VIE DU LIBÉRAL - FORMATION - 22.10.2020

Devenir médecin-conseil de victimes

Un médecin-conseil de victimes ou médecin de recours est un médecin dont la mission est d’informer, de conseiller et d’assister, sur le plan médico-légal, les victimes de dommage corporel dans leurs démarches d’indemnisation. Fonction en général assez méconnue des médecins cliniciens. Petit tour d’horizon !

Quels litiges ?

Préambule. Le médecin de recours intervient en matière de réparation du dommage corporel. Il accompagne les victimes d’agressions ou d’accidents de quelque nature que ce soit dans leurs démarches tendant à obtenir réparation de leurs préjudices corporels : accidents du travail, de la route, médicaux, de la vie, etc.

Rappel. Les procédures d’indemnisation débutent presque systématiquement par une phase d’expertise médicale, laquelle peut être mise en œuvre dans un cadre amiable ou judiciaire. En effet, puisqu’il s’agit d’indemniser un dommage corporel, l’éclairage d’un médecin est primordial pour répondre à des interrogations médico-légales nécessaires pour indemniser la victime. L’expert reçoit une mission avec des interrogations médicales précises auxquelles il doit répondre et qui seront nécessaires pour se prononcer sur le droit à réparation de la victime. Ainsi, en matière de responsabilité médicale, il convient en premier lieu de se prononcer sur le fait de savoir si les professionnels ou établissements de santé mis en cause n’ont pas commis de faute médicale, autrement dit s’ils ont bien respecté les règles de l’art ou s’il s’agit d’un accident médical non fautif ouvrant droit à indemnisation par l’État. Cette question technique ne peut être tranchée que par un médecin, le juriste n’ayant pas compétence pour se prononcer sur ce questionnement médical. Concernant les préjudices, il convient de les identifier et de les évaluer sur le plan médical, poste par poste, en distinguant ceux qui relèvent des lésions ou séquelles, et de déterminer s’ils sont effectivement en lien avec l’accident ou l’agression.

Quel rôle ?

Missions. Un médecin de recours ou médecin-conseil de victimes a pour mission d’informer, de conseiller et d’assister les victimes de dommage corporel sur le plan médical dans leurs démarches d’indemnisation. Son rôle ne se confond pas avec celui de l’avocat qui intervient sur le plan juridique, mais est complémentaire, car les procédures d’indemnisation mêlent des enjeux juridiques et médicaux. En tant que médecin de recours, vous pourrez accompagner la victime avant, pendant et après l’expertise.

Avant la réunion d’expertise. Votre rôle sera de recevoir le patient, d’écouter son histoire et ses plaintes, de classer et d’examiner son dossier médical, et si vous constatez des pièces manquantes pour étayer la responsabilité médicale ou l’évaluation des préjudices, de l’en informer et, le cas échéant, de lui préciser les modalités pour les obtenir. Vous procéderez ensuite à son examen clinique pour inventorier les lésions ou séquelles de la victime, vous permettant ainsi d’évaluer ses préjudices. Cela pourra donner lieu à la rédaction d’un rapport.

Pendant la réunion d’expertise. À l’expertise, le rôle d’un médecin de recours est important pour soutenir la victime qui se retrouve face aux assureurs, systématiquement représentés par leur médecin-conseil et/ou avocat. Le médecin-conseil est présent à chaque stade de la réunion d’expertise. Il accompagne la victime et veille à ce que toutes ses plaintes et réclamations soient bien abordées. Il est présent non seulement lors de l’examen clinique de la victime, mais joue également un rôle actif lors de la discussion médico-légale en apportant la contradiction médicale et vérifie, à tout moment, que tous les postes de préjudices ont été correctement évalués. Cependant, le rôle du médecin de recours est bien délimité et ne se substitue pas à celui de l’avocat, qui a un rôle tout aussi essentiel, puisqu’il convient de rappeler que l’expertise présente des enjeux juridiques indéniables que seul un professionnel du droit sera à même d’apprécier.

Après la réunion d’expertise. Le rôle du médecin-conseil ne s’arrête pas à la porte de la réunion d’expertise. En effet, l’expert judiciaire rend, à l’issue de la réunion d’expertise, un rapport provisoire que l’on appelle « pré-rapport » où il procède à l’analyse du dossier et présente ses conclusions provisoires en invitant les parties à formuler d’éventuelles observations, dans un certain délai, avant dépôt de son rapport définitif. Le rôle du médecin-conseil est fondamental à ce stade pour apporter la contradiction médicale qui peut se traduire par une demande d’information, de confirmation, de rectification ou de complément sur la base d’arguments médico-légaux allant dans le sens des intérêts de la victime.

