Une rupture conventionnelle durant une période de difficultés
Conclure une rupture conventionnelle
Condition de fond. Lorsque vous envisagez de conclure une rupture conventionnelle individuelle (RCI) avec un salarié pour décider en commun des conditions de la rupture de son contrat de travail à durée indéterminée, celle-ci est valable si votre consentement et celui du salarié est libre, éclairé et non vicié. Si l’employeur dissimule des informations au salarié ou lui donne des informations inexactes dans le but de lui faire accepter la conclusion de la convention de rupture, le salarié peut demander la nullité de la RCI en raison de son consentement vicié du fait d’un dol (C. trav. art. L 1237-11) .
Dans un contexte de difficultés économiques. Le contexte dans lequel intervient la signature de la convention de rupture a aussi son importance, p.ex. un contexte conflictuel ou des difficultés économiques de l’entreprise. Le recours à la RCI dans une période de difficultés économiques n’est pas interdit, mais interroge, dans la mesure où l’employeur peut être tenté de se séparer à l’amiable d’un ou plusieurs salariés pour éviter une procédure de licenciement pour motif économique.
Bon à savoir. L’administration sociale a précisé que « la RCI ne peut être utilisée comme un moyen de contourner les règles du licenciement économique collectif, et donc de priver les salariés des garanties attachées aux plans de sauvegarde de l’emploi (PSE). En effet, les ruptures de contrat résultant des PSE ne peuvent revêtir la forme de ruptures conventionnelles, en application de l’article L 1237-16 du Code du travail ». « Un contexte économique difficile pour l’entreprise, voire un PSE circonscrit à d’autres emplois, ne sont pas à eux seuls suffisants pour exclure l’application de la RCI, mais le caractère coordonné et organisé des ruptures conventionnelles peut constituer un indice additionnel » (circ. DGT 2009-04, 17.03.2009 et instr. DGT 2010-02 du 23.03.2010) .
Dissimuler un futur PSE
Consentement libre et non vicié du salarié. La RCI doit donc garantir la liberté du consentement du salarié. C’est cette condition déterminante de la validité de la convention de rupture que la Cour de cassation a rappelée dans un arrêt du 06.01.2021 (Cass. soc. 06.01.2021 n° 19-18549) .
Vice du consentement pour dissimulation d’un PSE. Un salarié et son employeur ont signé une convention de rupture conventionnelle. Deux mois plus tard, un PSE a été présenté aux représentants du personnel, prévoyant des mesures d’accompagnement. Le salarié a demandé l’annulation de la RCI pour vice du consentement. Il reprochait à son employeur de lui avoir dissimulé qu’une procédure de licenciement collectif pour motif économique entraînant la suppression de son poste de travail allait être engagée et qu’un PSE était en préparation. Il a fait valoir qu’il n’aurait pas signé la convention de rupture s’il avait su qu’il aurait pu bénéficier des mesures d’accompagnement du PSE plus favorables que l’indemnité de rupture qui lui a été versée.
De son côté, l’employeur expliquait qu’à la date de la conclusion de la rupture conventionnelle, aucune décision relative à l’engagement d’une procédure de licenciement collectif pour motif économique, ni à l’établissement d’un PSE n’avait été prise et qu’il n’avait pas intentionnellement dissimulé ces informations au salarié afin de le tromper.
Nullité de la RCI prononcée pour dol. La Cour de cassation a constaté que l’employeur avait dissimulé au salarié l’existence, à la date de conclusion de la convention de rupture, d’un PSE en cours de préparation prévoyant la suppression de son poste et que cette dissimulation avait été déterminante du consentement du salarié. La RCI était donc nulle. Dans ce cas, la rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.