VENTE IMMOBILIÈRE - DIVERS - 11.12.2020

Un souci de rentabilité économique, pour un bien vendu ?

La Cour de cassation a été récemment amenée à se prononcer sur un recours indemnitaire engagé par l’acquéreur d’un bien loué dans l’ancien, se plaignant d’un problème sur sa rentabilité économique. La décision rendue mérite l’attention...

Une affaire à méditer...

Pour la petite histoire... En 2014, une personne acquiert auprès d’une SCI un bien immobilier loué avec un bail commercial de neuf ans signé en 2010 dont six ans ferme (jusqu’en 2016). L’acquéreur doit supporter le départ du locataire en 2016.

Souci de rentabilité = annulation ? L’acquéreur décide de demander l’annulation de la vente pour vice du consentement (erreur et dol). Il fait valoir qu’il a été victime de manœuvres concertées de la SCI et du locataire visant à permettre la vente dans les meilleurs conditions, et relève que la SCI ne lui aurait pas donné d’informations sur le chiffre d’affaires du locataire. Selon lui, le bail annexé à l’acte de vente, stipulait un loyer manifestement trop élevé et donnait « une image erronée » de la rentabilité de l’immeuble, de nature à provoquer une erreur sur la rentabilité de l’opération.

Pas si vite ! La Cour de cassation a approuvé le rejet de la demande de l’acquéreur, en relevant que « ni le chiffre d’affaires réalisé par le locataire d’un local commercial ni la rentabilité économique d’un investissement immobilier, lorsque celle-ci n’était pas entrée dans le champ contractuel » ne constituaient « une qualité substantielle du bien objet d’une vente immobilière ». En outre, la preuve du dol n’était pas rapportée par l’acquéreur (Cass. 3e civ. 05.11.2020 n° 19-21.575) .

Sur le terrain du dol...

Les principes. Dans son arrêt, la Cour de cassation a pris soin d’analyser les éléments de fait, en l’espèce, pour juger que la preuve d’un dol n’était pas rapportée. Il n’en reste pas moins qu’un acquéreur peut, sur le principe, se prévaloir du dol du vendeur s’il prouve que son consentement par des manœuvres ou mensonges. Est aussi un dol la dissimulation intentionnelle d’une information dont le vendeur connaissait le caractère déterminant pour l’acquéreur. Mais n’est pas un dol le fait pour un vendeur de ne pas révéler son estimation de la valeur du bien (C. civ. art. 1137) . En pratique, le vendeur d’un bien loué peut avoir intérêt de fournir d’emblée à un acquéreur, par précaution, les informations utiles permettant d’apprécier la rentabilité locative. Notons, au vu de l’arrêt du 05.11.2020, que le risque du départ d’un locataire au terme de la période triennale d’un bail commercial 3/6/9, est censé être connu d’un acquéreur.

Pour un investissement défiscalisé. Pour la commercialisation d’un produit défiscalisé, un opérateur doit être très prudent. Il peut engager sa responsabilité s’il fournit à un acquéreur une plaquette commerciale présentant l’investissement comme ayant une rentabilité garantie. Les intermédiaires doivent pouvoir justifier avoir rempli « à l’égard de l’investisseur leur devoir de conseil et d’information sur les aléas de l’investissement proposé » (Cass. 3e civ. 24.09.2020 n° 19-18637) .

Sur le fondement de l’erreur...

Les principes. Pour être cause de nullité, une erreur doit être excusable et en principe porter sur des « qualités essentielles » (C. civ. art. 1132) . Un acquéreur ne peut se prévaloir de son « appréciation économique inexacte » (C. art. 1136) .

Où l’erreur peut être admise. Un acquéreur peut se prévaloir d’une erreur (excusable) en cas d’impossibilité d’exploiter un bien avec une rentabilité normale, s’il prouve avoir fait de ce critère un élément substantiel de son engagement, entré dans le champ contractuel (Cass. 3e civ. 30.11.2010 n° 09-14.802 et 18.04.2019 n° 18-10.693) .

Conseil. Au titre de la garantie des vices cachés, un vendeur n’a pas à garantir la rentabilité économique d’un bien à usage locatif, sauf à ce que la garantie soit prévue dans l’acte de vente (Cass. 3e civ. 21.03.2019 n° 18-12.026) .

Retrouvez notre notice sur https://www.alertesetconseils.fr , Annexes, année 16, n° 19.

Dans l’ancien, un acquéreur ne peut en principe se prévaloir d’une erreur sur la rentabilité d’un bien, si ce paramètre n’est pas entré dans le champ contractuel. La rigueur et la prudence restent de mise côté opérateur, pour un investissement défiscalisé.


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