LICENCIEMENT - MOTIF PERSONNEL - 15.06.2022

Licenciement non disciplinaire après le refus d’une rétrogradation

Si un salarié refuse la sanction de rétrogradation disciplinaire que vous lui proposez, pouvez-vous, par la suite, changer de terrain et opter pour un licenciement non disciplinaire ? Voici ce qu’en pense le juge.

Motif personnel du licenciement

Une cause réelle et sérieuse. Le licenciement pour motif personnel d’un salarié doit être justifié par une cause réelle et sérieuse (C. trav. art. L 1232-1) . Vous pouvez sanctionner par un licenciement disciplinaire un acte du salarié que vous considérez comme fautif ou bien le sanctionner pour des faits non fautifs, mais qui constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement, p.ex. une insuffisance professionnelle ou de résultats.

Motif précis énoncé dans la notification. La lettre de licenciement, par laquelle vous notifiez au salarié votre décision, doit comporter l’énoncé du ou des motifs que vous invoquez à l’appui de son licenciement (C. trav. art. L 1232-6) . Les motifs indiqués doivent être précis et matériellement vérifiables. La lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs de licenciement (C. trav. art. L 1235-2 al. 2)  : cela signifie d’une part, que la qualification que vous donnez au licenciement s’impose à vous et que vous ne pouvez pas changer de motif et d’autre part, que, pour apprécier la cause réelle et sérieuse du licenciement, le juge doit examiner tous les motifs énoncés dans la lettre du licenciement et seulement ces motifs (Cass. soc. 14.01.2014 n° 12-12744) . Le juge doit rester sur le terrain sur lequel s’est placé l’employeur : dans le cas d’un licenciement pour motif personnel, sur le terrain disciplinaire ou non.

L’insuffisance professionnelle

Après une rétrogradation disciplinaire refusée. Si un salarié refuse la proposition de rétrogradation disciplinaire notifiée par l’employeur, celui-ci peut soit le maintenir à son poste initial, soit prononcer, dans les deux mois suivant son refus, une autre sanction, notamment un licenciement en respectant la procédure imposée. Mais l’employeur peut-il sortir du terrain disciplinaire et prononcer à l’encontre de ce salarié un licenciement pour insuffisance professionnelle ?

Illustration. Reprochant à son directeur général d’exploitation une insuffisance de résultat et un comportement inadapté ayant des répercussions très préjudiciables pour la société, l’employeur lui a proposé une rétrogradation disciplinaire à un poste de directeur d’exploitation sectorielle avec une rémunération mensuelle réduite, ce qu’il a refusé. L’employeur a alors convoqué le salarié à un nouvel entretien préalable, puis l’a licencié pour insuffisance professionnelle pour les mêmes faits d’insuffisance de résultat et de comportement inadapté. Le salarié a contesté en justice cette rupture. En appel, le licenciement a été jugé sans cause réelle et sérieuse car avant le licenciement pour insuffisance professionnelle, l’employeur avait engagé une procédure de rétrogradation disciplinaire. Pour les juges, l’employeur n’ayant pas souhaité demeurer sur le terrain disciplinaire, le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.

Licenciement non disciplinaire possible. La Cour de cassation a censuré cette analyse. Elle a déclaré qu’en vertu de l’article L 1232-6 du Code du travail, c’est le motif de la rupture mentionné dans la lettre de licenciement qui détermine le caractère disciplinaire ou non du licenciement, peu importe la proposition faite par l’employeur d’une rétrogradation disciplinaire, impliquant une modification du contrat de travail, refusée par le salarié. Ainsi, les juges auraient dû s’en tenir au seul motif de l’insuffisance professionnelle invoqué dans la lettre de licenciement pour apprécier la cause réelle et sérieuse de licenciement puisque l’employeur s’était finalement placé sur le terrain non disciplinaire (Cass. soc. 09.03.2022 n° 20-17005) .

Après le refus par le salarié de la proposition d’une rétrogradation disciplinaire, vous pouvez décider de ne pas rester sur le terrain disciplinaire et de le licencier pour un motif non disciplinaire, p.ex. pour une insuffisance professionnelle. Dans ce cas, le juge doit tenir compte du seul motif d’insuffisance professionnelle énoncé dans la notification pour apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement.

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