FRAIS PROFESSIONNELS - RÉGIME SOCIAL - 26.05.2021

Vos DFS sont à vérifier... 

Le BOSS restreint le champ d’application de la déduction spécifique pour frais (DFS). Celles que vous appliquiez sont-elles encore valables ? Quels sont les points à vérifier ?

Quelques rappels sur la DFS

La définition. C’est un abattement sur l’assiette des cotisations SS et alignées, accordé à certaines professions. Elle ne s’applique pas à la Csg/Crds, ni en matière fiscale, ni, par exception, à l’assiette des cotisations chômage des journalistes. En contrepartie, avant d’appliquer le taux de déduction, l’employeur réintègre au brut cotisable tous les frais pris en charge, sauf certains limitativement fixés (voir Annexes ACP 2021 sur Pour aller plus loin) .

Le plafond. En tout état de cause, la DFS ne s’applique que dans limite de 7 600 €/an et par salarié. Sans changement, ce montant n’est pas partagé en cas de pluralité d’employeur, sous réserve d’abus manifeste, à propos duquel le BOSS prévoit notamment le cas des employeurs appartenant à un même groupe (BOSS-FP-2160) .

Attention ! Une fois ce plafond atteint, pour rappel, tous les frais restent alors intégrés à l’assiette des cotisations, alors même que la DFS ne s’applique plus.

Le respect de l’assiette minimale. L’application de la DFS ne peut aboutir à une assiette de cotisations < Smic, majoré des éléments légaux obligatoires (CSS art. R 242-1 al. 6) . Le principe ne change pas, mais il est confirmé qu’elle doit être vérifiée chaque mois, et que les éléments de rémunération conventionnels ne sont pas pris en compte dans le calcul de l’assiette minimale, mais le sont pour vérifier si celle-ci est atteinte (BOSS-FP-2220) .

Exemple 1. Salarié à 1 580 €, avec 70 € de frais réintégrés pour une DFS de 10 % : l’assiette mini est égale au Smic, soit 1 554,62 €. L’assiette avec DFS devrait être de [(1 580 + 70 = 1 650) - (1 650 x 10 % = 165)] = 1 485 €, mais ce montant étant inférieur au Smic, l’employeur doit cotiser sur 1 554,62 €, soit 69,62 € de plus. Le montant déduit au titre de la DFS à gérer pour la limite annuelle est donc de (165 - 69,62) = 95,38 €. Notez que si le salarié avait droit à une prime d’ancienneté de 100 €, l’assiette mini ne serait pas modifiée, et l’assiette des cotisations pourrait s’appliquer normalement car supérieure : (1 580 + 100 + 70 = 1 750) - (1 750 x 10 % = 175)] = 1 575 €.

Les conditions

L’activité. Le salarié doit exercer lui-même l’une des professions visées (voir Annexes ACP 2021 sur Pour aller plus loin) . S’il exerce plusieurs activités, seule la rémunération de celle qui est concernée peut bénéficier de la DFS (BOSS-FP-2160) .

Le grand changement : la réalité des frais. Le BOSS se rallie à la jurisprudence (Cass. soc. 19.01.2017 n° 16-10.782) , et exige que le salarié supporte effectivement des frais supplémentaires liés à son activité professionnelle, sachant que l’employeur doit être en mesure de justifier ce point (BOSS-FP-2130 s.) .

Attention ! Si l’employeur prend en charge tous les frais, quelle que soit la forme de la prise en charge, il est alors impossible d’appliquer la DFS.

À quelle date ? Cette règle est entrée en vigueur dès le 01.04.2021, mais un contrôle sur 2021 entraînera seulement une demande de mise en conformité pour l’avenir.

Le formalisme

L’accord du salarié. L’application de la DFS peut résulter (BOSS-FP-2180 s.)  :

  • d’un régime « collectif », la DFS étant prévue par CC ou accord collectif, ou découler de l’accord du CSE ou des représentants du personnel ;
  • ou d’un accord individuel : à défaut de disposition collective, il faut alors une information du salarié et son accord, chaque année, la date de cette information devant pouvoir être prouvée, et le silence du salarié valant acceptation.

Conseil. À notre avis, le refus du CSE n’empêche pas de recueillir l’accord individuel des salariés.

Le changement. L’information du salarié doit intégrer les conséquences de la DFS sur ses droits, notamment en matière d’IJSS et de retraite. La forme de l’information et de l’accord du salarié est désormais libre, mais à défaut de réponse du salarié, il faudra pouvoir prouver qu’il a été informé pour appliquer la DFS (BOSS-FP-2200) .

Dans le cas contraire, la DFS appliquée sera réintégrée, avec, là encore, malgré l’entrée en vigueur au 01.04.2021, une simple demande de mise en conformité pour l’avenir lors des contrôles effectués sur 2021.

Conseil. Si le BOSS prévoit la possibilité de faire figurer cet accord dans le contrat ou un avenant, cette modalité est assez lourde puisque l’accord est annuel. Il est plus facile d’organiser chaque année, pour une application en N+1, une procédure d’information et de consultation, avec renvoi par le salarié d’un coupon-réponse.

