ASSURANCES - 10.06.2024

Recouvrement forcé par le fisc : la saisie porte sur la valeur de rachat du contrat d'assurance-vie, et non sur les primes versées

L’avis à tiers détenteur notifié par le comptable public en vue de saisir les contrats d’assurance-vie souscrits par le redevable porte sur leur valeur de rachat au moment de la saisie, donc sur l’épargne accumulée, et non sur le seul montant des versements effectués (Cass. com. 14‑2‑2024 n° 21-25.616 F-B) .

Les circonstances de l'affaire

Afin de recouvrer une créance de 181 000 € relative à des impositions sur le revenu, taxes foncières et redressements fiscaux, le comptable public délivre en 2017 un avis à tiers détenteur portant sur la valeur de rachat de deux contrats d’assurance-vie rachetables souscrits par la contribuable.

Cette dernière conteste le fait que l’avis porte sur la valeur de l’épargne atteinte lors de la saisie, et non sur le seul montant des sommes versées. Sa demande est rejetée par la cour d’appel.

La décision de la Cour de cassation

La Cour de cassation confirme la décision de la cour d'appel :

  • en introduisant la possibilité pour les comptables publics de procéder à la saisie par avis à tiers détenteur des sommes versées par un redevable souscripteur d’un contrat d’assurance rachetable (LPF art. L 263-0 A ancien issu de loi 2013-1117 du 6‑12‑2013 art. 41) , le législateur a entendu que la saisie porte sur la part rachetable des contrats d’assurance-vie ;
  • l’avis à tiers détenteur notifié dans ce cadre saisit la valeur de rachat des droits résultant du contrat d’assurance rachetable souscrit, quand bien même cette valeur serait supérieure au montant cumulé des versements effectués par le redevable.

L’assureur ayant réglé entre les mains du comptable public la valeur de rachat à hauteur de l’épargne atteinte au moment de la saisie, la valeur de rachat des deux contrats a donc été valablement saisie.

À noter

Un contrat rachetable est saisissable, qu'il s'agisse d'un contrat individuel ou collectif, et quelle que soit la nature du support d'investissement (contrats valorisables, à capital variable ou multisupports).

À l'inverse, ne sont pas rachetables(BOI-REC-FORCE-30‑30‑20-10 n° 180)et ne peuvent donc pas faire l'objet d'une saisie par l'administration fiscale :

  • les contrats de retraite à cotisations définies dès lors que les sommes figurant sur ces contrats sont indisponibles jusqu'au départ en retraite de l'assuré et que ces contrats ne comportent pas de faculté de rachat (sauf en cas de survenance de l'un des événements mentionnés à l'article L 132-23 du C. assur.) ;
  • le plan d'épargne retraite populaire (PERP), sauf en cas de survenance de l’un des événements mentionnés à l’article L 132-23 du Code des assurances ;
  • l'assurance temporaire en cas de décès par lequel l’assureur s’engage à verser un capital ou une rente en cas de décès de l’assuré avant une date convenue. En cas de survie de l’assuré à la date prévue, l’assureur conserve les primes.

L'administration(BOI-REC-FORCE-30‑30‑20-10 n° 200 s.)a par ailleurs précisé que les contrats rachetables échappent à la saisie dans les cas suivants :

  • délégation du contrat antérieurement consentie ;
  • nantissement du contrat antérieurement constitué ;
  • acceptation du contrat par le bénéficiaire.

Cette position a été confirmée par la Cour de cassation en cas de nantissement d'un contrat d'assurance-vie rachetable, le droit au paiement de la valeur de rachat dont dispose le bénéficiaire du nantissement excluant tout concours avec les autres créanciers du souscripteur, y compris le comptable public recourant à un avis à tiers détenteur(Cass. 2e civ. 2‑7‑2020 n° 19-11.417 et 19-13.636 F-PBI).

  • L’avis à tiers détenteur et les procédures de saisie similaires ont été remplacés, depuis le 1er  janvier 2019, par la procédure unique de saisie administrative à tiers détenteur (Loi 2017-1775 du 28‑12‑2017) . Lorsqu’elle porte sur un contrat d’assurance rachetable, la saisie administrative à tiers détenteur entraîne son rachat forcé et a pour effet d’affecter au créancier la valeur de rachat du contrat au jour de la notification de la saisie, dans la limite du montant de cette dernière (LPF art. L 262 modifié) .
  • La rédaction du nouveau texte est claire, là où celle du texte relatif à l’avis à tiers détenteur était ambiguë en visant « les sommes versées par un redevable souscripteur ou adhérent d’un contrat d’assurance rachetable […] dans la limite de la valeur de rachat des droits à la date de la notification de l’avis à tiers détenteur » (LPF art. L 263-0 A ancien abrogé) . C’est cette ambiguïté qui était ici invoquée par la requérante et a amené la Cour de cassation à s’appuyer sur les travaux parlementaires préalables à l’adoption de la loi de 2013 ayant introduit la possibilité de saisir les contrats d’assurance-vie (Loi 2013-1117 du 6‑12‑2013) .

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