Prescription des actions d’un maître d’ouvrage ou entrepreneur pour la garantie décennale ou d’un vice caché
Pour des désordres décennaux
Des précisions pour les actions... La Cour de cassation a précisé le délai de prescription d’actions reconnues à un maître d’ouvrage (MO) ou entrepreneur, en cas de désordres affectant un ouvrage, notamment ceux relevant de la garantie décennale (Cass. 3e civ. 14‑9‑2023 n° 22-21493) .
MO contre un entrepreneur. Toute action d’un MO, en réparation des désordres, doit être exercée, à peine de forclusion (irrecevabilité), dans un délai de 10 ans à compter de la réception des travaux (cf. C. civ. art. 1792‑4‑1 et art. 1792‑4‑3) .
Entrepreneur contre assureur RCD. Quand l’action d’un entrepreneur contre son assureur RCD a pour cause le recours du MO, la prescription biennale (deux ans) prévue pour exercer cette action (C. ass. art. L 114-1) court du jour où le MO a exercé une «action en justice» à son encontre (ou du jour où le MO a été indemnisé par l’entrepreneur). La Cour de cassation estime que toute action en référé est une «action en justice» au sens du texte, et qu’un «référé-expertise» fait en principe courir la prescription biennale de l’action de l’entrepreneur contre son assureur.
MO contre assureur RCD. Il est jugé que si l’action directe reconnue au MO (C. ass. art. L 124-3) contre l’assureur RCD d’un entrepreneur «trouve son fondement dans le droit» du MO « à obtenir réparation de son préjudice et obéit, en principe, au même délai de prescription que son action contre le responsable, elle peut cependant être exercée contre l’assureur, tant que celui-ci est encore exposé au recours de son assuré» . Ceci prolonge le délai de prescription tant qu’un entrepreneur peut exercer un recours contre son assureur. Pour la garantie décennale, un MO dispose donc en théorie d’un délai pouvant atteindre douze ans à partir de la réception pour agir contre l’assureur. Mais des juges ne peuvent déclarer recevable son action après l’expiration de la forclusion décennale... si une assignation en référé-expertise a été délivrée à l’entrepreneur... il y a plus de deux ans.
Pour des vices cachés
Des règles unifiées pour les recours... Dans un «souci d’unification de la jurisprudence» en matière de garantie des vices cachés (GVC), et afin de «renforcer la sécurité juridique» (cf. communiqué) , la Cour de cassation (chambre mixte) est venue fixer certaines règles uniques concernant la prescription applicable pour l’action en GVC (Cass. ch. mixte 21‑7‑2023 quatre arrêts) . Notons que le délai de deux ans prévu pour intenter une action en GVC (C. civ. art. 1648) est un délai dit de prescription qui peut donc être «suspendu», en particulier si une expertise est ordonnée.
Du côté entrepreneur du bâtiment... La Cour de cassation a notamment fixé les règles applicables lorsqu’un entrepreneur du bâtiment appelle en garantie, par le biais d’une action dite récursoire, un fournisseur ou fabricant de matériau, sur le fondement de la GVC. Dans l’affaire concernée, une société s’était vu confier, par un professionnel, des travaux de couverture d’un bâtiment. Assignée en responsabilité par le MO en raison d’infiltrations dans la toiture, la société a appelé en garantie son fournisseur et le fabricant des plaques de couverture, au titre de la GVC. En faisant simple, il a été jugé qu’en matière d’action récursoire, un entrepreneur peut assigner un fournisseur/fabricant dans un délai de deux ans à compter de l’assignation du MO, sans pouvoir dépasser un «délai-butoir» de vingt ans à compter du jour de la vente du matériau (Cass. ch. mixte 21‑7‑2023 arrêt n° 20-10763; dans le même esprit : arrêt n° 21-19936) . Il est prudent de faire délivrer une assignation dès un «référé-expertise» engagé par un MO.
Notice et communiqué sur https://www.alertesetconseils.fr , Annexes, année 23, n° 10.