TRAVAUX - GARANTIES LÉGALES - 01.06.2023

Garantie légale décennale et démembrement de propriété

La Cour de cassation a fourni d’importantes précisions sur le bénéficiaire de l’action en justice reconnue en matière de garantie légale décennale, lorsqu’un bien a fait l’objet d’un démembrement (nue-propriété/usufruit). Voyons ce qu’il en est...

Pour faire jouer la garantie décennale...

Une garantie légale... Comme rappelé dans un conseil (A&C Immobilier 18e année, n° 15, p. 7) , si une personne fait réaliser un ouvrage ou de gros travaux, elle bénéficie, en présence de graves désordres après réception, d’une garantie légale décennale (C. civ. art. 1792) . La garantie est due par les constructeurs/entrepreneurs concernés (et leurs assureurs dits RCD), avec une responsabilité de plein droit (avec «présomption» de responsabilité).

Qui se transmet... En cas de vente de l’immeuble concerné, l’acquéreur peut exercer l’action en garantie décennale.

Retrouvez les précisions, exemples et commentaires du Mémento Vente immobilière sur https://www.alertesetconseils.fr , Annexes, année 19, n° 8.

Bien démembré : le principe

Pour la garantie décennale. Dans une affaire, une société fait réaliser des travaux portant sur la charpente d’un bâtiment, dont elle est usufruitière. La société réclame réparation à l’entreprise concernée (et son assureur) au titre de la garantie décennale. La Cour de cassation a écarté sa demande, en posant un principe inédit : l’ «usufruitier, quoique titulaire du droit de jouir de la chose comme le propriétaire, n’en est pas le propriétaire et ne peut donc exercer, en sa seule qualité d’usufruitier, l’action en garantie décennale que la loi attache à la propriété de l’ouvrage et non à sa jouissance»(Cass. 3e civ. 16‑11‑2022 n° 21-23505) . Au vu de l’arrêt, un usufruitier ne peut ainsi agir seul en justice au titre de la garantie décennale, en principe (il revient au nu-propriétaire d’agir). Mais il en va autrement si l’usufruitier est mandaté par le nu-propriétaire. Dès l’acte de démembrement, il est possible de prévoir une clause appropriée.

Recours de l’usufruitier. Dans son arrêt, la Cour de cassation a posé aussi le principe inédit suivant : un «usufruitier, qui n’a pas qualité pour agir sur le fondement de la garantie décennale, peut néanmoins agir, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun, en réparation des dommages que lui cause la mauvaise exécution des contrats qu’il a conclus pour la construction de l’ouvrage, y compris les dommages affectant l’ouvrage» . L’action en responsabilité contractuelle suppose que soit rapportée la preuve d’une faute du constructeur/entrepreneur concerné, et d’un lien de causalité entre cette faute et les désordres (la présomption de responsabilité ne joue pas).

Bien démembré : la nuance

Pour une construction nouvelle. Dans une affaire, une personne, usufruitière d’un terrain propriété d’une SCI, y fait construire une piscine (commandée/payée par ses soins). La SCI (nu-propriétaire) assigne les intervenants (et assureurs) en indemnisation au titre de la garantie décennale. Sa demande a été écartée, faute de qualité à agir au regard des articles 552 et 555 du Code civil, au vu du principe suivant : si « la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous, le droit d’accession du nu-propriétaire du fonds sur lequel l’usufruitier édifie une construction nouvelle (...), en l’absence de convention réglant le sort de cette construction» n’opère «qu’à la fin de l’usufruit» . En l’espèce, l’ouvrage réalisé constituait une «construction nouvelle». Faute de convention, la SCI «n’en était pas devenue propriétaire» , l’usufruit n’ayant pas pris fin. La SCI «n’étant pas propriétaire de l’ouvrage», elle ne pouvait exercer l’action en garantie décennale (Cass. 3e civ. 13‑4‑2023 n° 22-10487) . Notons qu’un raisonnement comparable avait déjà été retenu pour un bail à construction (Cass. 3e civ. 7‑10‑2014 n° 13-19448) .

En pratique. L’arrêt invite à bien préciser d’emblée, dans un acte procédant à un démembrement de propriété, le régime attaché aux constructions nouvelles qui seront édifiées par l’usufruitier.

Notice sur https://www.alertesetconseils.fr , Annexes, année 19, n° 8

Il revient en principe au nu-propriétaire d’agir en garantie décennale, à moins que l’usufruitier soit mandaté à ce sujet. Mais en présence d’une construction nouvelle, réalisée par l’usufruitier sur un terrain démembré, tenez compte de ce qui a été convenu avec le nu-propriétaire concernant l’accession à la propriété d’un nouvel ouvrage.

Contact

Éditions Francis Lefebvre | 42 Rue de Villiers, CS50002 | 92532 Levallois Perret Cedex

Tél. : 03 28 04 34 10 | Fax : 03 28 04 34 11

service.clients.pme@efl.fr | pme.efl.fr

SAS au capital de 241 608 € • Siren : 414 740 852
RCS Nanterre • N°TVA : FR 764 147 408 52 • APE : 5814 Z