RELATIONS AVEC LES TIERS - PATIENTS - 26.11.2020

Le droit au repos de sécurité ?

La permanence des soins implique l’ensemble des professionnels de santé : hospitaliers, libéraux et salariés. Il est essentiel de faire le point sur la protection qui encadre cette pratique notamment parce qu’en cas de fatigue excessive, vous pourriez être responsable d’une faute à l’égard de l’un de vos patients. Faute qui pourrait alors engager votre responsabilité ! Faisons le point !

La permanence des soins

Le principe. « Il est du devoir du médecin de participer à la permanence des soins dans le cadre des lois et des règlements qui l’organisent » (CSP art. 4127-77 ; C. déont. méd. art. 77) . Par conséquent, s’agissant d’une organisation collective en réponse à des demandes non programmées de soins, dans l’intérêt de la population, vous êtes tous impliqués dès lors que vous pratiquez dans le domaine du soin.

En pratique. Les médecins hospitaliers, qu’ils soient salariés ou libéraux exerçant en établissement, se voient contraints de respecter les modalités pratiques fixées en la matière. En revanche, dans le cadre de l’exercice libéral, c’est-à-dire hors établissement, les praticiens peuvent satisfaire à ce devoir de façon volontaire. En effet, dans cette dernière hypothèse, les médecins libéraux restent libres des modalités de leur participation à la permanence des soins à une exception. En effet, exceptionnellement, en cas d’absence ou d’insuffisance de médecins volontaires constatée, le préfet pourra réquisitionner autant de médecins nécessaires pour assurer la permanence des soins (CSP art. R 6315-4) .

Actualité COVID-19. Dans le contexte de l’état d’urgence sanitaire, réinstauré depuis le 17 octobre 2020 et cela jusqu’au 16 février 2021, le législateur a, notamment, pour faire face à l’épidémie de COVID-19, prévu la possibilité pour le Premier ministre et le ministre de la Santé d’habiliter le préfet territorialement compétent « à prendre toutes les mesures générales ou individuelles d’application de ces mesures de réquisition » (CSP art. L 3131-15) . Par conséquent, à l’heure actuelle, vous pourriez parfaitement être réquisitionné pour faire face aux besoins en matière sanitaire, que vous soyez hospitalier ou libéral.

Protection des professionnels et permanence des soins

Préambule. Du fait d’une directive européenne en date du 23 novembre 1993, « tout travailleur de la Communauté européenne a droit au repos hebdomadaire » (directive n° 93/104/CE) . Sur ce fondement, le législateur a encadré, notamment, le temps de travail des professionnels de santé, pour que cela soit compatible avec la permanence des soins.

Le principe. L’arrêté du 30 avril 2003 relatif à l’organisation et à l’indemnisation de la continuité des soins, modifié par l’arrêté du 8 novembre 2013 et par une décision du Conseil d’État du 27 juillet 2015 (requête n° 374687) , dispose notamment, concernant les activités médicales, que « Le repos quotidien et le repos de sécurité : (...) Les personnels enseignants et hospitaliers bénéficient d’un repos de sécurité d’une durée de 11 heures constitué :

  • dans les activités organisées en temps médical continu définies à l’article 4 (...), d‘une interruption totale de toute activité, prise immédiatement après chaque garde de nuit effectuée ;
  • pour les autres activités, d’une interruption de toute activité clinique en contact avec le patient, prise immédiatement après chaque garde de nuit ».

En pratique. Le législateur ne vise que les personnels enseignants et hospitaliers de sorte que les praticiens libéraux, même dans le cadre de la permanence des soins, seraient exclus de ce dispositif organisationnel. Cette distinction a été confirmée par la jurisprudence. En effet, par une décision du 25 avril 2003, le Conseil d’État est venu préciser que le droit au repos de sécurité était identique pour l’ensemble des praticiens hospitaliers (CE du 25.04.2003 n° 240139 et 240223) . Là encore, sont exclus les praticiens libéraux de sorte qu’il convient de retenir que nul ne peut contraindre un professionnel libéral, dans le cadre de son activité libérale de respecter un temps de repos de sécurité. Dans ce contexte, après votre participation à une mission de permanence de soins, il vous appartiendra de vous autoréguler afin de ne pas exercer votre activité malgré un état de fatigue excessive.

