FINANCE - 04.06.2020

Investissements étrangers : un contrôle renforcé

Les investissements étrangers réalisés en France dans des secteurs « sensibles » (sécurité publique, de défense nationale, etc.) sont soumis à l’autorisation préalable du ministre de l’Économie. Depuis le 01.04.2020, ils font l’objet d’une nouvelle procédure d’autorisation.

Un décret et un arrêté publiés le 01.01.2020 (décret 2019-1590 et arrêté du 31.12.2019, JO du 01.01) ont opéré une refonte de la procédure d’autorisation des investissements étrangers réalisés dans des entreprises stratégiques. Ils ont élargi la notion d’investissement étranger et le champ des secteurs économiques protégés.

Trois conditions doivent être remplies pour qu’une opération soit soumise à la procédure d’autorisation : elle doit provenir de l’étranger (au sens de C. mon. fin. art. R 151-1) , répondre à la notion d’investissement (définie par C. mon. fin. art. R 151-2) et porter sur une société cible exerçant une activité sensible (listée par C. mon. fin. art. R 151-3) .

Notion d’investissement étranger

Constitue un investissement étranger susceptible d’être soumis à autorisation, le fait pour une personne de nationalité étrangère ou française domiciliée à l’étranger ou pour une entité de droit étranger ou contrôlée par un ressortissant étranger ou par un français domicilié à l’étranger d’acquérir le contrôle d’une entité de droit français ou d’acquérir tout ou partie d’une branche d’activité d’une telle entité.

Par ailleurs, pour les seuls investissements en provenance d’un État étranger qui n’est pas partie à l’accord sur l’Espace économique européen (EEE), constitue également un investissement susceptible d’être soumis à autorisation, le fait de franchir le seuil de détention du tiers (33,33 %) dans une entreprise établie en France.

Abaissement du seuil de détention. Depuis le 01.04.2020, ce seuil de participation déclencheur de la procédure de contrôle est abaissé à 25 % (C. mon. fin. art. R 151-2) . Ainsi :

  • l’investisseur, personne physique ressortissante d’un État tiers à l’EEE ou domiciliée dans un État tiers ;
  • comme l’entité dont l’un des membres de la chaîne de contrôle relève d’un État tiers ou en possède la nationalité ou y est domicilié ;
  • doit désormais demander l’autorisation de l’investissement qu’il projette, si cet investissement lui fait franchir, directement ou indirectement, seul ou de concert, le seuil de détention de 25 % des droits de vote d’une entité de droit français relevant du secteur sensible.

Bon à savoir. Cette disposition vise notamment à assurer le contrôle des investissements étrangers faisant intervenir plusieurs niveaux d’investisseurs à l’international.

À noter. Seul le franchissement en droits de vote compte et il peut être effectué dans une entité « de droit français » sans que le siège social de celle-ci soit nécessairement établi en France.

Nature des activités contrôlées

De nouvelles activités contrôlées. La liste des secteurs concernés a été complétée en 2018 pour englober de nouvelles activités. Le décret du 31.12.2019 a allongé cette liste, en conformité avec le règlement européen sur le filtrage des investissements directs étrangers dans l’UE (règl. n° (UE) 2019/452 19.03.2019) . Le champ des activités protégées inclut désormais les entreprises des secteurs de la presse écrite et les services de presse en ligne d’information politique et générale, la sécurité alimentaire, les technologies critiques (notamment le stockage d’énergie et les technologies quantiques) (C. mon. fin. art. R 151-3) .

L’article R 151-3 du Code monétaire et financier dans sa nouvelle version, énumère séparément :

  • d’une part, les activités intervenant dans les secteurs concernés (comprenant les activités de traitement, transmission ou stockage de données dont la compromission ou la divulgation peut porter atteinte à l’exercice de ces activités) ainsi que les activités qui portent sur des infrastructures, biens ou services ayant un caractère essentiel à la préservation des intérêts nationaux dans dix secteurs économiques : énergie, eau, transports, opérations spatiales, communications électroniques, missions des forces de l’ordre, exploitation d’installations ou d’ouvrages d’importance vitale au sens du Code de la défense, santé publique, sécurité alimentaire et presse (C. mon. fin. art. R 151-3, I et II)  ;
  • d’autre part, les activités de recherche et développement portant sur des technologies critiques (dont la liste est définie par l’article 6 de l’arrêté du 31.12.2019) et des biens à double usage (civil et militaire) qui sont couvertes uniquement lorsqu’elles sont destinées à être mises en œuvre dans l’un des secteurs listés (C. mon. fin. art. R 151-3, III) .

