SOCIÉTÉ - RELATIONS INTERENTREPRISES - 29.03.2024

Revente d’un bien d’occasion affecté d’un vice caché : votre société redevable de dommages et intérêts ?

Votre société, qui a fait l’acquisition d’un bien par le passé, l’a par la suite revendu à une autre société. Or, le bien en question, affecté d’un vice caché, prend feu et cause des dommages en plus d’être détruit. L’acheteur peut-il se retourner contre votre société et lui réclamer des dommages et intérêts en plus de la restitution du prix ?

Les faits

Une société, spécialisée dans le débardage forestier, achète un engin agricole puis le revend quelques années après à une autre entreprise de débardage. L’engin, affecté d’un vice caché, prend feu, ce qui entraîne sa destruction et endommage les propriétés environnantes.

L’acheteur final met en œuvre la garantie des vices cachés à l’encontre de son vendeur et lui demande, outre la restitution du prix de vente, le versement des dommages-intérêts qu’il avait dû lui-même verser pour indemniser ses voisins des dégâts subis, ce que le vendeur conteste.

La décision du juge

La cour d’appel de Pau a donné raison à l’acheteur. Le vendeur, qui connaissait les vices du bien, est tenu de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur (C. civ. art. 1645)  ; le vendeur était un professionnel des travaux forestiers, ce qui lui conférait la qualité de vendeur professionnel.

La Cour de cassation censure cette décision. S’il résulte de l’article 1645 du Code civil une présomption irréfragable de connaissance par le vendeur professionnel du vice du bien vendu, qui l’oblige à réparer l’intégralité des dommages qui en sont la conséquence, la cour d’appel n’avait pas recherché, comme il lui incombait, si la société qui avait vendu l’engin litigieux se livrait de façon habituelle à la vente d’engins agricoles (Cass. com. 17‑1‑2024 n° 21-23.909) .

La garantie des vices cachés

La connaissance ou non des vices par le vendeur. En matière de garantie des vices cachés, le vendeur n’est pas soumis aux mêmes règles selon qu’il connaissait ou non les vices lors de la vente.

S’il les connaissait, il doit restituer tout ou partie du prix de vente à l’acheteur (selon que l’acheteur choisit de garder ou de restituer le bien), mais aussi l’indemniser de tous les dommages subis (C. civ. art. 1645) .

S’il les ignorait, il est seulement tenu de restituer tout ou partie du prix et de rembourser les frais de la vente (art. 1646) , et non de garantir l’acheteur des dommages causés par le vice (Cass. 1e civ. 4‑2‑1963 n° 57-10.892) .

Une présomption de connaissance pour le vendeur professionnel... Or, pèse sur le vendeur professionnel une présomption irréfragable de connaissance du vice qui lui interdit d’apporter la preuve contraire et l’oblige à réparer l’intégralité des dommages qui sont la conséquence du vice (Cass. 1e civ. 21‑11‑1972 n° 70-13.898 ; Cass. 2e civ. 30‑3‑2000 n° 98-15.286 ; Cass. com. 5‑7‑2023 n° 22-11.621, déclarant ce principe conforme au droit à un procès équitable) . Encore faut-il qu’il s’agisse d’un vendeur professionnel, ce que les juges du fond doivent caractériser (Cass. 1e civ. 12‑3‑1980 n° 8-16.290) .

... et le seul vendeur qualifié de « professionnel ». Il résulte de l’arrêt commenté que le fait que le vendeur ait une activité économique et vende occasionnellement des biens d’occasion en lien avec son activité est insuffisant pour le qualifier de vendeur professionnel des biens en cause. Il sera néanmoins tenu de tous dommages-intérêts si l’acheteur démontre qu’il connaissait le vice au moment de la vente.

Le professionnel qui revend d’occasion un bien dont il a fait usage dans le cadre de son activité n’est pas un vendeur professionnel présumé connaître les vices dont le bien est atteint et n’est donc pas tenu de réparer tous les dommages qui en sont la conséquence.

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