RELATIONS AVEC LES TIERS ‑ EXPERT‑COMPTABLE - 27.10.2022

Expert‑comptable : quand est‑il responsable d’une erreur ?

À la suite d’un contrôle fiscal, l’administration notifie à un dirigeant des rectifications. Or, il s’avère que ces rectifications sont dues à une erreur de son expert‑comptable. C’est donc ce dernier qui doit en assumer la responsabilité ? Pas forcément ! Un cas jugé récemment.

Les faits

L’expert‑comptable chargé de la comptabilité d’une SARL porte par erreur au crédit du compte courant de l’associé gérant une somme de 108 000 € correspondant à l’extinction d’une dette de TVA de la société, au lieu d’inscrire cette somme dans les comptes de celle‑ci en tant que profit exceptionnel.

L’administration fiscale considère que l’associé gérant aurait dû mentionner ce montant dans sa déclaration d’impôt sur le revenu au titre des revenus distribués, et lui notifie une proposition de rectification. L’intéressé soutient alors que le redressement fiscal qu’il subit résulte de la faute de l’expert‑comptable, et il lui réclame des dommages‑intérêts.

La décision du juge

Le juge relève que les comptes sociaux avaient été arrêtés sous la responsabilité de l’associé gérant, et que celui-ci avait donc validé l’opération ou, à tout le moins, qu’il ne pouvait pas l’ignorer ; que l’inscription au crédit de son compte courant constituait pour lui une créance contre la SARL, dont il pouvait demander le paiement à tout moment ; et que, compte tenu de la vérification fiscale de comptabilité dont la SARL avait fait l’objet trois mois auparavant, il ne pouvait pas ignorer que les sommes portées au crédit de son compte courant seraient, en l’absence de justification, considérées fiscalement comme des revenus distribués, de sorte qu’il ne pouvait qu’en conclure qu’il était nécessaire de les déclarer lors de l’établissement de sa propre déclaration de revenus, dont l’expert‑comptable n’était pas chargé.

Il décide donc que l’associé s’était sciemment abstenu de déclarer cette somme à l’administration, de sorte que le redressement subi était le résultat de son choix délibéré, et non la conséquence directe de l’erreur commise par l’expert‑comptable. Il rejette donc sa demande de dommages‑intérêts (Cass. com. 15‑6‑2022 n° 19‑17.196) .

La responsabilité de l’expert‑comptable

Une exonération de responsabilité si… Le succès de l’action en responsabilité pour faute suppose qu’il existe un lien de causalité entre le dommage et la faute. Si la victime est à l’origine exclusive de son dommage, le débiteur de l’obligation se trouve exonéré de sa responsabilité. Ces règles de droit commun de la responsabilité civile sont régulièrement appliquées aux experts‑comptables.

Par exemple. Il a été jugé que la cause exclusive du préjudice d’une société victime de détournements financiers résidait dans sa faute de ne pas avoir mis en place les mesures de contrôle conseillées par son expert‑comptable, et non dans les fautes que la société lui reprochait dans l’exécution de sa mission (Cass. com. 3‑3‑2009 n° 07‑18.614) .

Un partage de responsabilité ? Les juges procèdent parfois à un partage de responsabilité, lorsque la faute de l’expert‑comptable et celle de la victime ont concouru à la survenance du dommage. Dans l’affaire susmentionnée, un tel partage a été écarté en raison des circonstances de l’espèce : l’associé gérant détenait 90 % du capital social et connaissait les conséquences fiscales du solde créditeur de son compte courant, car elles avaient été signalées dans la proposition de rectification qu’avait reçue la SARL à la suite de la vérification de sa comptabilité. Il a aussi été tenu compte de l’intérêt que représentait, pour l’associé gérant, le maintien de cette somme au crédit de son compte. En effet, lorsqu’un associé consent à la société une avance en compte courant, il adjoint à cette qualité celle de créancier de la société. Il peut en principe à tout moment demander le remboursement du solde créditeur.

N’engage pas sa responsabilité l’expert‑comptable d’une société qui a inscrit au crédit du compte courant de l’associé gérant une somme à porter dans les comptes sociaux, car le redressement fiscal subi ensuite par cet associé résulte de son seul choix de ne pas déclarer cette somme.

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