Attention !  Le législateur met à votre charge une obligation de qualité et de sécurité en matière de soins. En effet, « dès lors qu’il a accepté de répondre à une demande, le médecin s’engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel, s’il y a lieu, à l’aide de tiers compétents » (CSP art. R 4127-32 ; C. déont. méd. art. 32) . Compte tenu de cette obligation, vous engageriez votre responsabilité, si du fait d’une fatigue excessive, vous commettiez une faute au préjudice de l’un de vos patients.

Responsabilité du praticien et permanence des soins

Rappel. En cas de faute de votre part, imputable à votre état de fatigue, le patient-victime pourrait parfaitement solliciter l’indemnisation de ses préjudices. Selon votre statut, votre responsabilité pourrait différer.

Le principe. Dans le cas de la prise en charge d’un patient par un praticien hospitalier, la seule responsabilité qui peut être retenue est celle de l’établissement, hôpital ou clinique. En effet, dans ce type d’exercice, le médecin est vu comme un préposé. À ce titre, la jurisprudence a posé le principe d’une immunité civile au profit du préposé. Par conséquent, le préposé qui commet une faute dans le cadre de sa mission n’est pas responsable des dommages qu’il cause aux tiers, ici, le patient.

Exception. Le praticien préposé engage sa responsabilité personnelle s’il excède les limites de sa mission. En effet, le médecin préposé engagerait sa responsabilité personnelle s’il agit sans autorisation, en dehors de ses fonctions et à des fins étrangères à ses attributions. Ces deux critères sont cumulatifs. À défaut de la démonstration de ces deux critères, le médecin préposé ne peut voir engager sa responsabilité.

L’hypothèse du praticien libéral. La question de la responsabilité du médecin libéral appelé par le médecin régulateur du SAMU, dans le cadre de la permanence des soins s’est posée récemment. En effet, il était important de déterminer si dans cette hypothèse particulière, le médecin libéral est considéré comme un préposé occasionnel du service public, ce qui supposerait alors qu’en cas de faute, la responsabilité engagée ne serait pas celle du médecin directement. Dans un arrêt du 4 février 2015, la Cour de cassation a pu préciser que le médecin libéral appelé par le médecin régulateur dans cette hypothèse demeure responsable à titre personnel de la consultation ou de la visite qu’il accomplit (Cass. 1e   civ. 04.02.2015 n° 14-10337) . En effet, le médecin libéral sollicité n’est pas considéré comme un collaborateur occasionnel du service public.

Quid de votre responsabilité déontologique ? Celle-ci est engagée dans la mesure où la permanence des soins a été reconnue comme une mission de service public (CSP art. L 6314-1) . Par conséquent, dans l’hypothèse où un patient saisirait le Conseil départemental de l’Ordre des médecins d’une plainte à l’encontre de tout professionnel de santé (hospitalier, libéral ou salarié) pour tout acte en lien avec son activité de permanence des soins, ce dernier pourra décider de ne pas y donner suite. En effet, « les médecins, les chirurgiens-dentistes ou les sages-femmes chargés d’un service public et inscrits au tableau de l’Ordre ne peuvent être traduits devant la chambre disciplinaire de première instance, à l’occasion des actes de leur fonction publique, que par le ministre chargé de la Santé, le représentant de l’État dans le département, le directeur général de l’agence régionale de santé, le procureur de la République, le conseil national ou le conseil départemental au tableau duquel le praticien est inscrit » (CSP art. L 4124-2) .

Il est essentiel pour vous d’informer, par écrit, votre assureur de responsabilité civile professionnelle de votre participation, sur la base du volontariat ou de la réquisition, à toute mission de permanence des soins, afin de vous faire confirmer que vous êtes bien couvert pour tout éventuel contentieux devant naître, à la suite d’une telle mission de service public.

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