Démarchage : un droit de rétractation pour le professionnel
Les faits
Une société d’expertise‑comptable a conclu, le 23‑6‑2017, hors de son établissement, un contrat de location pour une durée de 64 mois, portant sur un photocopieur multifonction livré le jour même. Le 4‑8‑2017, invoquant l’exercice de son droit de rétractation, elle demande l’annulation immédiate du contrat.
Un droit de rétractation que lui refuse la société de location, position partagée par la Cour d’appel. L’affaire est alors portée en cassation.
La décison du juge
Le juge rappelle que le droit de rétractation, dont bénéficient les consommateurs démarchés, s’applique également aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels, dès lors que l’objet de ces contrats n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité, et que le nombre de salariés employés par celui‑ci est inférieur ou égal à cinq (C. conso. art. L 221-3) .
Il relève que, pour refuser le bénéfice du droit de rétractation à la société d’expertise‑comptable, la Cour d’appel a retenu que celle‑ci disposait de toutes les compétences professionnelles pour apprécier les conditions financières d’un contrat de location portant sur un photocopieur, matériel de bureau indispensable à son activité principale.
Il ajoute que, en appliquant ainsi un critère lié au champ de compétence du professionnel, critère étranger à celui imposé par la loi et tiré de l’inclusion de l’objet du contrat dans le champ de l’activité principale du professionnel – en l’occurrence, celle d’expert‑comptable, à laquelle, en outre, un contrat de location de photocopieur ne se rapporte pas –, la Cour d’appel a violé la loi.
Il décide donc de casser l’arrêt de la Cour d’appel et de renvoyer l’affaire devant la même Cour autrement composée, afin d’être rejugée (Cass. civ. 1e ch. 31-8-2022 n° 21-11455) .
Droit de rétractation : pour qui ?
Un droit de rétractation… Le droit de rétractation a vocation à s’appliquer chaque fois qu’une entreprise sollicite et conclut un contrat avec un client à distance ou hors établissement (en dehors des locaux du professionnel), ou dans le cadre d’un démarchage à domicile ou téléphonique. Il permet au client ainsi démarché de se rétracter dans un délai de 14 jours (délai prolongé de 12 mois lorsque le démarcheur n’a pas informé le client de son droit de rétractation, comme c’était d’ailleurs le cas dans l’affaire susmentionnée), et d’obtenir le remboursement des sommes versées sans avoir à se justifier (C. conso. art. 221-18) .
… pour protéger le consommateur… Le droit de rétractation vise à protéger principalement le « consommateur », entendu comme la personne qui n’agit pas dans le cadre d’une activité professionnelle : sont donc principalement visés ici les particuliers pour leurs achats personnels.
… et aussi les entreprises. Mais ce droit bénéficie également aux entreprises qui respectent trois conditions précises : le contrat qui lie l’entreprise à son fournisseur doit avoir été conclu « hors établissement », dans le cadre de l’achat d’un bien ou d’une prestation qui n’entre pas dans le champ de son activité principale, et pour autant que l’entreprise emploie au plus cinq salariés (C. conso. art. 221-3) . En outre, comme le rappelle ici le juge, le fait qu’une société ait les compétences professionnelles pour apprécier les conditions financières d’un contrat n’est pas une condition pour lui refuser ce droit.