Devoir de conseil de l’architecte : du nouveau !
Une affaire à méditer
Pour la petite histoire. Dans une affaire, un architecte s’est vu confier par une commune une mission de maîtrise d’œuvre portant sur la conception/réalisation d’une salle polyvalente. À la suite de la réception des travaux, la commune a découvert une non-conformité aux normes acoustiques de la salle réalisée. Elle a décidé de rechercher la responsabilité (contractuelle) de l’architecte pour défaut de conseil, notamment lors des opérations de réception de l’ouvrage.
La décision. Par un arrêt de principe, le Conseil d’État a approuvé la condamnation de l’architecte, au vu des règles suivantes. La « responsabilité des maîtres d’œuvre pour manquement à leur devoir de conseil peut être engagée, dès lors qu’ils se sont abstenus d’appeler l’attention du maître d’ouvrage sur des désordres affectant l’ouvrage et dont ils pouvaient avoir connaissance, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l’ouvrage ou d’assortir la réception de réserves. Ce devoir de conseil implique que le maître d’œuvre signale au maître d’ouvrage l’entrée en vigueur, au cours de l’exécution des travaux, de toute nouvelle réglementation applicable à l’ouvrage, afin que celui-ci puisse éventuellement ne pas prononcer la réception et décider des travaux nécessaires à la mise en conformité de l’ouvrage » . En l’espèce, l’architecte s’était abstenu de signaler le contenu de nouvelles normes acoustiques et leur nécessaire impact sur le projet ainsi que la non-conformité de la salle à ces normes lors des opérations de réception, alors qu’il en avait eu connaissance en cours de chantier. La responsabilité de l’architecte pour défaut de conseil était engagée (CE 10.12.2020 n° 432783) . En l’espèce, il a été condamné à payer 180 000 €.
Des enseignements à tirer
Gare aux désordres ! Missionné pour un chantier, un architecte se doit d’alerter une commune sur les désordres dont il peut avoir connaissance, à peine de risquer d’engager sa responsabilité pour défaut de conseil. Il a été jugé qu’il « importe peu, à cet égard, que les vices en cause aient ou non présenté un caractère apparent lors de la réception des travaux, dès lors que le maître d’œuvre en avait eu connaissance en cours de chantier »(CE 28.01.2011 n° 330693) . Les juges doivent vérifier si les maîtres d’œuvre « auraient pu avoir connaissance de ces vices s’ils avaient accompli leur mission selon les règles de l’art »(CE 08.01.2020 n° 428280) .
Gare à la réglementation ! Un architecte sera aussi bien avisé d’informer par écrit une commune de tout changement de réglementation susceptible d’impacter les travaux concernés.
La nuance. Comme dans l‘affaire jugée le 10.12.2020, un architecte peut opposer, à une commune, la faute commise dans l’exercice de ses pouvoirs de contrôle (elle est notamment censée être au fait d’une nouvelle réglementation). On peut aussi tenter de lui reprocher une faute dans l’estimation de ses besoins ou dans la conception même d’un marché. Sa faute peut justifier une exonération (au moins partielle) de la responsabilité de l’architecte. Dans l’affaire jugée le 10.11.2020, le Conseil d’État a retenu une exonération à hauteur de 20 % du montant du préjudice. Pour un chantier où des désordres étaient apparus et étaient connus tant du maître d’œuvre que du maître d’ouvrage avant la réception, avec des travaux pour y remédier réalisés avant la levée des réserves, un architecte a pu obtenir une décharge pour 70 % de sa responsabilité (CE 08.01.2020 n° 434430) .