VALEURS MOBILIÈRES - 10.06.2024

« Abattement dirigeant retraite » : les conditions relatives au cédant s’apprécient au niveau de chaque époux pris isolément

Pour l'application de l'abattement sur les plus-values de cession de titres réalisées par les dirigeants de PME à l’occasion de leur départ en retraite, les conditions relatives au cédant s'apprécient, pour les couples mariés, au niveau de chaque conjoint pris isolément (à l'exception de celle tenant à la participation de 25 %). Peu importe que le couple soit soumis à une imposition commune ou qu’il soit marié sous un régime de communauté (CE 26‑4‑2024 n° 453014) .

Les circonstances de l'affaire

Deux époux cèdent des titres d'une PME dont ils étaient les dirigeants et qu'ils détenaient conjointement sous le régime de la communauté universelle. Ils placent la plus-value de cession sous le régime de l'exonération d'imposition prévue par l'article 150-0 D ter du Code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'époque des faits : abattement spécifique aux dirigeants qui cèdent leur société à l'occasion de leur départ en retraite, sous certaines conditions relatives, notamment, au cédant.

À noter

De façon générale, ces conditions étaient les suivantes :

  • avoir effectivement exercé au sein de la société dont les titres étaient cédés des fonction de direction normalement rémunérées, dans les conditions requises pour bénéficier de l'exonération de l'ancien impôt de solidarité sur la fortune (ISF) au titre des biens professionnels ;
  • avoir détenu au moins 25 % des droits de vote ou des droits financiers de la société cédée soit directement, soit par personne interposée, soit par l'intermédiaire de son groupe familial (c'est-à-dire son conjoint ou partenaire de Pacs, leurs ascendants, descendants ou frères et sœurs).

Le cédant devait en principe cesser toute fonction, de direction ou salariée, dans la société et faire valoir ses droits à la retraite dans les 2 années suivant ou précédant la cession. .

En cas de cession des titres à une société, le cédant ne devait pas, à la date de la cession et pendant les 3 années suivantes, détenir directement ou indirectement de droits de vote ou de droits dans les bénéfices sociaux de cette société (un pourcentage maximal de détention de 1 % était toutefois toléré.

L'administration fiscale remet en cause l'exonération de la plus-value réalisée. La cour administrative d'appel confirme. Le couple se pourvoit en cassation.

La décision du Conseil d'État

Pour le Conseil d'État, doivent être interprétées strictement les dispositions de l'article 150-0 D ter précité relatives aux conditions relatives au cédant, notamment :

  • exercice effectif de fonctions de direction ;
  • et cessation de toute fonction.

Dans le cas d'un couple marié, ces conditions s'apprécient nécessairement au niveau de chaque conjoint pris isolément, et non au niveau du foyer fiscal (à l'exception bien évidemment de celle tenant à la participation de 25 %) :

  • peu importe que les époux soient soumis à impo-sition commune ;
  • peu importe également qu'ils soient mariés sous un régime de communauté (légal ou universel).

Le Conseil d'État annule cependant la décision de la cour d'appel et renvoie l'affaire devant elle.

À noter

Il relève en effet que, malgré le départ à la retraite de l'époux 10 ans avant la cession, la cour a commis une erreur en considérant un seul cédant sur la base de documents fiscaux, ignorant l'acte de cession qui mentionnait les deux conjoints.

  • Confirmation de jurisprudence, également applicable aux termes des rédactions successives de l'article 150-0 D ter du CGI.
  • Seuls les titres cédés par l'époux remplissant ces conditions sont éligibles au dispositif, à l'exclusion de ceux cédés par son conjoint (déjà en ce sens, CE 10‑12‑2014 n° 371437 ; CAA Lyon 1‑12‑2015 n° 14LY02998 ; CE 8e ch. (na) 8‑2‑2017 n° 396580) . Il a ainsi été jugé qu'une cour administrative d'appel ne commet pas d'erreur de droit en refusant le bénéfice de l'abattement prévu à l'article 150-0 D ter du CGI à l'époux d'un couple dont les membres ont cédé chacun 25 % du capital d'une société, au motif que d'une part, l'intéressé n'avait pas exercé de fonctions de direction rémunérées pendant les 5 ans précédant la cession et d'autre part avait pris sa retraite plusieurs années avant la cession, alors même que l'épouse remplissait en ce qui la concerne les conditions ouvrant droit à abattement. De même lorsque l'épouse, détentrice de 50 % du capital de la société cédée, n'avait exercé aucune fonction de direction dans l'entreprise, et que c'est son mari, lequel ne détenait aucune participation, qui a exercé une fonction de direction, les conditions exigées par l'article 150-0 D ter du CGI ne sont pas remplies.
  • Lorsque les époux (ou les partenaires de Pacs) remplissent chacun l'ensemble des conditions, ils sont susceptibles de bénéficier chacun de l'abattement dirigeant retraite, mais le reliquat non utilisé par l'un ne peut pas être reporté ni imputé sur la plus-value réalisée par l'autre (BOI-RPPM-PVBMI-20‑40‑10-40 n° 10) .
  • Si les dispositions de l'article 6, 1 du CGI soumettent les personnes mariées à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d'elles, cette règle n'implique pas par elle-même d'apprécier au niveau du foyer fiscal le respect des conditions d'éligibilité à l'abattement pour durée de détention applicable aux cessions réalisées par les dirigeants de sociétés lors de leur départ à la retraite.
  • La circonstance que les époux seraient mariés sous un régime de communauté et que le prix de cession des titres serait, en application des règles civiles applicables à ce régime matrimonial, porté à l'actif de la communauté, est sans incidence sur l'appréciation individuelle requise.

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