemnisation avec le promoteur. Celui-ci décide d’assigner, en décembre 2015, la société en indemnisation de ses préjudices. Les travaux de VRD n’ayant pas été réceptionnés, l’action est engagée en logique par le promoteur sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun. La Cour d’appel saisie du litige donne raison au promoteur. Elle retient que l’action en référé (mars 2010) a interrompu le délai de prescription applicable (cinq ans), et que ce délai s’est trouvé suspendu pendant les opérations d’expertise jusqu’au dépôt du rapport (fin octobre 2011).

La décision. Par un arrêt qui a valeur d’arrêt de principe, la Cour de cassation a censuré l’arrêt d’appel (Cass. 3e civ. 19.03.2020 n° 19-13459) .

Pour la durée de la prescription...

À défaut de réception... Depuis une loi du 17.06.2008, l’article 1792-4-3 du Code civil dispose que les actions en responsabilité dirigées contre des constructeurs (et les sous-traitants), à l’exception de celles régies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2, se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux. Pour la Cour de cassation, en logique, ce texte ne saurait « recevoir application lorsqu’aucune réception de l’ouvrage n’est intervenue » .

Délai de prescription = cinq ans. La Cour de cassation souligne que le délai pour agir contre un constructeur, initialement de 30 ans, a été réduit pour la responsabilité contractuelle de droit commun du constructeur, pour des désordres de construction révélés en l’absence de réception. Elle a décidé, avant la loi de 2008, que la responsabilité se prescrivait par dix ans à compter de la manifestation du dommage (Cass. 3e civ. 24.05.2006 n° 04-19716) . Depuis la loi de 2008, l’article 2224 du Code civil dispose que les actions personnelles se prescrivent par cinq ans. Ce délai de cinq ans est repris par l’article L 110-4 du Code de commerce, pour les actions entre commerçants (ou entre commerçants et non-commerçants). Ainsi, le délai de prescription applicable est désormais le délai de cinq ans, prévu par ces textes.

Point de départ du délai. Le délai de cinq ans commence à courir à compter du jour où l’auteur du recours concerné a connu les faits permettant d’exercer l’action (en l’espèce, pour le promoteur, le jour de l’assignation en référé en mars 2010).

Pour l’interruption de la prescription...

Pour appliquer les textes... Une demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription et la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d’instruction présentée avant tout procès (C. civ. art. 2239 et 2241) .

Des règles précisées. La Cour de cassation estime que seule une « initiative du créancier de l’obligation » concernée peut interrompre la prescription, et que seul ce créancier peut revendiquer l’effet interruptif de son action et en tirer profit. Pour la Cour de cassation, de la même façon, lorsqu’un juge accueille en référé une demande expertise, la « suspension de la prescription, qui fait, le cas échéant, suite à l’interruption de celle-ci au profit de la partie ayant sollicité la mesure en référé, tend à préserver les droits de cette partie durant le délai d’exécution de la mesure et ne joue qu’à son profit »(Cass. 2e civ. 31.01.2019 n° 18-10011) .

Illustration. En l’espèce, la Cour de cassation a estimé que l’interruption puis la suspension de la prescription quinquennale de l’action en responsabilité contractuelle de droit commun du constructeur n’avaient pas profité au promoteur, l’instance en référé ayant été introduite par le couple.

La prescription spécifique de dix ans, prévue par l’article 1792-4-3 du Code civil, ne s’applique pas (faute de réception) : c’est une prescription quinquennale (cinq ans) qui s’applique. Si une expertise judiciaire (décidée en référé) permet de suspendre la prescription le temps de sa durée, il faut être à l’origine de la procédure pour bénéficier de cette mesure de suspension.

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