Dépression, suicide et responsabilités de l’employeur
Dépression et obligation de sécurité
Rappel. L’employeur est tenu envers ses salariés à une obligation de sécurité de résultat. Selon l’article L.4121-1 du Code du travail, il doit, en effet, prendre « les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés ».
La santé mentale des salariés doit ainsi être au cœur des préoccupations de l’entreprise, quelle que soit sa taille. L’aggravation de la souffrance au travail est, la plupart du temps, liée à l’organisation du travail au travers :
• des conditions de travail : flux tendus, travail dans l’urgence, objectifs imprécis, individualisation, disparition des rapports sociaux… ;
• du niveau de l’activité de travail : intensification du travail, pression temporelle, réduction des fonctions support…
Ces éléments constituent autant de points de levier pour lutter contre les risques psychosociaux.
Remarque. Le document d’évaluation des risques ou « document unique » doit traiter des risques psychosociaux. C’est très rarement le cas.
Attention. En l’absence de mesure de prévention, l’employeur engage sa responsabilité civile (voire pénale) dès lors que le manquement à son obligation de sécurité et de santé a le caractère d’une faute inexcusable, c’est-à-dire :
• que l’employeur avait ou aurait dû avoir, en bon professionnel, conscience du danger auquel il exposait son salarié ;
• et qu’il n’a pas pris les moyens nécessaires pour préserver la santé et la sécurité de ce dernier.
Illustration. Après un arrêt de travail, une salariée est déclarée inapte à tout poste par le médecin du travail. Licenciée en 2004 pour inaptitude, elle sollicite des dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.
Constatations des juges. Certificat médical attestant que la salariée présente un « tableau de névrose traumatique avec retour en boucle, angoisses, insomnies réactionnelles » nécessitant une prise en charge thérapeutique et un traitement antidépressif + existence d’un malaise suite à la tenue d’un entretien individuel + plusieurs courriers d’alerte de la salariée à son employeur.
Décision. Après avoir relevé que l’employeur n’avait pris aucune mesure pour résoudre ses difficultés, les juges ont caractérisé un manquement à son obligation de sécurité justifiant sa condamnation à verser des dommages et intérêts (Cass.soc., 17.02.10, no 08-44298).
Suicide et accident du travail (AT)
Rappel. Est un AT l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail, quelle qu’en soit la cause, à toute personne salariée ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit pour un ou plusieurs employeurs (article L.411-1 C. Séc. soc.).
Remarques. Les juges ont élargi la notion d’AT en jugeant qu’une tentative de suicide peut constituer un AT dès lors qu’un lien avec le travail est établi (TASS Yvelines, 09.03.10, Dominguez c/ Renault).
Enjeux. La reconnaissance d’un AT et d’une faute inexcusable permet au salarié ou aux ayants droit de bénéficier d’une majoration de leur rente et l’indemnisation de leur préjudice moral. Quant à l’employeur, il assure les conséquences financières de la faute inexcusable : la CPAM, qui a versé au salarié ou aux ayants droit la majoration de la rente et réparé le préjudice causé, récupère auprès de l’employeur les sommes versées.