FISCALITE - BIEN DEMEMBRE - 23.04.2021

Cession de droits démembrés : gare aux montages !

La Conseil d’État s‘est récemment prononcé sur le régime fiscal applicable en cas de cession conjointe de parts d’une société dont la propriété est démembrée. Pour pareille cession de droits démembrés, quels enseignements tirer de la décision ?

Cession de droits démembrés : en droit

Pour une cession concernée. Le Code civil précise qu’«  en cas de vente simultanée de l’usufruit et de la nue-propriété d’un bien, le prix se répartit entre l’usufruit et la nue-propriété selon la valeur respective de chacun de ces droits, sauf accord des parties pour reporter l’usufruit sur le prix »(C. civ. art. 621) . Pour le fisc, en cas de cession conjointe par le nu-propriétaire et l’usufruitier de leurs droits démembrés, avec répartition du prix de vente entre eux, l’opération peut dégager une plus-value imposable.

Le Conseil d’État précise sa doctrine... Appelé à se prononcer, le Conseil d’État vient de fixer les règles suivantes (CE 02.04.2021 n° 429187) .

Règle 1. L’imposition « de la plus-value constatée à la suite des opérations par lesquelles l’usufruitier et le nu-propriétaire de parts sociales dont la propriété est démembrée procèdent ensemble à la cession de ces parts sociales, se répartit entre l’usufruit et la nue-propriété selon la valeur respective de chacun de ces droits ».

Règle 2. Lorsque les parties à la cession « ont décidé, par les clauses contractuelles en vigueur à la date de la cession, que le droit d’usufruit serait, à la suite de la cession, reporté sur le prix issu de celle-ci, la plus-value est alors intégralement imposée entre les mains de l’usufruitier ».

Règle 3. Si, en revanche, les parties décident que « le prix de cession sera nécessairement remployé dans l’acquisition d’autres titres dont les revenus reviennent à l’usufruitier, la plus-value réalisée n’est imposable qu’au nom du nu-propriétaire » .

Règle 4. Si l’usufruitier « conserve la faculté de remployer ou non le produit de la cession des titres dont il a l’usufruit, le droit d’usufruit doit être regardé, pour l’imposition des plus-values résultant de la cession, comme reporté sur le produit de cette cession, rendant ainsi l’usufruitier intégralement redevable de l’imposition  ».

Cession des droits : incidence pratique

Pour des montages... Dans l’affaire jugée le 02.04.2021, par un acte de donation-partage, un couple avait cédé à ses enfants la nue-propriété d’actions d’une société, dont ils avaient conservé l’usufruit. Plus tard, la société avait procédé, dans le cadre d’une réduction de capital, au rachat des actions, l’usufruit et la nue-propriété étant cédés simultanément. Le fisc avait procédé à un redressement fiscal à l’égard du couple au titre de la plus-value afférente à la cession des actions dont ils détenaient l’usufruit, en retenant que la plus-value était intégralement imposable entre ses mains (et non entre les mains des nus-propriétaires). Des juges ont considéré que le redressement fiscal était injustifié (CAA Versailles 29.01.2019 n° 16VE02602) .

Le Conseil d’État « veille au grain »... L’arrêt versaillais a été annulé par le Conseil d’État. Après avoir analysé les clauses de I’acte de donation partage, à l’origine du démembrement des titres, le Conseil d’État a souligné qu’il ressortait de l’acte que le droit d’usufruit était, en cas de cession, reporté sur le prix issu de celle-ci. L’acte ne faisait du remploi du prix de vente des titres qu’une simple faculté à la main des seuls usufruitiers. Le couple usufruitier, gardant la possibilité de reporter son droit d’usufruit sur le prix issu de la cession, devait être regardé comme redevable de l’intégralité de l’imposition assise sur la plus-value. Cette solution a vocation à s’appliquer pour toute convention de quasi-usufruit assorti d’une clause prévoyant une faculté de remploi.

Rigueur de mise... L’arrêt du 02.04.2021 invite à bien y réfléchir à deux fois sur les aspects fiscaux en matière de transmission de patrimoine (notamment via une donation partage). En cas de cession conjointe de droits démembrés, tenez-compte de la doctrine fiscale (BOI-RPPM-PVBMI-20-10-20-60) .

Retrouvez notre notice sur https://www.alertesetconseils.fr , Annexes, année 17, n° 5.

Selon le Conseil d’État, l’imposition de la plus-value résultant de la cession conjointe peut parfois être intégralement mise à la charge d’un usufruitier, tel en présence d’une convention de quasi-usufruit avec une clause prévoyant une faculté de remploi.

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