BÂTIMENT - MARCHÉS PRIVÉS - 10.11.2020

Attention aux travaux de reprise de désordres !

Dans le cadre de vos activités, vous pouvez être amené à établir et proposer des devis, à la demande de clients, portant sur des travaux de réparation destinés à mettre fin à des désordres. Une récente affaire mérite l’attention... et invite à faire très attention ! C’est-à-dire ?

Une mésaventure à méditer...

Où une reprise pose problème... Un propriétaire loue, avec un bail commercial, un hôtel-bar-restaurant. En 2009, à la suite d’infiltrations dans le faux plafond du bar et en dessous d’une terrasse, une première expertise judiciaire est ordonnée à la demande du locataire. L’expert judiciaire préconise alors une reprise totale de l’étanchéité de la terrasse. Mais, à la suite de l’expertise, le bailleur se contente de travaux ponctuels de réfection, devisés par un entrepreneur. Hélas, en 2014, le locataire est confronté à de nouveaux désordres (infiltrations) et une nouvelle expertise est ordonnée. Après l’expertise, le locataire assigne son bailleur en exécution des travaux de réparation préconisés par le second expert, et en indemnisation. Le bailleur décide alors d’assigner l’entrepreneur qui a effectué la reprise, en garantie...

Où l’entrepreneur s’en sort à bon compte... La Cour d’appel d’Amiens, saisie du litige, écarte la demande en garantie du bailleur, à l’encontre de l’entrepreneur. À cet effet, les juges relèvent que le bailleur, maître d’ouvrage, avait été mis en garde par le premier expert judiciaire sur le devis présenté par l’entrepreneur et parfaitement informé de la nécessité de privilégier une reprise totale de l’étanchéité. Les juges soulignent que le bailleur avait néanmoins opté pour la solution proposée, plus intéressante économiquement, en prenant le risque de manière délibérée et consciente de privilégier la solution insuffisante, préconisée par l’entrepreneur...

Pas si vite... La Cour de cassation a récemment censuré (cassé) l’arrêt de la Cour d’appel d’Amiens, au visa de l’article 1792 du Code civil. Pour la Cour de cassation, les juges se devaient de rechercher s’il n’incombait pas à l’entrepreneur, en sa qualité de professionnel, de « réaliser des travaux conformes aux règles de l’art et d’accomplir son travail avec sérieux, ce qui ne ressortait pas du [second] rapport d’expertise, et de refuser d’exécuter les travaux qu’elle savait inefficaces »(Cass. 3e civ. 10.09.2020 n° 19-11.218) .

... pour des travaux de reprise !

Pour des travaux de reprise... L’arrêt du 10.09.2020 invite tout entrepreneur du bâtiment à ne jamais prendre à la légère la mise en œuvre de travaux destinés à mettre fin à des désordres (des travaux de reprise, dans le jargon).

Gare au devoir de conseil... Lorsqu’un client souhaite vous confier des travaux de reprise, il vous revient de le conseiller utilement sur la nature exacte des travaux à réaliser pour remédier aux désordres.

Des travaux insuffisants demandés ? Pour des raisons bien compréhensibles, un client peut (parfois) vouloir limiter la note à payer pour des travaux de reprise. La leçon de l’arrêt du 10.09.2020 est claire : la rigueur doit vous amener à refuser un chantier, si les travaux (suggérés ou demandés...) sont insuffisants !

Reprise pendant/après expertise. La prudence est de mise si un client vous demande d’effectuer des travaux de reprise dans le cadre (ou à la suite) d’un litige qui a dégénéré en contentieux, avec désignation d’un expert judiciaire. Il convient de proposer un devis prenant en compte la solution technique préconisée par l’expert dans son (pré)rapport. Mais ceci uniquement si la solution préconisée est fiable et viable ! Dans une affaire, une société a vu sa responsabilité engagée et a été condamnée pour avoir « réalisé des travaux de reprise inefficaces » pour une toiture, pourtant préconisés par un expert judiciaire, au motif qu’en « sa qualité d’homme de l’art, elle devait, avant l’exécution des travaux confiés par l’expert devenu en l’occurrence maître d’œuvre, examiner le support et refuser d’exécuter les travaux préconisés »(CA Montpellier 25.01.2018 n° 14/03044 inédit) . Sauf à ce que des travaux conservatoires soient indispensables, notamment pour des impératifs de sécurité, attendez (au besoin) qu’une décision de justice (définitive) soit rendue.

Assurance. Avant de vous lancer sur un (gros) chantier portant sur des travaux de reprise, ou vous spécialiser dans ce type d’activité, veillez aussi à vérifier, auprès de votre assureur, que vous êtes correctement assuré.

Sous peine de risquer d’engager votre responsabilité si de nouveaux désordres surviennent, la prudence et la rigueur sont de mise pour deviser des travaux de reprise. Veillez à conseiller utilement un client sur la nature exacte des travaux à réaliser, pour mettre fin à des désordres. Refusez un chantier si le client veut se contenter de travaux à moindre coût, qui seront inefficaces.

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