La réintégration des frais

Le principe. La DFS ne se cumule pas avec l’exo des frais professionnels, sauf pour certains frais expressément prévus. La liste de ces frais est directement reprise dans le BOSS (BOSS-FP-2250) , sans modification (voir Annexes ACP 2021 sur Pour aller plus loin) . Il faut donc intégrer à l’assiette, avant d’en déduire la DFS, tous les autres frais remboursés au salarié (forfaitaires ou réels), ou directement payés par l’employeur (BOSS-FP-2240 s.) .

Le changement. La tolérance de non-réintégration de certains frais payés directement par l’employeur (circ. DSS 2005-389 du 19.08.2005, abrogée) est supprimée au 01.04.2021, avec seulement demande de mise en conformité pour l’avenir en cas de contrôle sur 2021. De plus, la suppression de la notion de frais d’entreprise a aussi pour effet la réintégration de ces frais, qui ne l’étaient pas auparavant.

Attention ! Doivent donc notamment être réintégrés les éléments suivants :

  • frais d’hôtel/restaurant des salariés en déplacement professionnel ;
  • mise à disposition d’un véhicule pour les trajets domicile-travail ou d’autres déplacements ;
  • fourniture de téléphone portable professionnel ;
  • frais des voyages de début/fin de chantier ou de détente prévus par les CC du BTP ;
  • et anciens frais d’entreprise (voir ACP 6/21 « La disparition des frais d’entreprise en pratique ») .

L’incidence des absences

L’exigence que des frais soient réellement engagés entraîne les règles suivantes (BOSS-FP-2150)  :

  • absence ou congé une partie du mois : qu’il y ait ou non rémunération de l’absence, la DFS ne s’applique qu’à la partie de rémunération correspondant au travail ;
  • absence ou congé tout le mois, rémunéré ou non : pas d’application de la DFS sur ce mois.

Conseil. Si cette position était déjà évoquée par l’Urssaf, les contrôles sur 2021 ne donneront lieu qu’à une demande de mise en conformité pour l’avenir. En pratique, ce n’est pas le montant maximal de la DFS qui est réduit, mais seulement la part de rémunération à laquelle elle s’applique.

Exemple 2. Salarié payé 1 800 € pour 151,67 h avec une DFS de 10 %. Il prend 1 semaine de cp en juin (absence cp = 1 800 / 26 x 6 = 415,38), payés au 1/10, soit 450 € et perçoit 100 € de frais. L’assiette des cotisations est de : (1 800 - 415,38 + 100 = 1 484,62) - (1 484,62 x 10 % = 148,46) = 1 3336,23 € auxquels s’ajoutent les 450 € d’indemnité de cp, sans application de la DFS, soit au total : 1 786,23 €.

Les points à étudier

Suppression éventuelle de la DFS. Le changement capital est l’existence réelle de frais : à défaut, il est impossible d’appliquer la DFS, la sanction étant sa réintégration à l’assiette des cotisations. N’oubliez pas non plus qu’il faut pouvoir justifier de l’accord du salarié à défaut de CC ou accord collectif.

Perte d’intérêt de la DFS. Les nombreux éléments restrictifs apportés par le BOSS peuvent remettre en cause l’intérêt de vos DFS :

  • l’intégration de tous les frais, quelle que soit leur forme, y compris ceux que l’entreprise paie directement, alors que vous ne le faisiez pas auparavant : en pratique, il est utile de répertorier les types de frais que vous ne réintégrez pas actuellement et de voir si ce serait encore le cas avec les nouvelles règles ;
  • l’exclusion de la DFS pendant les absences ;
  • l’importance de votre pratique actuelle des frais d’entreprise, puisque ceux-ci sont réintégrés ;
  • le fait que les « nouveaux » frais à réintégrer vont faire atteindre d’autant plus vite le plafond annuel de 7 600 €, alors que les frais continuent à être cotisés. Selon les montants et la nature des frais, leur gestion au titre des FP exonérés classiques peut aboutir à un montant de frais exonérés plus important et devenir plus intéressante.

Conseil. En pratique, vous pouvez évaluer le montant annuel des frais qui fera atteindre le plafond par la formule : (7 600 ⁄ taux DFS) - rémunération. Pour une DFS de 30 %, on a : 7 600 ⁄ 30 % = 25 333 € de rémunération annuelle frais inclus, soit au plus 2 111 € mensuels, ce qui peut laisser peu de frais une fois la rémunération déduite...

Conformité au plus tard en 2022. Vos pratiques sur les périodes jusqu’à fin 2021 contraires aux changements apportés par le BOSS depuis avril ne seront pas sanctionnées en cas de contrôle, elles devront être mises en conformité pour l’avenir. L’étude de vos DFS est donc à finir au plus tard pour 2022.

Attention ! Seuls les points modifiés par le BOSS font l’objet de cette tolérance jusqu’à fin 2021, pas les autres règles qui ne seraient pas respectées.

La nouvelle doctrine sur la DFS est clairement restrictive puisque limitée aux salariés soumis à des frais. Au plus tard d’ici fin 2021, vous avez tout intérêt à étudier précisément la façon dont sont appliquées vos DFS et à évaluer les conséquences de ces changements.

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