Harcèlement en entreprise : l’enquête interne est une preuve
Mener une enquête interne
Obligation de sécurité de l’employeur. En raison de son obligation de sécurité de résultat, l’employeur doit prendre toutes les dispositions nécessaires pour prévenir les agissements de harcèlement moral et de harcèlement sexuel dans l’entreprise, y mettre fin et les sanctionner (C. trav. art. L 1152-4, L 1152-5, L 1153-5 et L 1153-6) . À défaut, sa responsabilité civile et pénale peut être engagée. L’employeur est responsable des actes de harcèlement commis sur ses salariés par un autre de ses salariés ou par un tiers exerçant une autorité de droit ou de fait sur ses salariés (Cass. soc. 21‑6‑2006 n° 05-43914 et 19‑10‑2011 n° 09-68272) . Sa responsabilité peut être écartée s’il a pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés, p.ex. des actions d’information et de formation pour prévenir la survenance de faits de harcèlement, et a mis fin au harcèlement dès qu’il en a été informé (Cass. soc. 1‑6‑2016 n° 14-19702) .
Enquêter est obligatoire. Selon l’article L 2312-59 du Code du travail, lorsqu’un membre du comité social et économique (CSE) alerte l’employeur sur des faits de harcèlement sexuel ou moral au sein de l’entreprise, celui-ci a l’obligation de procéder, sans délai, à une enquête interne avec le membre du CSE et de prendre les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation. En dehors de cette situation, les juges considèrent que lorsque des faits de harcèlement (moral ou sexuel) sont signalés à l’employeur, celui-ci doit notamment diligenter une enquête interne pour vérifier les allégations qui lui sont rapportées et satisfaire à son obligation de sécurité (Cass. soc. 27‑11‑2019 n° 18-10551) .
L’enquête, une preuve en cas de litige
Illustration. À la suite de la dénonciation par deux salariées de faits de harcèlement moral et sexuel de la part de leur supérieur hiérarchique, l’employeur a mené une enquête interne et interrogé les salariés en relation directe avec ces faits. Dans le cadre de cette enquête, le salarié auteur qui a admis la matérialité des faits fautifs a été licencié pour faute grave de faits de harcèlement sexuel et moral tenant à un management agressif. Le salarié a contesté en justice son licenciement, estimant que l’enquête avait été menée de façon déloyale. En appel, les juges lui ont donné raison. Ils ont déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif que l’enquête était déloyale : seuls les salariés témoins ou intéressés par les faits ont été auditionnés, tous ensemble et non séparément, le compte-rendu d’audition n’était pas signé, la durée de l’interrogatoire de l’auteur n’était pas précisée et le CHSCT n’avait pas été saisi. Les juges n’ont pas examiné les autres éléments de preuve apportés par l’employeur au débat, notamment les témoignages des faits de harcèlement moral et sexuel reprochés à l’auteur par d’autres salariés de l’entreprise.
Aucun formalisme exigé pour l’enquête. La Cour de cassation a censuré la décision des juges. Elle a rappelé que la preuve étant libre en matière prud’homale, le rapport de l’enquête interne peut être produit par l’employeur pour justifier la faute imputée au salarié licencié, et les juges du fond doivent apprécier la valeur probante de l’enquête au regard des autres éléments de preuve produits par les parties. Elle a déclaré que le juge ne peut pas écarter des débats l’enquête interne produite par l’employeur, laquelle fait état des actes de harcèlement sexuel et de harcèlement moral de la part du salarié licencié, sans examiner les autres éléments de preuve produits par l’employeur notamment les comptes-rendus des entretiens avec les salariés entendus dans le cadre de l’enquête interne et d’attestations d’autres salariés (Cass. soc. 29‑6‑2022, n° 21-11437) .