CORONAVIRUS - ACTUALITÉ - 31.08.2022

La dérogation Covid « repos » vue par les juges

La Cour de cassation s’est prononcée sur l’application de la dérogation Covid permettant à l’employeur d’imposer la prise de jours de repos en 2020. En voici les enseignements.

Rappels des dérogations

Sur la prise de jours de repos. Au printemps 2020, l’employeur avait été autorisé à imposer aux salariés en bénéficiant, la prise de jours de repos ou à modifier leurs dates, dans certaines limites, et sous réserve notamment que l’intérêt de l’entreprise le justifie eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation du Covid.

Il pouvait aussi, de la même façon, imposer l’utilisation des droits affectés sur le CET du salarié par la prise de jours de repos dont il fixait lui-même les dates (Ord. 2020-323 du 25.03.2020 art.2 à 5) .

Sur l’activité partielle. Parallèlement, en mai 2020, a été mis en place le bénéficie d’un dispositif d’AP spécifique pour les salariés vulnérables ou devant garder leur enfant « isolé » (loi 2020-473 du 25.04.2020 art. 20) .

L’affaire en cause

L’entreprise, depuis le début de la crise sanitaire, avait choisi de ne pas recourir à l’AP, plaçant tous ses salariés dans l’impossibilité de travailler en dispense d’activité, avec maintien à 100 % de leur rémunération.

Elle avait aussi pris 2 notes de service des 26.03 et 29.04.2020, par lesquelles elle avait imposé la prise de jours de repos ou l’utilisation du CET aux salariés « actuellement à domicile » :

  • dont l’activité principale ne pouvait se faire en télétravail à long terme du fait de sa nature ;
  • pour garder un enfant de moins de 16 ans, ou étant salariés vulnérables ou partageant le domicile d’une personne vulnérable et dont l’activité ne permettait pas le télétravail.

Les solutions

Activité sans télétravail possible. Suite à la contestation de l’obligation de poser des repos, la question posée était sa justification : la Cour d’appel avait pour sa part estimé que l’employeur devait rapporter la preuve des difficultés économiques liées au Covid, ce qu’il ne faisait pas. Mais pour la Cour de cassation, l’employeur a la charge de justifier que les mesures dérogatoires qu’il a prises l’ont été en raison de répercussions de la situation de crise sanitaire sur l’entreprise. Ainsi, les juges devaient alors étudier les arguments de l’employeur et préciser en quoi ils ne justifiaient pas le recours aux dérogations (Cass. soc. 06.07.2022 n° 21-15.189) .

À savoir. Ici, les arguments de l’employeur étaient l’obligation d’adapter l’organisation du travail face à l’augmentation inattendue de l’absentéisme liée au fait qu’une partie des salariés se trouvait à domicile sans pouvoir exercer leur activité en télétravail, la nécessité d’aménager les espaces de travail et d’adapter le taux d’occupation des locaux en raison des conditions sanitaires. Ainsi, pour la Cour de cassation, les raisons de la mise en place des dérogations ne sont pas réductibles à des difficultés économiques, mais pourraient englober des difficultés organisationnelles.

Salariés vulnérables ou en garde d’enfants. La question posée ici est l’articulation des mesures dérogatoires relatives aux repos avec celles relatives à l’activité partielle. L’employeur, qui, sans utiliser l’AP dans l’entreprise, maintenait la rémunération des salariés qu’il avait mis en dispense d’activité, n’avait pas fait de différence dans l’obligation édictée de poser des jours de repos pour les salariés vulnérables ou devant garder leur enfant « isolé ». Mais pour les juges, la réglementation prévoyant la mise en AP des salariés vulnérables ou en garde d’enfant prévaut sur celle permettant des dérogations relative à la prise des repos : les dérogations sur les repos ne sont pas applicables aux salariés qui pouvaient bénéficier de l’AP garde d’enfant/personnes vulnérables (Cass. soc. 06.07.2022 n° 21-15.189) .

Ainsi, en pratique :

  • l’employeur pouvait décider de ne pas mettre les salariés vulnérables ou en garde d’enfant en AP, et leur maintenir leur salaire à 100 % ;
  • mais il ne pouvait alors pas les obliger à poser des jours de repos au motif qu’ils ne pouvaient travailler pour des raisons tenant à leur situation personnelle.
Deux éléments importants dans cette décision : d’une part l’appréciation de la justification des raisons permettant l’utilisation de la dérogation sur la prise des repos pendant la pandémie, et d’autre part, l’impossibilité de l’utiliser envers les salariés vulnérables ou en garde d’enfant pour lesquels le dispositif spécifique d’AP n’est pas utilisé.

Contact

Éditions Francis Lefebvre | 42 Rue de Villiers, CS50002 | 92532 Levallois Perret Cedex

Tél. : 03 28 04 34 10 | Fax : 03 28 04 34 11

service.clients.pme@efl.fr | pme.efl.fr

SAS au capital de 241 608 € • Siren : 414 740 852
RCS Nanterre • N°TVA : FR 764 147 408 52 • APE : 5814 Z