GESTION LOCATIVE - DIVERS - 01.06.2023

Locaux dégradés à la sortie d’un locataire : un droit à indemnisation du bailleur en cas de relocation défavorable ?

À sa sortie, un locataire restitue ses locaux avec de nombreuses dégradations de son fait. Si le bailleur décide de vite relouer en l’état les locaux, avec un loyer revu à la baisse, peut-il réclamer réparation à l’ancien locataire ? Un arrêt mérite l’intérêt, à ce sujet...

Où des locaux ont été dégradés...

Dégradations = droit à indemnisation. Un bailleur peut réclamer au locataire, à sa sortie, une indemnisation au titre de certaines dégradations affectant le bien loué. Pour un logement, un locataire est en effet tenu de « répondre des dégradations (...) à moins qu’il ne prouve qu’elles ont eu lieu par cas de force majeure, par la faute du bailleur ou par le fait d’un tiers qu’il n’a pas introduit dans le logement»(loi 6‑7‑1989 art. 7 c.) . Pour une autre location (bail commercial/professionnel, garage/cave etc), un locataire «répond des dégradations (...) à moins qu’il ne prouve qu’elles ont eu lieu sans sa faute»(C. civ. art. 1732) .

Un droit non conditionné. La Cour de cassation estime que l’indemnisation «n’est subordonnée ni à l’exécution de réparations par le bailleur, ni à l’engagement effectif de dépenses, ni à la justification d’une perte de valeur locative»(Cass. 3e civ. 7‑1‑2021 n° 19-23269) . Le bailleur peut réclamer le montant des travaux de remise en état, au titre des dégradations (prévoir des devis, a minima).

Retrouvez les précisions, exemples et commentaires du Mémento Gestion immobilière sur https://www.alertesetconseils.fr , Annexes, année 19, n° 8.

Une décision à apprécier côté bailleur

Pour la petite histoire. Un bailleur reloue des locaux avec un bail commercial dès libération des lieux par son ancien locataire, sans procéder aux travaux de remise en état au titre des dégradations constatées à sa sortie. Le nouveau locataire se charge de travaux, pour lesquels le bailleur accepte une prise en charge forfaitaire prenant la forme d’une remise de loyer de 5 000 € HT par mois durant 6 ans, un loyer ramené à zéro durant 3 mois, ainsi qu’un loyer mensuel réduit sur 3 mois. Le bailleur décide de réclamer, à l’ancien locataire, une indemnisation spécifique au titre des remises de loyers. Mais des juges écartent sa demande, au motif qu’il a (déjà) été indemnisé au titre du préjudice résultant de l’état des locaux restitués (CA Paris 24‑6‑2020 RG 18/22509 Portalis 35L7- V B7C B6RVH) .

L’arrêt. La Cour de cassation a censuré (cassé) l’arrêt d’appel, pour violation de l’article 1732 du Code civil et du «principe de réparation intégrale du préjudice». Il est en effet jugé que «l’indemnisation du coût de la remise en état des locaux à raison des dégradations» imputables au locataire «ne réparait pas le préjudice allégué» par le bailleur «d’avoir dû relouer le bien à des conditions défavorables»(Cass. com. 8‑3‑2023 n° 20-20141) .

Nos conseils

Pour prétendre à indemnisation... La portée de l’arrêt, qui a eu les faveurs d’une note des pouvoirs publics (Dila) en avril 2023, et d’une dépêche de presse relayée ici ou là, mérite à notre avis la nuance. Il n’en reste pas moins qu’un bailleur peut utilement le mettre en avant pour tout bail, y compris d’habitation (cf. Cass. 3e civ. 31-3 2009 n° 08-12714) , s’il peut justifier d’une relocation avec une perte financière en lien direct avec un «dommage actuel et certain»(Cass. 3e civ. 9‑3‑2023 n° 21-24791) imputable au précédent locataire.

Ce à quoi il faut penser. Si un bailleur reloue vite à un nouveau locataire en négociant une franchise ou diminution de loyer pour la mise en oeuvre des travaux de remise en état, une clause bien rédigée est à prévoir dans son bail, à ce sujet. Notez que pour un bail d’habitation, la franchise/remise de loyer ne peut être liée à des travaux de mise en conformité au titre de la décence (loi 1989 art. 6 a.) .

Ce à quoi il faut veiller. Pour prouver des dégradations, veillez à régulariser un état des lieux de sortie en ordre avec tout locataire, en particulier pour un bail d’habitation (loi 1989 art. 3-2, décret 2016-382 du 30‑3‑2016), un bail commercial (C. com. art. L 145‑40‑1) , ou un bail professionnel (loi 86-1290 du 23‑12‑1986 art. 57 B) .

Notice sur https://www.alertesetconseils.fr , Annexes, année 19, n° 8.

La Cour de cassation a admis qu’un bailleur puisse réclamer une indemnisation spécifique, en plus du coût des travaux de remise en état, s‘il a dû relouer un bien à des conditions défavorables (en l’espèce en accordant une remise/franchise de loyer).

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