Bon à savoir. Vous pouvez être médecin de recours parallèlement à votre activité libérale. Il est même recommandé de ne pas consacrer l’essentiel de sa pratique à la médecine de recours, votre expérience de la médecine clinique étant garante de votre compétence en la matière.

Quelle formation ?

Pour être médecin de recours, il est primordial de se familiariser avec les principes juridiques régissant l’indemnisation des victimes, connaître les différentes voies procédurales d’indemnisation et leurs spécificités, les outils et référentiels d’indemnisation, et maitriser les bases du raisonnement médico-légal. Cela nécessite de suivre une formation spécialisée en réparation juridique du dommage corporel. De nombreuses universités ont ouvert des diplômes universitaires (DU) ou inter-universitaires (DIU) de « réparation juridique du dommage corporel » permettant de former des experts, mais également des médecins-conseils de victimes ou d’assurance, pour leur permettre d’accomplir au mieux leur mission d’information, de conseil et d’assistance.

Quelles qualités ?

Indépendance. Afin de pouvoir exercer sa mission en parfaite indépendance, un médecin de recours doit intervenir exclusivement pour les victimes de dommage corporel. Comme le rappelle l’ANAMEVA (Association Nationale des Médecins-conseils de Victimes d’Accident avec dommage corporel), association regroupant des médecins de recours, «  Seul un médecin-conseil, au service exclusif des victimes, n’acceptant jamais de mission des compagnies d’assurance, peut prétendre les défendre en toute indépendance, pour obtenir l’indemnisation optimale de l’ensemble des préjudices subis  ».

Compétences. Naturellement, en tant que médecin de recours, vous ne pourrez accepter une mission que si vous êtes compétent techniquement dans le litige en cause. Si une affaire soulève des questionnements médicaux relevant d’un domaine de compétence que vous ne maitrisez pas suffisamment, vous devrez alors refuser la mission. Toutefois, si l’affaire relève en partie de votre spécialité, vous pourrez faire appel à « un sapiteur », c’est-à-dire un médecin d’une autre spécialité pour que celui-ci se prononce sur la problématique médico-légale relevant de son domaine de compétence. Sachez qu’il est primordial de ne pas consacrer l’essentiel de sa pratique à la médecine de recours, l’expérience en médecine clinique étant un véritable gage de compétence.

Respect des règles déontologiques. En sa qualité de médecin, le médecin de recours est inscrit au tableau de l’Ordre et à ce titre, reste soumis aux dispositions du Code de déontologie médicale désormais codifié aux articles R 4127-1 et suivants du Code de la santé publique.

Quels honoraires ?

Tact et mesure. En tant que praticien libéral, vos honoraires doivent être fixés avec «  tact et mesure  » en tenant compte de la règlementation en vigueur, des actes dispensés ou de circonstances particulières (CSP art. R 4127-53 et R 1111-22) . Cette exigence est appréciée par le juge au cas par cas, notamment au regard de l’étendue des services fournis et de la qualité professionnelle du praticien (Cass. 1e civ. 30.06.1992 n° 89-21970) . Cela s’applique également aux médecins de recours. Ainsi, le fait pour un médecin de recours de facturer à une victime une somme de 500 € alors que ce dernier avait procédé, en guise d’assistance, à un examen très succinct de sa situation et rédigé une note d’observations de huit lignes (CDNOM 14.12.2018 n° 13334) a été jugé abusif car la modestie de cette prestation ne justifiait pas le montant pratiqué. Ce principe interdit aussi à un médecin de recours de percevoir un honoraire de résultat sur l’indemnisation allouée à la victime qu’il a assistée (CDNOM 16.07.2018) .

TVA. Les honoraires que vous serez amené à facturer en tant que médecin de recours sont soumis à TVA. En effet, l’article 261.4-1° du CGI, exonère de TVA exclusivement les prestations de soins à la personne. Rappelons que, depuis le 01.01.2014, le fisc a mis fin à la tolérance qui exonérait les honoraires afférents à des expertises médicales (BOI-TVA-CHAMP-30-10-20-10, §80) .

Le médecin de recours est, avec l’avocat, un acteur essentiel de la procédure d’indemnisation pour défendre la victime sur le plan médico-légal. Cette activité peut être conciliée avec votre activité libérale et vous fera découvrir une nouvelle approche de la médecine.

Contact

Éditions Francis Lefebvre | 42 Rue de Villiers, CS50002 | 92532 Levallois Perret Cedex

Tél. : 03 28 04 34 10 | Fax : 03 28 04 34 11

service.clients.pme@efl.fr | pme.efl.fr

SAS au capital de 241 608 € • Siren : 414 740 852
RCS Nanterre • N°TVA : FR 764 147 408 52 • APE : 5814 Z