BAIL COMMERCIAL - CESSION - 24.03.2023

Si un locataire part à la retraite en cédant son bail commercial… 

La loi organise un dispositif particulier, appelé dispositif de «cession-déspécialisation», lorsqu’un locataire avec un bail commercial met fin à son activité en partant à la retraite, et cède son bail à un tiers. La Cour de cassation a rendu un important arrêt, à ce sujet…

Où le locataire prend sa retraite…

Un dispositif particulier. L’article L 145-51 du Code de commerce assure une protection particulière d’un locataire, pour des locaux loués avec un bail commercial, lorsqu’il fait valoir ses droits à la retraite (ou bénéficie d’une pension d’invalidité). L’associé unique d’une EURL, ou le gérant majoritaire depuis au moins deux ans d’une SARL, lorsque l’EURL ou la SARL est titulaire du bail, bénéficie aussi de la protection. Il a été jugé qu’il en va de même pour l’usufruitier du droit au bail, qui exerce en ordre son activité dans les locaux, s’il justifie de l’accord du nu-propriétaire pour la cession (Cass. 3e civ. 6-2-2013 n° 11-24708) .

Côté locataire. Il peut céder son bail à tout tiers, ceci avec des activités différentes de celles prévues au bail (en droit, on parle de «déspécialisation plénière»), sous réserve que la nature des nouvelles activités soit «compatible avec la destination, les caractères et la situation» des locaux (ou immeuble concerné). Un bailleur ne peut opposer une clause du bail dite d’agrément du tiers cessionnaire (Cass. 3e civ. 5-4- 2018 n° 17-14882) .

Côté bailleur. La loi lui reconnaît une «priorité de rachat» du bail. À cet effet, le locataire doit lui signifier par huissier son intention de céder le bail, en précisant les activités envisagées et le prix de cession proposé. Le bailleur dispose ensuite de deux mois pour soit faire jouer sa priorité de rachat (ou y renoncer), soit saisir le tribunal judiciaire afin de contester la déspécialisation. Il peut par ex. à cet égard se prévaloir d’une clause de non-concurrence figurant dans le règlement intérieur d’un centre commercial ou retail park, si l’activité envisagée peut concurrencer d’autres commerces existants (Cass. 3e civ. 13‑5‑2015 n° 14-10368) . À défaut de réaction sous deux mois, son «accord est réputé acquis» pour la cession avec déspécialisation.

Retrouvez les précisions, exemples et commentaires du Mémento Gestion immobilière sur https://www.alertesetconseils.fr , Annexes, année 19, n° 3.

… des précisions bienvenues !

En cas de cession-déspécialisation. Par un arrêt de principe, la Cour de cassation s’est prononcée le 15‑2‑2023 sur l’incidence de la cession du droit au bail avec déspécialisation, dans les conditions prévues par l’article L 145-51 du Code de commerce, concernant le loyer du nouveau locataire, c’est-à-dire le tiers - cessionnaire (Cass. 3e civ. 15-2‑2023 n° 21-25849) . Les règles (inédites) suivantes ont été fixées.

Règle 1. La cession du bail emporte «malgré une déspécialisation, le maintien du loyer jusqu’au terme du bail» , pour le nouveau locataire. Ainsi, en pratique, un bailleur ne peut réclamer au nouveau locataire, en invoquant le changement d’activité dans les locaux, une augmentation du loyer jusqu’à la fin du bail en cours, qui a été cédé.

Règle 2. Au renouvellement du bail, la cession du bail ne prive pas le bailleur du droit d’invoquer le changement de destination, intervenu au cours du bail (expiré), au soutien d’une demande judiciaire en fixation du loyer du bail renouvelé. En clair et en pratique, un bailleur peut ainsi réclamer le déplafonnement du loyer (avec fixation à la valeur locative), dans les conditions prévues par la loi (C. com. art. L 145-34) .

Règle 3. Le nouveau locataire ne peut pas se prévaloir du non-exercice par le bailleur de son droit de rachat prioritaire, ou de son absence d’opposition en justice à la déspécialisation, en expliquant que l’un et/au l’autre valait «renonciation» de sa part à solliciter, lors du renouvellement du bail, le déplafonnement du loyer.

Règle 4. Le nouveau locataire ne peut pas non plus se prévaloir d’une violation d’un protocole additionnel de la CEDH, qui protège la «propriété commerciale», pour s’opposer au déplafonnement du loyer au renouvellement du bail.

Notice sur https://www.alertesetconseils.fr , Annexes, année 19, n° 3.

Même s’il n’a pas contesté le changement d’activité prévu lors de la cession du bail, un bailleur peut demander que le loyer du cessionnaire (nouveau locataire) soit déplafonné pour ce motif (changement de destination), au renouvellement du bail.

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