Location de logement : attention à la sécurité des lieux !
Une décision à méditer
En cas de drame… Dans une affaire, alors qu’elle était assise et fumait sur le rebord de la fenêtre du logement d’un locataire, une personne a basculé dans le vide et est décédée. Sa famille a assigné le propriétaire-bailleur, en indemnisation…
Victime fautive = seule responsable ? La Cour d’appel saisie du litige a écarté la responsabilité du bailleur en estimant qu’il y avait eu faute d’imprudence de la victime (alcoolisée et ayant consommé du cannabis…) à s’asseoir en pleine nuit au 5e étage d’un immeuble, sur un rebord de fenêtre, qui habituellement n’est pas fait pour s’asseoir, alors qu’elle ne connaissait pas les lieux, sans s’assurer qu’il n’y avait pas de risque de chute . Pour les juges, la faute de la victime était déterminante dans la survenance de l’accident.
Pas si vite ! Au visa de l’article 1242 du Code civil, la Cour de cassation a récemment censuré l’arrêt d’appel, au vu du principe suivant : «seul le fait de la victime à l’origine exclusive de son dommage fait obstacle à l’examen de la responsabilité du gardien de la chose» . La Cour de cassation relève qu’en l’espèce la fenêtre, située au 5e étage et à 42 cm du sol de l’appartement, était dépourvue de garde-corps susceptible d’empêcher une chute. Pour les juges, l’imprudence de la victime «n’était donc pas la cause exclusive du dommage»(Cass. 2e civ. 07.04.2022 n° 20-19746) . La Cour d’appel dite de renvoi pourrait ainsi, en logique, retenir la responsabilité du bailleur, au moins en partie…
Du côté des bailleurs…
Ce à quoi il faut veiller. Au titre de la décence, un logement ne doit pas laisser «apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique»(loi du 06.07.1989, art. 6. al. 1 ; C. civ. art. 1719) . Un bailleur doit à ce titre s’assurer que les «dispositifs de retenue des personnes, dans le logement et ses accès, tels que garde-corps des fenêtres, escaliers, loggias et balcons, sont dans un état conforme à leur usage»(décret n° 2002-120 du 30.01.2002 art. 2 3.; Cass. 3e civ. 14.02.2012 n° 11-13135 ). Un locataire peut à ce titre exiger des travaux de mise en conformité (loi de 1989, art. 20-1 ; CA Bordeaux 23.02.2022 RG 20/05381 Portalis DBVJ V B7E L3PG) , et réclamer une indemnisation pour préjudice de jouissance (CA Nancy 03.02.2022 RG 21/00685 Portalis DBVR V B7F EXPV ; CA Douai 10.03.2022 RG 20/04037 Portalis DBVT V B7E THHV) .
Gare au risque pénal ! Il a déjà été jugé qu’un bailleur (ou son mandataire) peut être pénalement condamné au titre du délit pénal de mise en danger d’autrui (C. pén. art. L 223-1 ; cass. crim. 02.05.2018, n° 17-82727 et 06.12.2016 n° 15-84036) .
Du côté des mandataires…
Mise en location. Tel dans l’affaire jugée le 07.04.2022, un ADB chargé de la gestion locative d’un logement peut voir sa garantie (responsabilité) recherchée. La rigueur est de mise pour procéder aux vérifications qui s’imposent pour la sécurité avant toute (re)mise en location d’un logement, outre des locaux loués sous bail commercial avec logement (Rennes 09.03.2022 RG 20/03464 - Portalis DBVL V B7E QZTG) . Une attention particulière doit être portée pour la mise en location d’un logement neuf (mais non achevé) construit en Vefa ou CCMI.
En cours de location. Veillez à faire le nécessaire si vous êtes alerté par un locataire sur un problème de sécurité. Si vous découvrez qu’il a réalisé des travaux de transformation qui «mettent en péril» la sécurité, vous pouvez exiger la remise immédiate des lieux en l’état, à ses frais (loi de 1989 art. 7 f.) .
La nuance. Il a été jugé qu’un mandataire n’est pas tenu «d’une obligation de mise en garde sur un risque qu’un locataire, normalement prudent, avisé et attentif, ne pouvait ignorer» sur les dangers liée à la situation naturelle des lieux environnant l’immeuble (Cass. 2e civ., 08.06.2017 n° 16-17155) .
Notice sur https://www.alertesetconseils.fr , Annexes, année 18, n° 6.