VENTE IMMOBILIÈRE - DIVERS - 02.12.2022

Vente de locaux commerciaux au locataire = honoraires ?

La Cour de cassation a rendu un arrêt, qui a eu un certain écho, concernant le droit aux honoraires de l’agent immobilier, mandaté par un propriétaire, lorsque son locataire avec un bail commercial exerce un «droit de préférence» pour acheter. Mise au point !

Une décision à apprécier...

Le contexte. Une personne, propriétaire d’un immeuble de deux étages, loue son RDC et le premier étage à un locataire, avec un bail commercial. Ce bail stipule un droit de préférence au profit du locataire en cas de vente.

Le litige. Le propriétaire décide de vendre l’immeuble en son entier. Il notifie au locataire une offre de vente, aux conditions acceptées par un candidat acquéreur, et portant sur un prix (FAI) comprenant le montant des honoraires de l’agent immobilier (AI) intervenant pour la transaction. Le locataire accepte l’offre... mais en déduisant le montant des honoraires. Faute d’accord à ce sujet, le locataire décide d’assigner le propriétaire pour faire constater la vente à son profit.

La décision. La Cour de cassation a approuvé le rejet de la demande du locataire, en jugeant qu’il n’avait pas «valablement exercé son droit de préférence conventionnel» . Motif ? Le propriétaire avait informé le locataire de son projet de vente pour le prix FAI offert par le candidat acquéreur, et le locataire n’avait offert de payer que le prix hors frais d’agence. Il est souligné que l’exercice du droit de préférence prévu au bail ayant eu «pour effet de substituer» le locataire «dans les droits et obligations de l’acquéreur évincé» , le locataire était tenu «de payer la totalité du prix convenu avec l’acquéreur évincé» , y compris les honoraires de l’AI (Cass. 3e civ. 28‑9‑2022, n° 21-18007) .

À sa juste mesure...

Pas de systématisation... La présentation ici ou là de l’arrêt du 28‑9‑2022, qui a donné lieu à une dépêche AFP, peut laisser à penser qu’un AI pourrait systématiquement réclamer des honoraires (charge acquéreur) au locataire, lorsque celui-ci achète en exerçant un droit de préférence. C’est trompeur. Tel n’est pas le cas si un locataire exerce le droit de «préemption» légal qui lui est reconnu par l’article L 145‑46‑1 du Code de commerce (A&C Immobilier 18e année, n° 5, p. 6) . Dans ce cas, un AI ne peut réclamer des honoraires au locataire acquéreur (Cass. 3e civ. 28‑6‑2018 n° 17-14605 et 23‑9‑2021 n° 20-17799, CA Aix-en-Provence 6‑10‑2022 RG 19/17385 Portalis DBVB-V-B7D-BFEZO) .

Pour le droit légal de préemption. Le droit de préemption légal n’avait pas vocation à jouer dans l’affaire jugée le 28‑9‑2022, puisque la vente portait sur l’immeuble en son entier, y compris le deuxième étage à usage d’habitation. Or, le droit de préemption légal n’est pas «applicable à la cession globale d’un immeuble comprenant des locaux commerciaux»(C. com. art. L 145‑46‑1 al. 6) .

Retrouvez les précisions, exemples et commentaires du Mémento Vente immobilière sur https://www.alertesetconseils.fr , Annexes, année 18, n° 18.

Côté agent immobilier : nos conseils

Où des honoraires peuvent être réclamés. La solution de l’arrêt du 28‑9‑2022 n’a vocation à s’appliquer qu’en présence d’un droit de préférence dit contractuel/conventionnel, c’est-à-dire prévu/organisé par une clause spécifique (et qui n’est en rien obligatoire) dans un bail. Ceci peut concerner uniquement les cas, à notre avis, où le droit de préemption légal (qui est d’ordre public) ne s’applique pas (C. com. art. L 145‑46‑1 al. 6) .

Pour pouvoir réclamer des honoraires. Au regard de la motivation de l’arrêt, et comme cela a été souligné par une juriste, à juste titre à notre avis, une discussion est permise sur les règles applicables si une clause de préférence est rédigée par référence à l’article L 145‑46‑1 (ou «calquée» sur son texte). Pour la rédiger, il peut être prudent de se référer à la clause figurant dans le bail régularisée dans l’affaire jugée le 28‑9‑2022 (CA Bordeaux 18‑3‑2021 RG 18/03890 Portalis DBVJ V B7C KQUC) .

Notice et arrêt d’appel sur https://www.alertesetconseils.fr , Annexes, année 18, n° 18.

L’arrêt, qui a reconnu à un agent immobilier le droit de réclamer des honoraires à un locataire acquéreur, concerne le cas où l’intéressé fait jouer un droit de préférence prévu par le bail (prévoir une clause spécifique), et non son droit de préemption légal.

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