BAIL D’HABITATION - CONGÉS - 23.03.2022

Congé pour vendre : prudence pour le prix proposé !

Lorsqu’un bailleur délivre un congé pour vendre au locataire d’un logement, bénéficiant du droit de préemption reconnu par la loi du 6 juillet 1989, une décision récente invite à la prudence concernant le prix fixé dans l’offre de vente requise. C’est-à-dire ?

Où un congé-vente peut être délivré…

Un congé possible, sous conditions. Dans les conditions fixées par l’article 15 de la loi 89-462 du 06.07.1989, un bailleur peut délivrer à un locataire, titulaire d’un bail d’habitation pour un logement loué nu, un congé justifié par sa «décision de vendre» le logement, en respectant un préavis de six mois. Ce congé dit pour vendre, appelé aussi congé-vente, peut être signifié par un acte d’huissier (à privilégier), ou notifié par LRAR, ou bien remis en main propre contre récépissé ou émargement (loi du 06.07.1989 art. 15 II) .

Ce qu’il faut prendre en compte. Si le terme du bail en cours du locataire intervient plus de trois ans après la date d’achat du logement par le bailleur, celui-ci peut délivrer le congé au terme de ce bail. Mais si le terme du bail intervient moins de trois ans après la date d’achat, on ne peut délivrer le congé qu’au terme de la première reconduction tacite ou du premier renouvellement de ce bail.

Retrouvez les précisions, exemples et commentaires du Mémento Vente immobilière sur https://www.alertesetconseils.fr , Annexes, année 18, n° 3.

Pour le prix proposé au locataire…

Où l’offre de vente est requise… Lorsqu’il est possible, un congé-vente doit en principe, à peine de nullité, indiquer le prix de la vente envisagée. Le congé vaut offre de vente au profit du locataire, qui bénéficie alors d’un droit légal de préemption pour acquérir le logement, dans les conditions prévues par la loi (loi de 1989, art. 15 II) .

Liberté de mise pour le prix… La Cour de cassation a jugé que le bailleur «est libre de la détermination du prix de la vente proposée»(Cass. 3e civ. 07.02.1996 n° 93-21175) .

Avec une limite… La Cour de cassation a jugé, par le passé, qu’un locataire peut faire annuler un congé-vente si l’offre de vente notifiée est faite « pour un prix volontairement dissuasif, dans l’intention évidente d’empêcher» le locataire d’exercer son droit de préemption). Il en a été jugé de même pour un congé-vente pour un prix «excessif» et délivré «afin de faire frauduleusement échec» aux droits» du locataire (Cass. 3e civ. 05.07.1995 n° 93-16774 et 93-17283) . La Cour de cassation a toutefois estimé que l’intention frauduleuse d’un bailleur ne pouvait résulter de son « désir de réaliser un profit modeste», et qu’un prix correspondant à 112 % de l’estimation d’un expert «n’était pas exorbitant ni dissuasif»(Cass. 3e civ. 19.04.2000, n° 98-18123) . Il a aussi été jugé que des bailleurs pouvaient «légitimement tenter de vendre leur bien à un bon prix»(Cass. 3e civ. 20.12.2018, n° 17-28713) .

Une décision invite à la prudence…

Pour la petite histoire. Dans une affaire, un locataire a contesté en justice un congé, en expliquant que le prix de l’offre était «largement» au-dessus des prix du marché local. Selon lui, l’écart entre l’offre et le prix réel du marché était tel qu’il «révélait le caractère frauduleux» du congé. Cet argument a été écarté par une Cour d’appel, au motif que, à supposer même que le prix ait été surévalué au vu du marché, cette circonstance serait sans incidence sur la régularité du congé…

La décision. L’arrêt d’appel a été censuré par la Cour de cassation, pour défaut de base légale, au motif que les juges se devaient de rechercher «si l’écart entre le prix proposé et celui du marché ne révélait pas le caractère frauduleux du congé délivré au locataire»(Cass. 3e civ. 09.02.2022, n° 21-12179) . Si la portée de l’arrêt mérite la nuance, il invite à fixer le prix proposé au locataire sans trop d’écart avec les prix pratiqués sur le marché local, pour prévenir tout risque de «présomption» de fraude, étant noté qu’un congé frauduleux est punissable d’une amende (loi de 1989, art. 15 IV) .

Notice sur https://www.alertesetconseils.fr , Annexes, année 18, n° 3.

La décision invite, lorsqu’un locataire bénéficie du doit de préemption reconnu par la loi à la suite d’un congé-vente, à fixer le prix proposé dans l’offre de vente sans écart manifeste avec les prix du marché local, afin de prévenir toute suspicion de fraude.

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