BANQUE & CRÉDIT - 14.10.2020

Vous avez souscrit un prêt immobilier et votre banque a manqué à son devoir de conseil : toute perte de chance doit être réparée !

En cas de manquement de la banque à son obligation de conseil envers l’emprunteur qui a adhéré à une assurance de groupe, la perte de chance ouvre droit à réparation. Il ne peut pas être exigé de l’emprunteur qu’il prouve qu’il aurait adhéré à un contrat plus adapté s’il avait été mieux informé (Cass. 2e civ. 20-5-2020 n° 18-25.440 FS-PBI) .

Les circonstances de l’affaire : le contrat d’assurance souscrit ne couvre pas le sinistre subi par l’emprunteur

Un emprunteur immobilier adhère au contrat d’assurance de groupe souscrit par la banque prêteuse auprès d’un assureur afin de couvrir les risques décès, invalidité et incapacité. Il est victime d’un accident du travail et l’assureur refuse sa garantie car le taux d’incapacité fonctionnelle ne dépasse pas le minimum prévu par le contrat. L’emprunteur poursuit alors la banque pour manquement à ses devoirs d’information, de conseil et de mise en garde.

Une cour d’appel rejette cette demande :

  • la banque avait bien commis une faute en n’appelant pas l’attention de l’emprunteur sur les limites de la garantie souscrite ;
  • mais l’emprunteur ne démontrait pas que, complètement informé, il aurait contracté une autre assurance qui l’aurait couvert contre l’incapacité de travail qui lui avait été reconnue, ce d’autant que les assurances ne couvrent pas l’incapacité de travail dans les termes de l’incapacité reconnue par la Sécurité sociale.

La cour en déduit l’absence de perte de chance de souscrire une assurance lui garantissant le risque d’une incapacité totale de travail.

La décision de la Cour de cassation : un contrat mieux adapté aurait-il pu être souscrit ?

L’arrêt de la cour d’appel est censuré par la Cour de cassation. Toute perte de chance ouvre droit à réparation.

Par suite, il ne peut être exigé de l’assuré qu’il démontre que, s’il avait été parfaitement informé par la banque sur l’adéquation ou non à sa situation de l’assurance offerte, il aurait souscrit, de manière certaine, un contrat mieux adapté.

  • Le banquier qui propose à son client, auquel il consent un prêt, d’adhérer au contrat d’assurance de groupe qu’il a souscrit à l’effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, le remboursement du prêt, est tenu de l’éclairer sur l’adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d’emprunteur, la remise de la notice ne suffisant pas à satisfaire à cette obligation (Cass. ass. plén. 2-3-2007 n° 06-15.267 PBRI ; Cass. 2e civ. 2-10-2008 n° 07-15.276 FS-PB) . La solution vaut pour tout emprunteur, qu’il soit averti ou non (Cass. 1e civ. 30-9-2015 n° 14-18.854 F-PB) . À défaut, la banque fait perdre une chance au client emprunteur de souscrire une assurance mieux adaptée à sa situation personnelle (Cass. com. 31-1-2012 n° 11-11.700 F-D) .
  • En l’espèce, le manquement du prêteur à son obligation de conseil sur les garanties couvertes par le contrat d’assurance n’était pas contesté. Qu’en était-il de la perte de chance ?
  • Seule la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable constitue une perte de chance réparable (Cass. 1e civ. 8-3-2012 n° 11-14.234 F-PBI ; Cass. 1e civ. 22-3-2012 n° 11-10.935 F-PBI) . Mais toute perte d’une chance doit être réparée, même si elle est partielle (Cass. 1e civ. 14-12-2016 n° 16-12.686 F-PB) , faible (Cass. 1e civ. 16-1-2013 n° 12-14.439 F-PBI) , voire minime (Cass. 1e civ. 12-10-2016 n° 15-23.230 F-PB) . L’arrêt ci-dessus, qui affirme que toute perte de chance est réparable, se situe dans le droit-fil de cette jurisprudence.
  • Par ailleurs, se posait le problème de la charge de la preuve : l’emprunteur prétendait qu’il avait perdu la chance de souscrire une meilleure assurance alors que l’assureur faisait valoir qu’il incombait à celui-ci d’établir qu’il aurait souscrit une telle assurance. La Cour de cassation n’exige pas de l’emprunteur qu’il démontre avec certitude qu’il aurait forcément souscrit un autre contrat. La seule preuve de l’existence d’un choix raisonnable permis par l’octroi d’une information adéquate suffit. La Cour de cassation facilite ainsi la réparation du dommage subi par l’emprunteur en cas de manquement de la banque à son devoir de conseil. Mais encore faut-il que l’adhérent au contrat prouve qu’il existe sur le marché un autre contrat d’assurance qui lui aurait permis de couvrir le risque non couvert par le contrat souscrit par la banque (Cass. com. 1-12-2015 n° 14-22.134 F-PB) .

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