Nouvelle procédure d’autorisation

Demande préalable d’examen d’une activité. Les entreprises françaises peuvent interroger l’administration sur la sensibilité de leurs activités. Le ministre répond dans un délai de deux mois. L’interrogation peut également émaner de l’investisseur en accord avec l’entité française (C. mon. fin. art. R 51-4) .

Bon à savoir. La liste des pièces et informations à fournir à l’appui de cette demande est fixée par l’arrêté du 31.12.2019 (art. 2) .

Procédure d’autorisation : une réponse en deux temps. La demande d’autorisation est déposée auprès du ministre de l’Économie par l’investisseur ou par l’un des membres de la chaîne de contrôle de l’entité qui projette l’investissement (jour J).

Bon à savoir. L’arrêté du 31.12.2019 liste les pièces et informations concernant l’investisseur, l’entité cible et l’investissement, qui doivent accompagner les demandes d’autorisation déposées depuis le 01.04.2020.

Une première réponse à la demande est apportée par le ministre 30 jours ouvrés après réception qui indique si l’investissement relève ou non de la procédure d’autorisation, s’il est autorisé sans condition, ou si un examen complémentaire est nécessaire pour l’autoriser éventuellement sous conditions. En l’absence de réponse dans ce délai, la demande est réputée rejetée (J+30).

Décision finale. 45 jours ouvrés après la réception de la première décision par l’investisseur, le ministre délivre une seconde réponse qui refuse ou autorise l’investissement, le cas échéant sous conditions. Lorsque l’autorisation est assortie de conditions, elle désigne parmi les investisseurs pour le compte desquels elle a été sollicitée, ceux responsables du respect de ces conditions (C. mon. fin. art. R. 151-8, II) . En l’absence de réponse dans ce délai, la demande d’autorisation est réputée rejetée.

Autorisation sous conditions. Lorsque l’autorisation d’investissement est assortie de conditions, celles-ci peuvent être révisées à la demande de l’investisseur ou à l’initiative du ministre de l’Économie, notamment en cas de modification de l’actionnariat de l’entité cible ou lorsque l’autorisation conditionnée prévoit leur révision (C. mon. fin. art. R 151-9) .

Elle appelle une réponse du ministre dans un délai de 45 jours ouvrés à compter de sa réception. La fixation de nouvelles conditions ne peut intervenir qu’en cas d’acquisition du contrôle (C. com. art. L 233-3) par l’investisseur au sein de l’entité ayant fait l’objet de l’investissement et dans le respect du principe de proportionnalité.

Lorsque l’initiative de réviser les conditions est prise par le ministre, il en informe préalablement l’investisseur et lui précise les motifs qui lui paraissent justifier une telle révision. Celui-ci peut présenter ses observations dans un délai de 45 jours à l’issue duquel il est notifié des conditions modifiées et de leur date d’entrée en application.

Refus d’autorisation. Le ministre peut refuser, par décision motivée, l’autorisation d’investissement demandée, si la mise en œuvre de conditions ne suffit pas à assurer la préservation des intérêts nationaux. Il peut prendre en considération le fait que l’investisseur entretient des liens avec un gouvernement ou un organisme public étrangers.

Le refus d’autorisation peut également être motivé :

  • par une présomption de la commission par l’investisseur de certaines infractions pénales (liées aux stupéfiants, personnes vulnérables, traite des humains, proxénétisme, escroquerie, abus de confiance, recel, blanchiment, terrorisme, corruption et trafic d’influence, faux ou association de malfaiteurs) ou portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ou encore des infractions de fraude fiscale ou d’entrave aux agents de l’administration fiscale ;
  • par une condamnation définitive de l’investisseur au titre de l’une de ces infractions ou pour des infractions équivalentes prévues par une législation étrangère, au cours des cinq années précédentes ;
  • par une sanction prononcée contre l’investisseur pour investissement sans autorisation ou autorisation obtenue par fraude (C. mon. fin. art. L 151-3-2) ou pour méconnaissance, grave et persistante, des injonctions ou mesures conservatoires prononcées pour investissement sans autorisation ou non-respect des conditions imposées (C. mon. fin. art. L 151-3-1, I et II) au cours des cinq ans précédant la demande d’autorisation.

Bon à savoir. Comme auparavant, des cas de dispense d’autorisation sont prévus (C. mon. fin. art. R 151-7 nouveau) .

Des mesures d’injonction peuvent être prises à l’encontre de l’investisseur ayant réalisé un investissement sans autorisation ou en méconnaissance des conditions imposées, afin qu’il dépose une demande de régularisation de sa situation. L’injonction peut être assortie d’une astreinte journalière d’un montant maximal de 50 000 € (C. mon. fin. art. R 151-12 à R 151-15) .

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