PRÉVOYANCE & RETRAITE - 16.02.2023

Focus sur le projet de réforme des retraites

C’est finalement à travers un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificatif que l’exécutif envisage de réformer les retraites. Le texte, présenté en Conseil des ministres le 23 janvier devrait être adopté au Parlement fin mars, pour une entrée en vigueur dès le 1er  septembre 2023 (Projet de loi n° 760 déposé le 23‑1‑2023) .

L'âge légal de départ à la retraite serait progressivement relevé

Sans surprise, l’âge légal de départ en retraite, actuellement fixé à 62 ans, serait relevé à raison de 3 mois par génération pour les assurés nés à compter du 1er  septembre 1961, afin d’atteindre 64 ans en 2030 (pour les assurés nés en 1968) . Il devrait donc correspondre à 63 ans et 3 mois en 2027 à la fin du quinquennat (hors dispositif de départ anticipé).

Impact du relèvement de l'âge légal de départ à la retraite
Date de naissance
Âge légal (hors départs anticipés)
1960
62 ans
Du 1‑1‑1961 au 31‑8‑1961
62 ans
Du 1‑9‑1961 au 31‑12‑1961
62 ans et 3 mois
1962
62 ans et 6 mois
1963
62 ans et 9 mois
1964
63 ans
1965
63 ans et 3 mois
1966
63 ans et 6 mois
1967
63 ans et 9 mois
1968 et après
64 ans

La durée d'assurance requise pour obtenir le taux plein serait portée à 43 ans dès 2027

À noter

Depuis 2009, la durée d'assurance nécessaire à l'obtention du taux plein, qui était auparavant fixée à 160 trimestres :

  • augmente progressivement pour atteindre 172 trimestres pour les assurés nés depuis 1973 ;
  • et dépend exclusivement de l'année de naissance des assurés.

Dans l'objectif annoncé d'assurer la pérennité financière du système, le projet envisage également une accélération du calendrier de la réforme dite Touraine, autrement dit une mise en œuvre plus rapide de l'augmentation de la durée d'assurance d'ores et déjà prévue par la loi 2014-40 du 20 janvier 2014.

La cible de 43 annuités (soit 172 trimestres) resterait inchangée, mais serait atteinte dès 2027 (au lieu de 2035), à raison de 1 trimestre supplémentaire par année (au lieu de 1 trimestre tous les 3 ans).

Impact du relèvement de la durée d'assurance requise
Année de naissance
Durée d'assurance requise avant réforme
Durée d'assurance requise après réforme
Nombre de trimestres supplémentaires demandés
1960
167 trimestres
167 trimestres
0
Du 1‑1‑1961 au 31‑8‑1961
168 trimestres
168 trimestres
0
Du 1‑9‑1961 au 31‑12‑1961
168 trimestres
169 trimestres
1
1962
168 trimestres
169 trimestres
1
1963
168 trimestres
170 trimestres
2
1964
169 trimestres
171 trimestres
2
1965
169 trimestres
172 trimestres
3
1966
169 trimestres
172 trimestres
3
1967
170 trimestres
172 trimestres
2
1968
170 trimestres
172 trimestres
2
1969
170 trimestres
172 trimestres
2
1970
171 trimestres
172 trimestres
1
1971
171 trimestres
172 trimestres
1
1972
171 trimestres
172 trimestres
1
1973 et après
172 trimestres
172 trimestres
0

Certains stages de la formation professionnelle seraient assimilés à des périodes de cotisation

Certains stages pourraient être validés pour la retraite.

Il en serait ainsi des travaux d’utilité collective, des stages pratiqués en entreprise du plan Barre (1977‑1988), des stages « jeunes volontaires » (1982‑1987), des stages d’initiation à la vie professionnelle (1985-1992) ou des programmes d’insertion locale.

L’âge du taux plein automatique resterait fixé à 67 ans

Afin de ne pas pénaliser les assurés ayant eu une carrière hachée ou incomplète, en particulier les femmes, l'âge d'annulation de la décote serait maintenu à 67 ans.

Ainsi, comme aujourd'hui, les personnes partant à la retraite à partir de cet âge devraient continuer de bénéficier d'une retraite à taux plein (sans décote), quelle que soit leur durée d'assurance.

