Contrat conclu avant l’immatriculation de votre société : nul ?
Les faits
Pour financer la reprise d’un fonds de commerce, une banque consent un prêt à l’EURL [X], en cours d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés, représentée par Mme [Y]. Cette dernière et son époux se portent cautions solidaires du remboursement du prêt. Par un avenant au contrat de prêt postérieur à l’immatriculation de la société, celle-ci consent à la banque un nantissement sur son fonds de commerce.
Après l’ouverture de procédures collectives contre la société et contre l’épouse, la banque poursuit l’époux caution en remboursement du prêt, ce qu’il conteste, invoquant la nullité du contrat de prêt.
La décision du juge
Une cour d’appel le condamne au paiement, jugeant que son épouse avait à l’évidence agi au nom et pour le compte de la société en formation et que cette société avait, postérieurement à son immatriculation, signé un avenant emportant reprise du contrat de prêt initial, de sorte que la nullité de ce contrat devait être écartée.
La Cour suprême censure cette décision. Le contrat de prêt était nul pour avoir été conclu par une société dépourvue de personnalité juridique : il avait été conclu non pas au nom et pour le compte d’une société en cours de formation, mais par la société elle-même avant son immatriculation au registre du commerce et des sociétés ; l’avenant au contrat qui, selon ses propres termes, n’emportait pas novation, n’était pas de nature à couvrir cette nullité absolue (Cass. com. 19.01.2022 n° 20-13.719 F-D) .
Retrouvez l’arrêt de la Cour de cassation sur https://www.alertesetconseils.fr , Annexes, année 11, n° 14.
Ce qu’il faut retenir
Nullité des actes conclus avant immatriculation. Les sociétés, autres que les sociétés en participation, jouissent de la personnalité morale à compter de leur immatriculation (C. civ. art. 1842, al. 1) . Les actes conclus par une société non encore immatriculée, « représentée » par tel ou tel associé, sont donc considérés comme conclus par une société inexistante, et ils sont nuls. Le cocontractant ne peut alors pas s’en prévaloir, pas plus que la société une fois immatriculée.
Pour que l’acte soit valable, le signataire doit indiquer qu’il agit « au nom et pour le compte » de la société en formation.
Une nullité absolue. Elle est insusceptible de confirmation ou de ratification. En l’espèce, la Cour de cassation juge en outre inopérant l’avenant au contrat de prêt, signé au nom de la société après son immatriculation, en précisant qu’il n’avait pas emporté novation, ce que l’avenant disait lui-même.
La novation. La novation est un contrat qui a pour objet de substituer à une obligation, qu’elle éteint, une obligation nouvelle, qu’elle crée. Elle peut avoir lieu par substitution d’obligation entre les mêmes parties, par changement de débiteur ou par changement de créancier (C. civ. art. 1329) . Ainsi, les parties à un contrat conclu au nom d’une société en formation peuvent prévoir de substituer la nouvelle société au contractant initial, ce qui constitue une novation. Cependant, pour que cette substitution puisse jouer, encore faut-il que le contrat ait été préalablement conclu par une personne agissant au nom et pour le compte de la société en formation. Dans l’arrêt commenté, aucune novation par substitution de débiteur ne pouvait intervenir puisque le contrat, signé par la société elle-même, alors dépourvue de personnalité juridique, était nul.