HEURES SUPPLÉMENTAIRES - PREUVE - 26.06.2020

Preuve des heures sup : du nouveau ?

La Cour de cassation intègre dans son raisonnement une décision de la CJUE de mai 2019 relative à la preuve des heures supplémentaires. Il reste que le salarié doit toujours présenter des éléments à l’appui de sa demande. Voyons comment.

Les règles « antérieures »

Le droit. En cas de litige sur les heures de travail, l’employeur doit fournir au juge les éléments justifiant les horaires du salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, il ordonne toutes mesures d’instruction utiles et forme sa conviction (C. trav. art. L 3171-4) .

Attention ! Par ailleurs, si tous les salariés ne travaillent pas selon l’horaire collectif, l’employeur établit des documents de décompte du temps de travail, des repos compensateurs et de leur prise (C. trav. art. L 3171-2) et tient à disposition les documents permettant de comptabiliser le temps de travail de chaque salarié (C. trav. art. L 3171-3) .

La jurisprudence. La Cour de cassation en a déduit que le salarié devait étayer sa demande (Cass. soc. 25.02.2004 n° 01-45.441) en produisant des éléments suffisamment précis sur ses horaires pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments (Cass. soc. 24.11.2010 n° 09-40.928) .

En pratique. Ont par exemple été retenus comme assez précis la production par un salarié de tableaux détaillés de ses horaires de travail, des copies de ses plannings pour certains mois avec un décompte de ses dimanches travaillés (Cass. soc. 04.03.2020 n° 18-26.136) , ou de son agenda personnel corroboré par des attestations d’autres salariés (Cass. soc. 08.12.2010 n° 09-66.138) ou encore de fiches de saisie informatique enregistrées sur l’intranet de l’employeur contenant le décompte journalier des heures travaillées (Cass. soc. 24.01.2018 n° 16-23.743) .

Conséquences. Ainsi, de fait, la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties, et le juge ne peut se fonder sur l’insuffisance des preuves apportées par le salarié pour rejeter sa demande : il doit examiner les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés et que l’employeur est tenu de lui fournir (Cass. soc. 30.11.2010 n° 09-43.080) . Puis, s’il constate l’existence d’heures supplémentaires, il les évalue souverainement et fixe les créances salariales correspondantes après avoir apprécié et analysé l’ensemble des éléments de fait, sans être tenu de préciser son calcul (Cass. soc. 12.01.2016 n° 13-26.318) .

Le « nouveau » raisonnement

La CJUE. Elle indique que la réglementation d’un État et son interprétation par les juges doit imposer à l’employeur d’établir un système de mesure du temps de travail journalier, et que (CJUE 14.05.2019 aff. 55/18)  :

  • contrairement à un système de mesure, les témoignages, courriers, etc. pouvant être fournis par le salarié ne lui permettent pas d’établir clairement sa durée de travail, et aboutissent à mettre à sa charge la preuve des h sup ;
  • sous réserve des particularités du secteur d’activité concerné et de l’entreprise, les États doivent imposer la mise en place d’un système objectif, fiable et accessible de mesure du temps de travail journalier.

Conséquence en France. La Cour de cassation indique désormais (Cass. soc. 18.03.2020 n° 18-10.919)  :

  • qu’à l’appui de sa demande, le salarié doit présenter des éléments suffisamment précis sur les heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies ;
  • cela permet à l’employeur, qui assure le contrôle des heures travaillées, d’y répondre en produisant ses propres éléments ;
  • que le juge tient compte de tous ces éléments au regard des obligations de l’employeur quant aux documents à établir en matière de durée du travail, et que, s’il retient l’existence d’h sup, il les évalue sans avoir à préciser son calcul.

En pratique. Le salarié n’a donc plus à « étayer » sa demande, ce qui ressemblait trop à lui transférer la charge de la preuve mais seulement à « présenter des éléments suffisamment précis ». Ils seront appréciés par le juge en regard de ceux présentés par l’employeur, ce changement de terminologie permettant ainsi le contrôle des documents que l’employeur doit produire et un réel partage de la charge de la preuve.

Sans changer fondamentalement le régime de la preuve des heures sup, le salarié devra seulement fournir des éléments précis pour appuyer sa demande, et le juge les appréciera en étudiant aussi ceux fournis par l’employeur, en particulier au regard des obligations légales et réglementaires qui lui incombent.

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