Dirigeant : s’opposer au paiement d’un chèque… sans risque
Les faits
Une société a fait réparer un de ses véhicules auprès d’un garagiste. Une salariée, qui a procuration sur le compte de la société, a établi un chèque de 17 207 € en règlement de la facture du garagiste. Son dirigeant a ensuite fait opposition au paiement du chèque, en invoquant la perte du chéquier.
Le prestataire a alors porté plainte contre lui pour infraction à la législation sur les chèques.
Le dirigeant de la société, condamné en appel, s’est pourvu en cassation.
La décision du juge
Le juge rappelle que la Cour d’appel de Dijon a condamné le dirigeant à deux mois d’emprisonnement avec sursis, 1 000 € d’amende et cinq ans d’interdiction d’émettre des chèques, pour s’être rendu coupable d’opposition au paiement d’un chèque avec l’intention de porter atteinte aux droits d’autrui. Il a en outre été condamné à verser 17 207 € (somme égale au montant du chèque frappé d’opposition) au garagiste, à titre de dommages et intérêts.
Le juge relève que le dirigeant a fait défense à la banque de payer le chèque litigieux, qu’il importe peu qu’il ne soit pas le signataire du chèque et qu’il n’avance aucune explication crédible sur la perte de ce chèque invoquée comme justification de l’opposition.
Il ajoute que le dirigeant n’ignorait pas que ce chèque avait été émis en règlement de travaux devant être effectués sur un véhicule de la société, que ces travaux ont été réalisés et que, à la suite de l’opposition au paiement du chèque, le prestataire de services n’a pas été payé.
Il décide donc que, en faisant opposition au paiement du chèque pour échapper, sans juste motif, au règlement des réparations réalisées par la société, le dirigeant a agi dans le but de porter atteinte aux droits du prestataire. Le juge valide donc les condamnations pénales prononcées par la Cour d’appel. Toutefois, il censure la condamnation à titre de dommages et intérêts, au motif que l’action en remboursement de la créance ne pouvait être dirigée que contre le débiteur lui‑même, soit la société, et non son dirigeant (Cass. crim. 19‑10‑2022 n° 21‑84.007) .
S’opposer au paiement d’un chèque
Des cas limitativement énumérés par la loi. Le tireur (celui qui émet le chèque) ne peut valablement faire opposition au paiement d’un chèque que dans les cas énumérés ci‑après (C. mon. fin. art. L 131‑35, al. 2) .
Perte ou vol du chèque. La perte du chèque ne peut être invoquée par le tireur qu’autant qu’elle n’est pas volontaire et qu’elle est certaine, ce qui n’est pas le cas lorsqu’il l’a remis lui‑même au bénéficiaire. L’extorsion de chèques sous la contrainte est assimilée au vol.
Utilisation frauduleuse du chèque. Constituent une utilisation frauduleuse la falsification du chèque ou les manœuvres ayant conduit à l’obtention et à l’utilisation du chèque contrairement à la destination convenue entre le tireur et le bénéficiaire.
Sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire du porteur. Cette opposition ne peut toutefois plus être admise s’il est établi que le chèque en cause a été remis au liquidateur.
Attention ! En dehors de ces cas, toute opposition est irrégulière et peut être sanctionnée jusqu’à 375 000 € d’amende et cinq ans d’emprisonnement (C. mon. fin. art. L 163‑2, al. 1er) .