VENTE IMMOBILIÈRE - DIVERS - 23.03.2021

Vente de fonds en copropriété : gare à la réticence dolosive

La Cour de cassation a été récemment appelée à se prononcer sur la régularité d’une vente d’un fonds de commerce, couplée de la cession d’un bail commercial, dans une copropriété. La décision rendue mérite l’attention...

Pour une cession de fonds et/ou bail...

Pour la petite histoire... En 2010, le propriétaire d’un fonds de commerce de restaurant le vend à une société. Le cédant régularise avec elle, dans le même temps, un bail commercial portant sur les locaux dans lesquels est exploité le fonds, et situés dans une copropriété (en RDC).

Le litige. L’acquéreur du fonds décide de réclamer, en justice, l’annulation de l’acte de cession du fonds et le bail commercial. Expliquant qu’il ne peut exploiter le fonds comme il l’entend, il soutient avoir été victime d’une réticence dolosive. En effet, le règlement de copropriété de l’immeuble, pour les locaux à usage commercial, exclut les commerces de nature à gêner par le bruit ou les odeurs. Une décision votée en assemblée générale (AG) des copropriétaires en 1989 a certes toléré, dans les locaux cédés, une salle de dégustation de plats cuisinés prêts à emporter, mais sous réserve qu’il n’y ait pas de réception de clientèle après 20 h. En outre, le procès-verbal d’une AG de 2000 précise que toute activité de restauration traditionnelle est interdite dans les locaux.

Pour des locaux en copropriété...

Il aurait dû se renseigner ? En défense, l’ancien propriétaire des locaux oppose que le cédant d’un fonds, et du bail commercial afférent n’est pas tenu d’informer le cessionnaire d’éléments relatifs aux modalités d’exploitation du fonds, qu’il est en mesure de connaître lui-même. Selon lui, la société pouvait/devait se renseigner....

Pas si vite... La Cour de cassation a écarté cette argumentation. Outre le règlement de copropriété, le cédant connaissait la décision de l’AG de 1989, portée à sa connaissance lors de son achat du fonds, en 2008. Le cédant ne démontrait pas avoir porté à la connaissance de la société que le fonds ne pouvait être exploité qu’à certaines conditions. Or « l’obligation légale de loyauté contractuelle » lui imposait de porter à sa connaissance la décision, qui avait une « incidence directe sur les conditions d’exploitation du fonds, comme l’avait fait à son égard les précédents propriétaires » . Il avait commis une réticence dolosive, justifiant l’annulation des cessions (Cass. com. 06.01.2021 n° 18-25.098 ; CA Lyon 27.09.2018 n° 14/06466) .

Rigueur de mise côté opérateur...

Cession = devoir d’information. Si l’arrêt concernait des faits antérieurs à la réforme du droit des contrats (2016), la solution rendue est transposable dans le cadre des nouveaux textes du Code civil. Un texte prévoit qu’une partie à un contrat « qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant » . Une information qui a « un lien direct et nécessaire » avec le contenu du contrat est considérée comme étant d’une importance déterminante (C. civ. art. 1112-1) . Par ailleurs, constitue un dol, notamment, la « dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie »(C. civ. art. 1137, al. 2) . Notons que « l’erreur provoquée par la réticence dolosive » sur une information déterminante est « toujours excusable » , en principe (Cass. com. 16.12 2020 n° 18-24.442 ; C. civ. art. 1139) .

Cession en copropriété. Côté notaire ou agent immobilier, si vous intervenez pour la cession d’un fonds et/ou d’un bail commercial portant sur des locaux situés dans une copropriété, veillez à procéder aux vérifications qui s’imposent. Outre le cédant, il est prudent d’interroger le syndic de la copropriété concernée. Verrouillez les actes de cession, au vu des informations connues/fournies.

Retrouvez notre notice sur https://www.alertesetconseils.fr , Annexes, année 17, n° 3.

Sous peine de risquer l’annulation de la cession d’un fonds de commerce et du bail commercial afférent, veillez à communiquer au cessionnaire tout élément pouvant avoir une incidence directe sur les conditions d’exploitation du fonds (décision d’AG, ...).

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