À noter

Les dispositifs de décote (minoration de la pension de retraite lorsque l'assuré ne dispose pas du nombre de trimestres requis pour le taux plein) et de surcote (majoration de la pension en cas de poursuite d'activité au-delà de l'âge légal de départ à la retraite et au-delà du nombre de trimestres nécessaires pour obtenir une retraite à taux plein) continueraient de s'appliquer selon les mêmes règles qu'actuellement.

La décote, qui peut actuellement atteindre 25 % du montant de la pension, serait toutefois limitée à 15 % après la réforme, compte tenu de la réduction de l'écart entre l'âge d'ouverture des droits et l'âge d'annulation de la décote, qui passerait de 5 à 3 ans.

Il en irait de même pour la surcote, qui ne serait en revanche plus limitée à 5 années, comme c'est le cas pour la décote avant réforme.

Retraite anticipée

Les dispositifs de départs anticipés seraient maintenus et adaptés.

Ainsi :

  • les assurés ayant eu une longue carrière pourraient prendre leur retraite entre 58 et 62 ans ;
  • la retraite anticipée à 55 ans pour les personnes en situation de handicap serait simplifiée ;
  • les victimes d’AT/MP (accidents du travail et maladies professionnelles) pourraient partir à la retraite 2 ans avant l’âge légal (soit à partir de 62 ans pour un âge légal fixé à 64 ans), selon des modalités de justification de pénibilité de la carrière simplifiées ;
  • et les assurés invalides ou inaptes pourraient liquider leur pension de retraite à 62 ans.

Entre autres aménagements concernant les assurés ayant eu une longue carrière, le dispositif serait aménagé sur plusieurs points. En particulier, il serait créé une tranche intermédiaire pour les assurés ayant commencé à travailler avant 18 ans. Et pour ceux remplissant la condition de début d'activité avant 16 ans, la durée totale d'assurance requise ne serait plus majorée de 2 ans mais de seulement 1 année.

Concernant les victimes d'AT/MP :

  • il serait permis aux personnes ayant eu un accident du travail avec un taux d'incapacité permanente d'au moins 20 % de bénéficier du dispositif sans n'avoir plus à justifier que les lésions en résultant soient identiques à celles indemnisées au titre d'une maladie professionnelle. Celles justifiant d'une maladie professionnelle avec ce même taux d'incapacité permanente pourraient continuer de liquider leur pension de manière anticipée, comme c'est déjà le cas dans le système actuel ;
  • par ailleurs, les assurés victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle avec un taux d'incapacité permanente compris entre 10 % et 20 % pourraient toujours bénéficier de la retraite anticipée en justifiant avoir été exposés à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels. Toutefois, la durée d'exposition à ces facteurs requise pour entrer dans le dispositif serait ramenée de 17 à 5 ans.

Enfin, les assurés inaptes au travail et ceux justifiant d'un taux d'incapacité permanente fixé par décret (à paraître) pourraient partir à la retraite à taux plein de manière anticipée (dès l'âge de 62 ans pour un âge légal de départ fixé à 64 ans). C'est également à partir de cet âge que les titulaires d'une pension d'invalidité pourraient demander son remplacement par une pension de retraite à taux plein.

À noter

Au total, le Gouvernement assure qu'au terme de cette réforme près de 4 personnes sur 10 pourraient continuer de partir à la retraite avant 64 ans.

Prévention et réparation de l’usure professionnelle

En matière de pénibilité, le C2P pourrait être mobilisé pour une reconversion, notamment en recourant au congé de reconversion professionnelle.

Les salariés exposés à certains facteurs de risques professionnels pourraient bénéficier d’un financement spécifique pour un projet de transition professionnelle.

Les salariés exerçant un métier particulièrement exposé aux contraintes physiques bénéficieraient d’un meilleur suivi médical.

Des fonds de prévention de l’usure professionnelle seraient créés.

Emploi de séniors

Les entreprises d’au moins 300 salariés auraient l’obligation de négocier périodiquement sur l’emploi des seniors et de publier un index dédié.

Retraite et maintien d'une activité

Le cumul emploi-retraite total ouvrirait de nouveaux droits à pension, et les plafonds du cumul emploi-retraite partiel pourraient être levés en cas de crise.

