Une renonciation à recettes conforme à l’objet social : un acte anormal de gestion ?
Les faits
Une société, dont l’objet social est l’acquisition, la vente et la location de tous biens immobiliers et notamment la mise à disposition gratuite de ses immeubles à ses actionnaires, a mis deux appartements dont elle est propriétaire à Cannes à la disposition gratuite de son unique associé.
L’administration fiscale, à la suite d’une vérification de comptabilité, a estimé que cette société avait commis un acte anormal de gestion en renonçant à percevoir des loyers ; ce que la société conteste puisqu’une telle mise à disposition gratuite est conforme à son objet social.
La décision du juge
Le juge rappelle qu’en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du Code général des impôts, le bénéfice imposable à l’impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l’entreprise, à l’exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale.
Il précise que constitue un acte anormal de gestion l’acte par lequel une entreprise décide de s’appauvrir à des fins étrangères à son intérêt.
Il relève qu’au regard de ces principes, la circonstance qu’une renonciation à recettes par une société au bénéfice de ses associés serait conforme à l’objet social de l’entreprise n’est pas à elle seule de nature à faire regarder cette renonciation comme étant dans l’intérêt propre de l’entreprise, ni que satisfaire par cette gratuité l’un des objets pour lequel la société a été créée soit une contrepartie suffisante.
Il décide donc qu’en mettant à la disposition gratuite de son unique associé deux appartements situés à Cannes, la société avait renoncé sans contrepartie à percevoir des recettes qu’une gestion normale de ses biens eut procurées. Il donne ainsi raison à l’administration fiscale (CE 22‑7‑2022 n° 444942) .
Un acte anormal de gestion
Une dépense contraire à l’intérêt de l’entreprise. Une dépense constitutive d’un acte anormal de gestion est celle qui a été engagée dans un intérêt autre que celui de l’entreprise. Dans ce cas, l’administration fiscale pourra la qualifier d’acte anormal de gestion et refuser sa déduction du résultat imposable de l’entreprise.
À noter. Lorsque l’administration invoque le caractère anormal d’un acte de gestion, elle doit apporter la preuve que cet acte n’a pas été accompli dans l’intérêt de l’entreprise.
Une renonciation à recettes… Une renonciation à recettes peut également constituer un acte anormal de gestion. Dans ce cas, l’administration fiscale est en droit de réintégrer au résultat imposable de l’entreprise les sommes qu’elle a renoncé à percevoir. Une telle renonciation, qui équivaut donc à un appauvrissement, consentie par une entreprise au profit d’un tiers, ne relève pas, en règle générale, d’une gestion commerciale normale sauf s’il apparaît qu’en consentant un tel avantage, l’entreprise a agi dans son propre intérêt et qu’elle a bénéficié de contreparties en retour.
… même conforme à l’objet social. Comme le précise le juge dans l’affaire susmentionnée, une renonciation à recettes n’est pas normale du seul fait de sa conformité à l’objet social.