BÂTIMENT ‑ MARCHÉS PRIVÉS - 24.11.2022

Réception tacite de travaux : précisions et perspectives

La Cour de cassation a rendu une nouvelle décision sur les conditions dans lesquelles un entrepreneur du bâtiment ou un maître d’ouvrage peut se prévaloir d’une réception «tacite» pour des travaux. Une réforme se profile aussi à ce sujet…

Un critère à prendre en compte…

Pour la réception de travaux… Dans une affaire, un maître d’ouvrage (MO) avait confié à une société la réalisation de travaux de réaménagement d’un local en cabinet médical, le délai d’exécution étant fixé à deux mois. Cependant, pour une raison ou une autre, la société s’est vue contrainte d’abandonner le chantier…

À défaut de réception expresse… Après expertise judiciaire, le MO a décidé d’assigner la société (et son assureur RCD) en réparation des désordres affectant les travaux exécutés, et en indemnisation de ses préjudices immatériels, sur le fondement de la garantie légale décennale (qui suppose en principe une réception des travaux, non intervenue en l’espèce). À cet effet, le MO s’est prévalu d’une réception tacite des travaux. Il a mis en avant le fait qu’il avait payé la totalité du prix des travaux exécutés, mais aussi le fait qu’une réception tacite n’est pas soumise à la condition de l’achèvement des travaux.

Pour la réception tacite… La Cour de cassation a écarté la demande du MO, pour les motifs suivants. Le MO avait fait constater par huissier de justice, moins d’un mois après l’abandon du chantier par l’entreprise, non seulement l’état d’avancement des travaux, mais aussi les malfaçons les affectant. Quelques jours après, il avait mis en demeure la société de lui rembourser une somme correspondant notamment aux travaux mal exécutés. Puis, il avait demandé au juge, en référé, une semaine plus tard, la désignation d’un expert judiciaire.

Critère = volonté non équivoque ! Pour la Cour de cassation, la «contestation constante et quasi‑immédiate de la qualité des travaux, suivie d’une demande d’expertise judiciaire portant sur les manquements de l’entrepreneur» , était « de nature à rendre équivoque» la volonté du MO de recevoir les travaux. Il ne pouvait donc y avoir de réception tacite (Cass. 3e civ. 26‑10‑2022, n° 21‑22011) .

Qui pourrait être consacré…

Une réforme en vue… Comme expliqué dans un conseil («Réforme du Code civil pour les travaux : le point», septembre 2022) , les pouvoirs publics s’apprêtent, par voie d’ordonnance ou sous la forme d’un projet de loi, à engager une importante réforme portant notamment sur les marchés privés de travaux (textes du Code civil).

Pour la réception… À la différence de l’actuel article 1792‑6 du Code civil, la réforme prévoit de prendre en compte l’existence de la réception tacite, en donnant à celle‑ci une définition légale (cf. avant‑projet de réforme commenté) . Si la réforme aboutissait, un nouvel article 1774 verrait le jour dans le Code civil, afin de préciser que la «réception est l’acte juridique par lequel le client déclare accepter l’ouvrage, avec ou sans réserves» , et que la réception «est expresse ou tacite» . L’article 1776, al. 1er du Code civil préciserait en outre que la réception «peut être tacite si est caractérisée une volonté non équivoque du client d’accepter l’ouvrage» .

Avec une présomption légale…

Vous avez dit «présomption» ? Si la réforme aboutissait, un texte préciserait que «la prise de possession de l’ouvrage et le paiement du solde du prix font présumer la volonté non équivoque du client de le recevoir, avec ou sans réserves»(projet de réforme art. 1776, al. 2) . La jurisprudence de la Cour de cassation («Réception des travaux : des décisions à intégrer», septembre 2022) serait ainsi consacrée (cf. p.ex. Cass. 3e civ. 29‑6‑2022 n° 21‑17997) .

En pratique. Comme l’ont souligné les rédacteurs de l’avant‑projet de réforme, la présomption légale ainsi posée serait dite «simple» et non «irréfragable» (c.‑à‑d. automatique et sans possibilité de preuve contraire, en faisant simple).

La réception tacite suppose que soit prouvée la volonté non équivoque du maître d’ouvrage de recevoir les travaux, ce qui n’est pas le cas si leur qualité est vite contestée. Ce critère pourrait être prochainement inséré dans le Code civil.

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