BÂTIMENT - MARCHÉS PRIVÉS - 03.06.2022

Entrepreneur : quel recours contre un fournisseur/fabricant ?

Un entrepreneur du bâtiment est confronté après réception à des désordres liés à un défaut de matériaux ou produits utilisés pour un chantier. Peut-il envisager d’exercer un recours contre le fournisseur ou fabricant ? Un point s’impose...

Des précisions à intégrer...

Le cas de figure. Un entrepreneur est mis en cause par un maître d’ouvrage (MO) pour des désordres après réception au titre de sa garantie légale, p.ex. décennale (C. civ. art. 1792 et s.) , ou au titre de sa responsabilité contractuelle de droit commun pour des vices dits intermédiaires (C. civ. art. 1231-1) . Ces désordres trouvent leur origine dans un défaut ou vice touchant un matériau, équipement ou produit mis en œuvre.

Pas d’exonération de responsabilité. Il a été jugé que «les vices affectant les matériaux ou les éléments d’équipement mis en œuvre» par un entrepreneur «ne constituent pas une cause susceptible de l’exonérer de la responsabilité qu’il encourt» à l’égard du MO «quel que soit le fondement de cette responsabilité»(Cass. 3e civ. 16.02.2022 n° 20-19047) . À bon entendeur...

Un recours parfois possible. Sous conditions, un entrepreneur dispose, contre le fournisseur/ fabricant du matériau/produit, d’une action en garantie ou à titre récursoire, fondée sur un défaut de conformité (C. civ. art. 1604) , ou la garantie des vices cachés - GVC (C. civ. art. 1641 et s.) . Un recours est parfois envisageable pour manquement à son devoir de conseil.

Pour un recours après indemnisation...

Cas de figure. Nous supposons ici qu’un entrepreneur a indemnisé ou a été condamné à indemniser un MO, au titre de désordres couverts par une garantie légale (décennale...).

Recours : régime applicable. Il a été jugé que les personnes, responsables de plein droit au titre des articles 1792 et s. du Code civil, «ne sont pas subrogées après paiement dans le bénéfice de cette action», qui est réservée au MO. Elles ne peuvent agir en garantie ou à titre récursoire «contre les autres responsables tenus avec elles au même titre, que sur le fondement de la responsabilité de droit commun applicable dans leurs rapports»(Cass. 3e civ. 08.06.2011 n° 09-69894) . Au vu de la règle, il a été jugé que l’entrepreneur «ne peut agir en garantie» contre le fabricant d’un équipement qualifiable d’Epers « que sur le fondement de la responsabilité de droit commun, à l’exclusion de l’article 1792-4 du Code civil». En l’espèce, la responsabilité d’un fabricant de projecteurs électriques a été retenue au titre de la responsabilité contractuelle de droit commun du locateur d’ouvrage, les juges estimant que l’entrepreneur et le fabricant étaient liés par un contrat de louage d’ouvrage, au vu de «l’existence d’un travail spécifique destiné à répondre à des besoins particuliers» . (Cass. 3e civ. 20.04.2022 n° 21-14182) .

Pour la garantie des vices cachés...

Un double délai à prendre en compte. Pour agir en justice contre un fournisseur ou fabricant au titre de la garantie des vices cachés, un entrepreneur doit tenir compte d’un double délai. D’une part, le délai de deux ans imparti par le Code civil pour agir en GVC (C. civ. art.1648 al. 1) . D’autre part, un délai de cinq ans prévu pour les actions entre commerçants (C. com. art. L 110-4 I.) .

Calcul des délais. Il a été jugé qu’un entrepreneur, dont la responsabilité a été retenue «en raison des vices affectant les matériaux qu’il a mis en œuvre», doit pouvoir exercer une action récursoire contre son fournisseur ou le fabricant, au titre de la GVC, «sans voir son action enfermée dans un délai de prescription courant à compter de la vente initiale» . L’entrepreneur ne pouvant agir contre le fournisseur/fabricant avant d’avoir été lui-même assigné par le MO, le point de départ du délai de deux ans est donc constitué par la date de son assignation. Le délai de cinq ans, qui court à compter de la vente des matériaux/produits, est quant à lui «suspendu jusqu’à ce que sa responsabilité ait été recherchée» par le MO (Cass. 3e civ. 16.02.2022 n° 20-19047) .

Si le vice d’un matériau/produit ne permet pas à un entrepreneur de s’exonérer de la responsabilité qu’il encourt, un recours en garantie ou récursoire est possible contre son fournisseur ou le fabricant, notamment en garantie des vices cachés.

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