BÂTIMENT - ASSURANCES - 03.11.2023

Faire condamner un entrepreneur puis agir contre son assureur : possible ?

Un maître d’ouvrage (privé) peut-il faire condamner un entrepreneur du bâtiment au titre de désordres, puis réclamer à l’assureur de celui-ci les sommes dues ?

Agir a posteriori contre un assureur... Dans une affaire, un couple confie à une société la construction d’une maison avec garage. Les travaux sont réceptionnés sans réserve. En raison d’une erreur altimétrique le privant d’accès au garage, le maître d’ouvrage (MO) fait condamner la société en justice. Il réclame ensuite en justice, à l’assureur en responsabilité décennale (RCD) de la société, le montant des condamnations prononcées. La Cour de cassation a été appelée à se prononcer (Cass. 3e civ. 14‑9‑2023 n° 22-13107) .

C’est en principe possible... La Cour de cassation rappelle qu’une décision judiciaire condamnant un entrepreneur à réparation «à raison de sa responsabilité constitue pour l’assureur de cette responsabilité la réalisation, tant dans son principe que dans son étendue, du risque couvert et lui est opposable», en principe.

Mais gare à la fraude.. . La Cour de cassation souligne qu’une décision judiciaire n’est pas opposable à un assureur en cas de «fraude» à son encontre. La fraude, si elle est caractérisée, permet à l’assureur d’engager une procédure dite de «tierce opposition» contre la décision. Ceci permet à l’assureur de faire réexaminer l’affaire tant en fait qu’en droit par les juges, et de faire «réformer» la décision rendue, à son profit (C. proc. civ. art. 582 et s.) .

Côté maître d’ouvrage et/ou entrepreneur... La fraude peut être le fait de l’entrepreneur concerné (assuré) ou du MO. Dans notre affaire, l’assureur avait opposé un refus de garantie au MO car le désordre concerné (d’altimétrie) était apparent à la réception, et n’avait fait l’objet d’aucune réserve. Le MO avait ensuite assigné en réparation la seule société, laquelle n’avait pas pris d’avocat, et sa demande n’avait donc été examinée qu’au vu de ses seules pièces.

Il a été jugé que le MO, qui connaissait la position de non-garantie de l’assureur en raison du caractère apparent du désordre, avait «délibérément» omis de l’informer de la procédure engagée contre la société ou de l’appeler en cause «pour le mettre devant le fait accompli». La «fraude aux droits de l’assureur» était caractérisée, et sa tierce opposition était recevable. Notons néanmoins que la fraude ne peut être «déduite» de la seule absence d’appel en cause de l’assureur dans la procédure opposant le MO et l’entrepreneur.

Sachez que l’assureur pourra contester la décision judiciaire rendue s’il prouve une fraude de l’entrepreneur (assuré) et/ou du maître d’ouvrage.

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