La retraite progressive serait ouverte à tous, et l’employeur devrait justifier son éventuel refus d’une demande de passage à temps partiel.

Mesures ciblées sur certains assurés

Les petites pensions des retraités, actuels et futurs, seraient revalorisées dès septembre 2023, l’objectif étant de permettre aux retraités les plus modestes de percevoir au moins 85 % du Smic net, soit près de 1 200 € brut pour une carrière complète (soit la durée d’assurance nécessaire pour bénéficier du taux plein) au Smic à temps complet. En outre, le recours à l’Aspa (Allocation de solidarité aux personnes âgées) serait facilité.

Enfin, les aidants qui interrompent leur activité pour s’occuper d’un proche bénéficieraient d’une affiliation gratuite à l’assurance vieillesse du régime général.

  • La réforme des retraites s'avère nettement moins ambitieuse que celle initiée sous le précédent quinquennat, exit en particulier la volonté de parvenir à un système universel de retraite à points. Afin de préserver un système par répartition et de parvenir à son équilibre financier en 2030, l'exécutif envisage une réforme purement paramétrique qui s'articule autour de 2 principaux axes : un recul progressif de l'âge légal de départ à la retraite et l'augmentation de la durée de cotisations à travers une accélération du calendrier de mise en œuvre de la réforme « Touraine ». Les dispositifs de départs anticipés seraient maintenus et adaptés.
  • Le projet comporte en outre des mesures destinées à prévenir l'usure professionnelle et à mieux prendre en compte la pénibilité. Afin d'améliorer la transition entre activité professionnelle et retraite, les dispositifs de cumul emploi-retraite et de retraite progressive seraient assouplis. Pour encourager l'emploi des seniors, un nouvel outil de transparence serait créé et ce thème ferait l'obligation de négociations périodiques. Des mesures plus ciblées sur les retraités modestes et les aidants sont également prévues. L'exécutif profite enfin de ce texte pour acter l'abandon définitif du projet de transfert du recouvrement des cotisations de retraite complémentaire Agirc-Arrco aux Urssaf.
  • S'agissant des seniors, le ministre du travail a annoncé qu'un autre projet de loi verrait le jour avant l'été et comporterait des mesures relatives à leur formation. Ce second texte devrait aussi traiter de la mise en place de France Travail, qui doit remplacer Pôle Emploi, et de l'accompagnement renforcé des allocataires du RSA.
  • La réforme, dont nous présentons ci-avant les grandes lignes, devrait concerner tant les salariés que les travailleurs indépendants, en particulier les artisans et les commerçants, ainsi que les non-salariés agricoles.
  • Le projet de loi prévoit également la suppression des principaux régimes spéciaux (RATP, Banque de France, industries électriques et gazières…) pour les seules personnes recrutées à compter du 1er  septembre 2023, ainsi que, notamment, le relèvement de l'âge de départ à la retraite pour les fonctionnaires. Ces dispositions, n'intéressant ni les salariés du secteur privé ni les travailleurs indépendants, ne sont pas ici traitées.
  • Le projet est discuté à l'Assemblée nationale depuis le 6 février puis devrait l'être au Sénat début mars, pour une adoption définitive au plus tard le 26 mars. L'essentiel de la réforme entrerait en vigueur dès le 1er  septembre 2023.
  • De nombreuses mesures nécessiteraient des décrets d'application (revalorisation des petites retraites, index des seniors ou encore création d'un seuil d'âge intermédiaire pour le dispositif carrières longues). Certaines, ne relevant pas de la loi, seraient directement déterminées par voie réglementaire, comme la hausse de la cotisation patronale vieillesse supplémentaire et la baisse de la cotisation accident du travail/maladie professionnelle ou encore l'abaissement des seuils d'exposition à certains risques pour l'acquisition de points sur le C2P (compte professionnel de prévention).
  • Si le Parlement n'a pas définitivement adopté le projet de loi au plus tard le 26 mars, l'exécutif pourrait mettre en œuvre la réforme par voie d'ordonnance, comme l'y autorise l'article 47-1 de la Constitution relatif à l'adoption des lois de financement de la sécurité sociale.

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