Rentabilité locative et responsabilité du vendeur
Une décision à méditer...
Où la rentabilité pose problème... Une SCI acquiert, à titre d’investissement locatif, deux immeubles à usage locatif avec des logements loués. Se plaignant de l’absence de rentabilité de l’investissement, la SCI décide d’assigner le vendeur en indemnisation de ses (prétendus) préjudices...
Un vice caché ? En justice, l’acquéreur appuie sa demande sur divers fondements tirés du droit commun des contrats ou de la vente, dont la garantie des vices cachés - GVC (C. civ. art. 1641) . À ce titre, il soutient que la « rentabilité faussement annoncée par le vendeur d’un immeuble de rapport » constitue un vice caché.
Pas si vite ! La Cour de cassation a écarté l’ensemble des demandes de la SCI, dont celle fondée au titre de la GVC, et ce, pour les motifs suivants. Pour l’application de la GVC, un défaut doit être « inhérent » à la chose vendue. Un vendeur, s’il doit « garantir le potentiel technique de rendement du bien vendu », ne peut « en garantir la rentabilité économique, faute d’avoir la maîtrise de son utilisation ultérieure » . La SCI ne pouvait ainsi soutenir que la vente « était affectée d’un vice caché au seul motif qu’elle n’en avait pas retiré le profit escompté »(Cass. 3e civ. 21.03.2019 n° 18-12026) .
En pratique. Sauf à le prévoir dans un acte de vente, un vendeur n’a donc pas à garantir la « rentabilité économique » d’un bien à usage locatif (déjà loué/destiné à l’être). Les juges ont toutefois réservé le cas où le « potentiel technique de rendement » pose problème. L’expression, utilisée en 1992 pour la vente de matériel (!), pourrait permettre à un acquéreur (non professionnel) de se prévaloir de la GVC s’il justifie p.ex. d’un vice caché touchant l’environnement d’un bien, de nature à générer une moindre rentabilité (bruit...).
... à sa juste mesure !
Au-delà de la GVC... Tel dans l’affaire jugée le 21.03.2019, un acquéreur peut (aussi) reprocher au vendeur un manquement à son devoir d’information lors de la négociation. Il peut se prévaloir d’un dol, si des informations erronées/trompeuses lui sont volontairement communiquées, ou des éléments dissimulés . Il a aussi été jugé qu’un acquéreur peut se prévaloir d’une erreur (excusable), en raison de l’impossibilité d’exploiter des locaux dans des conditions de « rentabilité normale », s’il a fait de ce critère un élément substantiel de son engagement, ce en le faisant entrer dans le « champ contractuel » (Cass. 3e civ. 30.11.2010 n° 09-14802) .
Dans l’ancien. Un vendeur a intérêt de fournir d’emblée à un acquéreur l’ensemble des documents utiles permettant d’apprécier la rentabilité locative. En l’espèce, le vendeur avait communiqué l’état des locations en cours, les baux et les dossiers d’impayés (moins de 10 % des locataires). Il avait aussi fourni des tableaux locatifs, chacun facilement lisible, permettant de constater un « turn-over » important des locataires. Une transparence qui a payé : la SCI a été sèchement « envoyée sur les roses ».
Dans le neuf. La prudence est de mise pour commercialiser un produit locatif, en particulier défiscalisé (Vefa, ...). Une vente a été annulée car des « affirmations mensongères » d’une plaquette de présentation allaient « bien au-delà de la simple exagération publicitaire »(Cass. 3e civ. 07.04.2016 n° 14-24164), ou encore au vu de la « médiocrité de la rentabilité »(Cass. 3e civ. 18.04.2019 n° 18-10693) . Un mandataire en commercialisation est tenu, à cet égard, d’une obligation « d’information sincère et de conseil »(Cass. 3e civ. 23.01.2019 n° 17-31445) .
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