RDV VERNIMMEN - 07.07.2022

Les vertus de la flexibilité financière : le cas de la crise Covid*

La flexibilité financière a pour avantage de protéger l’entreprise en cas de choc, spécifique ou macroéconomique. En pratique, le lien précis entre flexibilité financière et sensibilité de l’action aux événements est difficile à mesurer car les entreprises sont différemment exposées aux chocs selon leur secteur ou leur modèle économique.

La flexibilité financière (détention de cash, faible levier financier) a pour avantage de protéger l’entreprise en cas de choc, spécifique ou macroéconomique. Il s’agit d’ailleurs, en première analyse, d’un simple effet mathématique, comme l’a montré Hamada en 1972(1)  : le bêta d’une action est croissant de son ratio dette sur capitaux propres. En pratique, le lien précis entre flexibilité financière et sensibilité de l’action aux événements est difficile à mesurer car les entreprises sont différemment exposées aux chocs selon leur secteur ou leur modèle économique.

La crise Covid en est un parfait exemple : s’il s’agit incontestablement d’un choc ayant touché toute l’économie, les entreprises très engagées dans les échanges internationaux ou celles qui dépendent de points de vente physiques ont été plus affectées que les autres.

L’article présenté ce mois(2) mesure l’impact (positif) de la flexibilité financière sur la résistance des cours de bourse au moment du choc Covid.

Sur un large échantillon d’entreprises américaines cotées, les auteurs ont évalué le degré de flexibilité financière selon le cash détenu et le montant de la dette (court terme et long terme) au passif, rapportés à la taille du bilan, juste avant la crise (dans les comptes publiés fin 2019). Ensuite, ils ont comparé la performance boursière de ces entreprises entre le 03.02.2020 et le 23.03.2020, période d’effondrement des marchés. Le résultat est très net : la baisse du cours des entreprises à forte flexibilité est de 26 % inférieure à celle des entreprises à faible flexibilité.

Certains pourraient arguer que la moindre baisse des sociétés faiblement endettées pendant la crise n’est pas surprenante et qu’il s’agit simplement de la manifestation de l’effet de levier de la dette. Si tel était le cas, alors la remontée des cours aurait aussi été plus forte pour les sociétés à fort effet de levier. Les auteurs constatent qu’il n’en est rien.

Aussi, l’effondrement des cours au moment du choc s’est accompagné d’une forte hausse de la volatilité. Si l’on en croit les modèles qui considèrent l’action comme une option d’achat sur l’actif économique, cette hausse de la volatilité devrait être favorable aux titres à fort bêta. Les auteurs de l’article mesurent que le gain relatif théorique issu de cette hausse de la volatilité est proche de la perte issue de la chute des cours.

Autrement dit, les effets purement mathématiques prévoient une baisse des cours peu différente selon le bêta. Ils tirent de ces éléments que le bénéfice observé de la flexibilité financière provient d’une protection réelle contre ce type de chocs, et qu’il ne s’agit pas d’un simple effet de structure financière.

Par ailleurs, les auteurs montrent qu’à effet de levier équivalent les entreprises les plus exposées à la crise (en raison de leur secteur ou de leur modèle économique) sont aussi celles pour lesquelles la détention de cash a le mieux amorti la baisse des cours. Une entreprise située dans le 75e centile en termes de détention de cash voit son titre perdre 7,3 % supplémentaires par rapport à une entreprise du 25e centile lorsque son exposition à la crise Covid est forte.

Importance de la flexibilité financière. L’article souligne, de manière rigoureuse et à partir d’un exemple spectaculaire, l’importance de la flexibilité financière comme amortisseur de crise. Les investisseurs activistes orientent souvent leurs campagnes dans le sens d’une réduction de cette flexibilité(3)  : augmentation du levier financier et diminution de la détention de cash via des campagnes de rachat d’actions ou d’augmentation de dividendes.

En théorie, sous les hypothèses de Modigliani-Miller en 1958, la structure financière est neutre. En pratique, les vertus incitatives (et éventuellement fiscales) du levier financier s’opposent aux bénéfices de la flexibilité financière, qui, selon cet article, persistent après les crises.

* Avec la collaboration de Simon Gueguen, enseignant-chercheur à CY Cergy Paris Université.

  1. R. Hamada (1972), « The effects of the firm’s capital structure on the systematic risk of common stocks », J ournal of Finance, n° 27, pages 435 à 452.
  2. R. Fahlenbrach, K. Rageth et R. M. Stulz (2021), « How valuable is financial flexibility when revenue stops ? Evidence from the Covid-19 crisis », Review of Financial Studies, n° 34, pages 5474 à 5521.
  3. Voir à ce sujet S. Gueguen et L. Melka (2021), L es fonds activistes, Dunod.
Durant la crise sanitaire liée à la propagation de la Covid-19, la flexibilité financière a joué comme amortisseur de crise sur les cours de bourse des entreprises à forte flexibilité. Par ailleurs, les entreprises les plus exposées à la crise sont aussi celles pour lesquelles la détention de cash a le mieux amorti la baisse des cours. La recherche de la structure financière idéale reste un immense chantier, le Graal de la finance d’entreprise.

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