IMMOBILIER - LOCAL PROFESSIONNEL - 19.03.2024

Fin du bail commercial et restitution des lieux en leur état primitif : quid de la vétusté ?

Une clause de votre bail commercial précise que vous devrez restituer les lieux tels que vous les avez reçus. Le bail arrivant à échéance, le propriétaire vous demande de réaliser les travaux qui sont en partie dus à la vétusté. En-a-t-il le droit ? Un cas jugé récemment.

Les faits

Un bailleur a donné des locaux à bail commercial à une société pour une durée de neuf années. À l’expiration du bail, il lui réclame le paiement des travaux permettant de remettre les lieux dans leur état primitif comme prévu dans le bail.

La société conteste : les réparations dont il est demandé le paiement relèvent en partie de la vétusté et ne sont donc pas à sa charge. La cour d’appel rejette cet argument, l’affaire est portée en cassation.

La décision du juge

Le juge rappelle qu’il résulte des articles 1730, 1755 et 1134 du Code civil que l’obligation du preneur de restituer les locaux dans leur état primitif n’inclut pas la réparation des dommages dus à la vétusté, sauf convention contraire expresse.

Il relève qu’une clause du bail, intitulée « améliorations », prévoit que tous travaux réalisés par le locataire resteront la propriété du bailleur, celui-ci ayant toutefois le droit d’exiger le rétablissement des lieux dans leur état primitif et aux frais exclusifs du locataire, hormis les travaux d’aménagement (sanitaire, électricité, chauffage).

Il décide qu’en jugeant que le bailleur était en droit de réclamer le paiement des travaux permettant de remettre les lieux dans leur état primitif, sans qu’il y ait lieu de prendre en considération une quelconque vétusté, la cour d’appel a violé les textes susvisés et aurait dû rechercher l’existence d’un accord exprès mettant à la charge du locataire les dommages dus à la vétusté depuis son entrée dans les lieux (Cass. 3e civ. 30‑11‑2023 n° 21-23.173) .

Remise des lieux en leur état primitif et vétusté

Réparations occasionnées par la vétusté : à la charge du bailleur... Si un état des lieux a été dressé lors de l’entrée dans les lieux, le locataire doit rendre les lieux tels qu’il les a reçus sur l’état dressé à l’origine, excepté ce qui a péri ou a été dégradé par vétusté ou force majeure (C. civ. art. 1730) . Les réparations réputées locatives ne sont pas à la charge du locataire quand elles ne sont occasionnées que par la vétusté ou la force majeure (C. civ. art. 1755) .

... sauf clause contraire. Les dispositions des articles 1730 et 1755 du Code civil ne sont pas d’ordre public. Les parties peuvent donc y déroger par des conventions particulières. Mais la Cour de cassation interprète restrictivement ces clauses dérogatoires. Ainsi que l’illustre la présente affaire, prévoir une clause exigeant du locataire un rétablissement des lieux dans leur état primitif et aux seuls frais du locataire ne suffit pas à écarter l’article 1730 : un abattement dû à la vétusté doit s’appliquer sur le coût des travaux qui sont à la charge du locataire. Pour qu’il en soit autrement, la clause dérogatoire doit expressément prévoir que les réparations dues à la vétusté sont à la charge du locataire. S’agissant de l’article 1755, il a par exemple été jugé que la clause mettant à la charge du locataire « toutes les réparations » ne suffisait pas à décharger le bailleur de ses obligations relatives à la vétusté (Cass. 3e civ. 7‑12‑2004 n° 03-19.203) .

À noter. Dans les baux commerciaux conclus ou renouvelés depuis le 5‑11‑2014, la liberté contractuelle des parties est toutefois limitée : les dépenses ayant pour objet de remédier à la vétusté ne peuvent pas être imputées au locataire si elles relèvent des grosses réparations (C. com. art. R 145-35, 2°) .

La clause d’un bail commercial exigeant du locataire une restitution des lieux en leur état primitif ne lui impose pas de prendre en charge les dégradations dues à la vétusté. Pour cela, une clause devrait le prévoir expressément.

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