BÂTIMENT - GARANTIES LÉGALES - 10.11.2020

Responsabilité décennale : focus sur la « cause étrangère »

Un entrepreneur du bâtiment peut parfois voir sa responsabilité décennale engagée pour des désordres au titre de l’article 1792 du Code civil, sauf si les désordres proviennent d’une « cause étrangère ». Mais qu’entend-on par « cause étrangère » ? Le point au vu d’arrêts récents !

Pour la responsabilité décennale...

Une responsabilité légale. Dans les conditions fixées par le Code civil, tout « constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit », envers le maître d’ouvrage (MO), des « dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination »(C. civ. art. 1792, al. 1) . En cas de désordres à un ouvrage, est réputé constructeur tout entrepreneur du bâtiment lié au MO par un contrat de louage d’ouvrage (C. Civ. art. 1792-1) .

Une responsabilité de plein droit. Comme le précise le texte, la responsabilité décennale est un régime de responsabilité de plein droit. Ceci a pour effet de dispenser le MO de rapporter la preuve d’une faute à votre encontre. Le texte pose ainsi une « présomption de responsabilité décennale » à votre encontre (Cass. 3e civ. 13.06.2019 n° 18-16.725) .

Pour l’exonération prévue...

Ce que dit la loi. Le Code civil précise que la responsabilité de plein droit « n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère »(C. civ. art. 1792, al. 2) . Ainsi, votre responsabilité décennale peut être écartée, au titre de l’article 1792 du Code civil, si vous pouvez prouver que les désordres concernés trouvent leur origine dans une « cause étrangère ».

Ce que dit le juge. Comme en témoigne une récente affaire, la Cour de cassation applique le texte avec une grande sévérité. Dans cette affaire, quelques semaines après l’achèvement de travaux de plomberie réalisés par un entrepreneur, des désordres étaient apparus, dus à la présence d’une fuite importante sur les réseaux d’eau froide et d’eau chaude. Des juges ont écarté la responsabilité de l’entrepreneur, au titre de l’article 1792 du Code civil, au motif que l’hypothèse du gel sur ces réseaux était plus que probable, même si elle n’avait pas été vérifiée. La cause des fuites n’étant donc pas déterminée, la preuve du lien de causalité entre les désordres et les prestations de l’entrepreneur, qui aurait permis de mettre en œuvre la garantie décennale, n’était donc pas rapportée (CA Grenoble 28.05.2019) . Mais la Cour de cassation a sèchement censuré (cassé) l’arrêt pour violation de l’article 1792 du Code civil. Motif ? Ceci ne permettait pas d’établir l’existence d’une cause étrangère (Cass. 3e civ. 23.09.2020 n° 19-20.374) .

Une preuve est à rapporter...

Ce qui ne suffit pas. Pour vous exonérer de votre responsabilité au titre de l’article 1792 du Code civil, vous ne pouvez vous contenter d’invoquer une origine indéterminée à des désordres. Votre responsabilité peut être recherchée, même si la cause d’un sinistre n’a pu être déterminée par un expert judiciaire, et même si l’expertise n’a pas permis d’établir l’existence d’un vice de construction (p.ex. : Cass. 3e civ. 30.09.2015 n° 14-16.257 et 27.01.2015 n° 13-21.945) . Au vu d’un arrêt, un électricien peut voir sa responsabilité engagée à la suite d’un incendie ayant eu une origine électrique, même si la cause exacte de cet incendie demeure inconnue (Cass. 3e civ. 08.02.2018 n° 16-25.794 ).

Ce qu’il faut pouvoir prouver. La responsabilité décennale peut être écartée si vous pouvez prouver que les désordres proviennent d’un cas de force majeure (difficile à prouver) ou du fait d’un tiers tel s’il est prouvé que les désordres ont eu pour origine les travaux réalisés par un autre entrepreneur et qu’ils ne sont (donc) pas imputables à vos travaux (Cass. 3e civ. 13.06.2019 n° 18-16.725) . Pour tenter de bénéficier d’une exonération au moins partielle de responsabilité, vous pouvez vous prévaloir d’une immixtion fautive du MO dans vos travaux, ou son acceptation délibérée des risques (MO professionnel). Mais comme cela vient d’être jugé, il faut pouvoir prouver que le comportement du MO a été la cause directe des désordres (Cass. 3e civ. 23.09.2020 n° 19-13.890) .

La responsabilité décennale peut être écartée si et seulement si vous pouvez prouver que les désordres ont pour origine un cas de force majeure, ou les travaux réalisés par un autre entrepreneur, mais pas en cas d’origine indéterminée. Pour essayer de bénéficier d’une exonération partielle de responsabilité, vous pouvez tenter de vous prévaloir d’une immixtion fautive du maître d’ouvrage, ou son acceptation délibérée des risques (si c’est un professionnel).

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