SURVEILLANCE DES SALARIÉS - TÉLÉPHONE PROFESSIONNEL - 03.09.2020

Messagerie privée du salarié sur le téléphone professionnel

Si un salarié installe sur son téléphone professionnel une messagerie personnelle différente de sa messagerie professionnelle, pouvez-vous accéder aux échanges issus de sa messagerie personnelle pour les produire en justice ? Le juge pénal a tranché.

Correspondances du salarié

Accès aux correspondances professionnelles. La chambre sociale de la Cour de cassation a posé une présomption de caractère professionnel de tous les fichiers reçus, envoyés ou stockés par le salarié sur un outil informatique fourni par l’employeur pour l’exécution de son travail (ordinateur, téléphone, messagerie électronique professionnelle). Ainsi, l’employeur peut prendre connaissance des correspondances et e-mails échangés par le salarié via une messagerie professionnelle à moins qu’ils aient été identifiés comme personnels par le salarié.

Respect du secret des correspondances privées. Les correspondances issues d’une messagerie personnelle du salarié, distincte de la messagerie professionnelle dont il dispose pour les besoins de son activité, sont couvertes par le secret des correspondances (Cass. soc. 26.01.2016 n° 14-15360, Cass. soc. 07.04.2016 n° 14-27949 et Cass. com. 23.10.2019 n° 17-28448) . L’employeur ne peut pas en prendre connaissance et les produire en justice comme moyens de preuve lors d’un litige sans violer le secret des correspondances.

Éléments constitutifs de cette violation. Est une atteinte au secret des correspondances, le fait pour l’employeur d’ouvrir, de supprimer, de retarder ou de détourner, de mauvaise foi, des correspondances adressées à des tiers, ou d’en prendre frauduleusement connaissance ainsi que d’intercepter, de détourner, d’utiliser ou de divulguer, de mauvaise foi, des correspondances émises, transmises ou reçues par la voie électronique (C. pén. art. 226-15) .

Limites du pouvoir de l’employeur

Illustration. Un salarié licencié pour faute lourde a été assigné aux prud’hommes par son ancien employeur pour violation de sa clause de non-concurrence. Comme moyens de preuve, l’employeur avait produit des e-mails échangés par le salarié avec un client et un fournisseur via sa messagerie personnelle installée sur son téléphone professionnel, qu’il avait oublié d’effacer avant de rendre le téléphone à l’entreprise. Le salarié a porté plainte pour atteinte au secret des correspondances émises par voie électronique.

En appel, l’employeur est relaxé au motif que le salarié avait omis de paramétrer son adresse de messagerie comme étant personnelle. Selon les juges, le caractère personnel des courriels ne pouvait se déduire du seul fait qu’ils avaient été échangés à partir d’une adresse mise en place par le salarié. Par ailleurs, le règlement intérieur de l’entreprise interdisait l’usage personnel du téléphone professionnel.

Violation du secret des correspondances. La chambre criminelle de la Cour de cassation a censuré cette décision. Elle a relevé que les messages avaient été échangés entre des tiers et le salarié après son licenciement, depuis son adresse de messagerie personnelle. Les juges ne pouvaient donc pas déduire de la seule absence d’un paramétrage spécifique indiquant le caractère privé des courriels que ceux-ci n’étaient pas personnels, sans examiner l’objet des messages utilisés par l’employeur. Pour la Cour, la mauvaise foi de l’employeur était caractérisée car il a utilisé ou divulgué une correspondance dont il savait que celle-ci ne lui était pas destinée, et ce quel que soit son mobile (Cass. crim. 24.03.2020 n° 19-82069) .

Alignement sur la jurisprudence sociale. Les décisions des chambres sociale et criminelle de la Cour de cassation se rejoignent : l’employeur ne peut pas accéder aux messages personnels émis ou reçus par le salarié via un outil informatique professionnel fourni pour son activité, même s’il a interdit une utilisation privée de cet outil.

Vous ne devez pas produire en justice des e-mails échangés par un salarié via une messagerie privée installée sur son téléphone professionnel pour prouver un manquement à ses obligations contractuelles. Mais vous pouvez accéder à ses e-mails non identifiés comme personnels échangés depuis la messagerie de l’entreprise.

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