Débaucher des salariés = concurrence déloyale ?
Les faits
Un cabinet d’expertise comptable reçoit la démission de deux collaboratrices qui vont être embauchées par un cabinet concurrent. À la suite de cette démission, 13 clients quittent le cabinet pour rejoindre le cabinet dans lequel les deux collaboratrices viennent d’être embauchées. Le cabinet d’expertise comptable assigne alors le cabinet concurrent en paiement de dommages-intérêts pour concurrence déloyale.
Le cabinet s’estime victime d’un acte de concurrence déloyale et réclame, à ce titre, des dommages-intérêts au cabinet concurrent. Il estime en effet que le débauchage de la moitié de ses effectifs, à qui le cabinet concurrent a promis une rémunération plus élevée, a entraîné sa désorganisation.
La position du juge
Le juge rappelle que le débauchage de salariés n’est illicite que s’il résulte de manœuvres déloyales et entraîne une désorganisation de l’entreprise concurrente.
Le juge estime qu’en l’absence de pièces établissant des échanges avant leur départ entre le cabinet concurrent et les deux collaboratrices, aucune incitation au départ de ces salariées, qui n’étaient pas liées par une clause de non-concurrence, n’est avérée et que la proposition de rémunération de 5 % plus élevée qui leur a été faite ne constitue pas un procédé déloyal à l’égard de l’ancien employeur.
Le juge conclut que la preuve de l’utilisation par le cabinet concurrent de procédés déloyaux pour inciter les deux collaboratrices à démissionner n’était pas rapportée (Cass. com. 18.11.2020 n° 18-19012) .
Ce qu’il faut savoir
« Concurrence déloyale ». La liberté de concurrence trouve sa limite dans la concurrence déloyale. Si le principe reste la liberté de concurrence, il ne faut pas user de moyens déloyaux pour nuire à une entreprise concurrente. Derrière les pratiques commerciales déloyales, on retrouve plusieurs notions : la « concurrence déloyale » qui peut se définir comme l’ensemble des procédés concurrentiels contraires à la loi ou aux usages, constitutifs d’une faute intentionnelle ou non et de nature à causer un préjudice aux concurrents ; le « parasitisme commercial » qui peut se définir comme l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit sans rien dépenser et indûment de ses efforts, de ses investissements, de sa notoriété et de son savoir-faire.
Exemples. Un acte de concurrence déloyale pourra consister à imiter des produits ou utiliser et s’approprier des signes distinctifs d’une entreprise ; à jeter le discrédit sur un concurrent en dévalorisant ses produits, son savoir-faire, ses compétences, etc. ; à démarcher la clientèle d’un concurrent en détournant des fichiers clients, des commandes, etc. ; à débaucher en masse les salariés d’une entreprise concurrente en vue de s’approprier des compétences et du savoir-faire, en dehors de tout respect du principe de loyauté, etc.
Une sanction. De tels actes sont sanctionnés sur le fondement de la responsabilité civile. Cela suppose toutefois que trois conditions soient réunies : l’auteur de l’acte de concurrence déloyale doit avoir commis une faute, souvent au moyen de procédés déloyaux ; la victime doit avoir subi un préjudice ; et il faut établir un lien de causalité entre la faute et le préjudice.