FAMILLE & TRANSMISSION - 10.06.2022

« Dutreil-transmission » : la perte par une holding de sa qualité d’animatrice ne remet pas en cause l’exonération

Les transmissions de parts ou actions de sociétés holdings animatrices de groupe peuvent bénéficier de l'exonération partielle « pacte Dutreil ». La Cour de cassation considère que la loi n’impose pas qu’une société holding conserve son rôle d’animation jusqu’au terme du délai légal de conservation des parts (Cass. com. 25-5-2022 n° 19-25.513 F-B) .

Un bref rappel préliminaire

Les transmissions par décès et les donations de parts ou actions de sociétés ayant fait l'objet d'un engagement collectif de conservation (ou « pacte Dutreil ») sont exonérées de droits de mutation à titre gratuit à concurrence de 75 % de leur valeur, sans limitation de montant (CGI art. 787 B) .

Cette exonération partielle s'applique, sous certaines conditions , aux transmissions :

  • de parts ou actions de sociétés (quel que soit leur régime fiscal) exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale qui ont fait l'objet d'un engagement collectif de conservation ;
  • de parts ou actions de sociétés interposées. Il s'agit des parts ou actions de sociétés détenant, soit directement (simple niveau d'interposition), soit indirectement par l'intermédiaire d'une autre société (double niveau d'interposition), une participation dans la société dont les titres font l'objet de l'engagement collectif de conservation. L'exonération partielle porte alors sur la valeur des droits sociaux de la société détenus directement par le redevable dans la limite de la fraction de la valeur réelle de l'actif brut de celle-ci représentative de la participation directe ou indirecte ayant fait l'objet de l'engagement collectif de conservation.

Les transmissions de parts ou actions de sociétés holdings animatrices de groupe peuvent bénéficier de l'exonération partielle.

Est animatrice de son groupe une société holding qui, outre la gestion d'un portefeuille de participations, a pour activité principale la participation active à la conduite de la politique du groupe et au contrôle de ses filiales et, le cas échéant et à titre purement interne, rend certains services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers.

Le caractère prépondérant de son activité d'animation est retenu notamment lorsque la valeur vénale des titres des filiales représente plus de 50 % de son actif total (Cass. com. 14-10-2020 n° 18-17.955 FS-PB) .

La décision de la Cour de cassation

Il résulte tant de la jurisprudence que de la doctrine administrative que les sociétés holdings animatrices de leur groupe peuvent bénéficier de l’ exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit prévue à l’article 787 B du CGI sous réserve que les filiales exercent des activités éligibles.

La Cour de cassation considère que la loi n’impose pas qu’une telle société conserve son rôle d’animation jusqu’au terme du délai légal de conservation des parts.

Elle censure donc, pour violation de la loi, l’arrêt d’une cour d’appel ayant jugé que la perte par une société holding de sa fonction d’animatrice de groupe avant l’expiration du délai légal de conservation des parts rend la transmission de ces parts inéligible à l’exonération partielle.

  • Pour la Cour de cassation, la qualité de holding animatrice s’apprécie donc au jour de la donation ou du décès. Cette décision infirme les commentaires administratifs énonçant que cette condition doit être remplie jusqu’au terme des engagements (collectif et individuel) de conservation des parts (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 55, 21-12-2021) . Remarquons que l’administration retient cette règle quelle que soit l’activité éligible exercée (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 25) . La présente décision de la Cour paraît pouvoir trouver application au-delà du cas des holdings.
  • Cette solution pourrait avoir d’importantes conséquences et ce, à plus d’un titre :
  • Pour la période déjà écoulée tout d’abord, cet arrêt pourrait donner lieu à un abondant et coûteux contentieux dans tous les dossiers dans lesquels où l’administration a remis en cause l’application de l’exonération partielle sur le fondement de la perte par la holding de sa qualité d’animatrice avant l'expiration du délai légal de conservation des parts.
  • Pour l’avenir ensuite, plusieurs alternatives peuvent être envisagées. L’administration pourrait supprimer de sa base Bofip les paragraphes litigieux afin de tirer rapidement les conséquences de cette décision. Toutefois, le gouvernement pourrait décider de réécrire l’article 787 B du CGI en intégrant expressément cette condition actuellement non prévue par la loi, que ce soit à l’occasion du prochain collectif budgétaire ou de la loi de finances de fin d’année. Affaire à suivre…

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