RDV VERNIMMEN - 10.09.2021

Financement entrepreneurial

Le choix entre business angels et fonds de capital-risque*

Si les fonds de capital-risque (en anglais, venture capitalists ), sont des investisseurs professionnels qui investissent les fonds de leurs clients, les business angels (aussi appelés « a ngels investors  » ou tout simplement «  angels  ») sont des individus qui investissent en leur nom propre et engagent leur fortune personnelle ou celle de leur famille. Ces deux formes de financement sont-elles complémentaires ou substituables ?

Vision dominante de la complémentarité. La vision dominante du financement entrepreneurial considère ces deux formes de financement comme complémentaires. Selon cette vision, les business angels fournissent les capitaux nécessaires au financement de l’entreprise dans les premières étapes de son développement et, en cas de succès, les fonds de capital-risque prennent le relais pour financer la croissance.

L’entreprise bénéficie de la complémentarité entre, d’une part, les business angels qui sont séduits par l’idée de départ et peuvent mobiliser leurs fonds rapidement, et, d’autre part, les fonds de capital-risque, qui ont des moyens supérieurs et peuvent engager les fonds de leurs investisseurs lorsque les perspectives de succès apparaissent. C’est sur ce modèle que se sont développées Google et Doctolib, et c’est probablement l’une des raisons pour lesquelles il est considéré comme le modèle naturel du financement entrepreneurial.

Une autre vision dans le sens de la substituabilité. L’article proposé ce mois(1) présente une autre vision selon laquelle ces deux formes de financement sont substituables. Cet article exploite des données issues d’un programme de soutien aux entreprises mis en place en Colombie-Britannique, un Ėtat de l’Ouest canadien. Les données couvrent la période de 1995 à 2009 et portent à la fois sur les business angels et sur les fonds de capital-risque ayant financé 469 jeunes pousses. La richesse de cette base a permis aux auteurs d’étudier la question suivante : business angels et fonds de capital-risque sont-ils complémentaires ou substituables ? Leurs résultats empiriques vont dans le sens de la substituabilité.

Selon cette vision, les entreprises financées par les business angels tendent à conserver ce mode de financement lorsqu’elles se développent, quitte à faire appel à des réseaux ( angels networks ) leur permettant d’accéder aux fonds nécessaires. Dans le même temps, certaines entreprises n’ont recours qu’aux fonds de capital-risque. Business angels et capital-risque seraient donc en concurrence, et le choix entre ces deux modes de financement dépendrait davantage de caractéristiques spécifiques à l’entreprise que du stade de son développement.

Un effet dynamique négatif. L’obtention d’un financement par un business angel à un certain stade augmente de 30 % la probabilité d’un nouveau financement angel, et diminue de 25 % la probabilité d’un financement par capital-risque. Les effets sont inversés dans le cas d’un financement par capital-risque. Pour reprendre l’expression des auteurs, il existe un « effet dynamique négatif » entre business angels et fonds de capital-risque dans le financement des jeunes pousses.

Une fois identifiée la substituabilité, les auteurs étudient sa source. Une explication possible serait que les investisseurs orienteraient les étapes futures de financement vers des investisseurs de leur type. Un business angel pousserait l’entreprise dans laquelle il a investi à financer son développement en faisant appel à d’autres business angels (et de même pour les fonds de capital-risque).

À partir d’un test économétrique(2) , les auteurs écartent cette possibilité. Il semble que le choix entre les deux modes de financement dépende principalement des caractéristiques de la jeune pousse elle-même.

La force de cet article réside en cet échantillon original permettant de tester des effets difficilement mesurables sur l’ensemble des entreprises. C’est aussi une de ses limites : les entreprises de l’échantillon appartiennent toutes à une zone géographique limitée, et presque toutes à un même secteur (la haute technologie) en raison des objectifs du programme de soutien.

* Avec la collaboration de Simon Gueguen, enseignant-chercheur à CY Cergy Paris Université.

  1. T. Hellmann, P. Schure et D. H. Vo, « Angels and venture capitalists : substitutes or complements ? », Journal of Financial Economics, vol. 141, n° 2, août 2021, p. 454 à 478.
  2. Les auteurs utilisent le fait que certains modes de financement ont été favorisés fiscalement sur la période pour distinguer entre les deux explications possibles (technique de la « variable instrumentale »).
Si les business angels constituent des substituts au capital-risque et sont mieux adaptés à certaines entreprises, les politiques visant à favoriser le financement des jeunes pousses doivent englober ces deux modes de financement.

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