REPRÉSENTANT DU PERSONNEL - RÉMUNÉRATION - 26.03.2024

Vérifier la rémunération des RP

Certains représentants du personnel bénéficient d’une garantie d’évolution de leur salaire : à qui et comment s’applique-t-elle ? Des réponses, précisées par les juges.

Le bénéfice de la garantie légale

Principe. Si le nombre d’heures de délégation de l’année des représentants du personnel/syndicaux dépasse 30 % de leur durée de travail, ils doivent bénéficier, sur toute la durée de leur mandat, d’une évolution de leur rémunération au moins égale (C. trav. art. L 2141‑5‑1)  :

  • aux augmentations générales et à la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant cette période par les salariés de la même catégorie professionnelle avec une ancienneté comparable ;
  • à défaut de tels salariés, aux augmentations perçues dans l’entreprise.

Conseil. À notre avis, les suppléants ne bénéficient pas de cette règle, car sauf disposition plus favorable, ils ne disposent pas de crédit d’heures en propre.

Application. Sachez qu’à la suite d’une question prioritaire de constitutionnalité, il a récemment été jugé que la garantie d’évolution de rémunération des représentants du personnel et syndicaux titulaires de mandats « importants » ne porte pas une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre, ne méconnaît pas le principe d’égalité, et assure l’effectivité de l’exercice de la liberté syndicale (Cass. soc. QPC 10‑10‑2023 n° 23-13.261) .

Par ailleurs, ces dispositions légales s’appliquent en l’absence d’accord collectif de branche ou d’entreprise déterminant des garanties d’évolution de la rémunération au moins aussi favorables pour ces salariés.

L’appréciation des 30 %. À notre sens, le seuil de 30 % s’apprécie sur les heures de délégation auxquelles le salarié a droit, et non pas sur celles qu’il a effectivement utilisées.

En pratique, si l’entreprise applique la durée légale du travail, soit 1 607 h/an, est visé le salarié qui dispose de 1 607 × 30 %/12 = 40 h de délégation/mois. Il faudra donc qu’il dispose en principe de plusieurs mandats pour bénéficier de la règle. Pour les salariés en forfait jours, dont le temps de délégation n’est pas décompté en heures, la règle de décompte en 1/2 journées correspondant à 4 h de mandat (C. trav. art. R 2315-3, al. 2 et 3 et R 2315-4, al. 2 et 3) devrait à notre sens s’appliquer, aboutissant à un crédit minimum de 10 demi-journées pour bénéficier de la garantie.

À qui comparer ?

Pour la catégorie professionnelle. Face à l’imprécision du texte, les juges confirment que la garantie s’apparente à celle prévue pour les salariées de retour de congé de maternité (C. trav. art. L 1225-26) , et pour lesquelles l’administration a précisé qu’il fallait retenir (circ. DGT du 19‑4‑2007, fiche 3)  :

  • en principe, les salariés relevant du même coefficient dans la classification, pour le même type d’emploi, ou par le même métier si le coefficient en cause comprend différents emplois ;
  • s’il n’y a pas au moins 2 salariés de ce type, il faut retenir les salariés relevant du même niveau dans la classification ;
  • et encore à défaut de 2 personnes, on prend la catégorie socioprofessionnelle (ouvrier, employé, profession intermédiaire, cadre).

En pratique. Dans une affaire, pour la comparaison avec un représentant du personnel gestionnaire de carrière, de niveau 3 coefficient 215 de la classification, l’employeur avait utilisé un panel de comparaison incluant des personnes de niveau 3 coefficient 215, mais occupant des emplois de gestionnaire imprimerie, gestionnaire action sociale, gestionnaire orientation et gestion des flux, et de secrétaire ou de conseiller en gestion retraite. Les juges ont considéré que ce panel ne répondait pas à l’exigence de comparaison avec le même type d’emploi (Cass. soc. 20‑12‑2023 n° 22-11.676) .

Pour l’ancienneté. La loi indique que l‘étude se fait avec des salariés ayant une ancienneté comparable. Là encore, les juges réaffirment, et appliquent à la garantie de rémunération des RP, leur jurisprudence constante selon laquelle la comparaison concernant le déroulement de carrière doit être faite avec d’autres salariés d’ancienneté comparable, c’est-à-dire engagés à une date voisine ou dans la même période (Cass. soc. 24‑10‑2012 n° 11-12.295 ; Cass. soc. 7‑11‑2018 n° 16-20.759) .

En pratique. Dans l’affaire en cause, pour sa comparaison, l’employeur avait retenu des tranches fixes d’ancienneté couvrant 5 années, ce qui pouvait conduire à modifier le panel des salariés ayant une ancienneté comparable d’une année à l’autre, et à en exclure des salariés ayant pourtant une ancienneté proche de celle du RP. Pour les juges, ce choix de tranches d’ancienneté trop larges ne répond pas à l’exigence de salariés embauchés à une date voisine ou dans la même période (Cass. soc. 20‑12‑2023 n° 22-11.676) .

Quelle rémunération ?

C’est la rémunération globale qui est prise en compte, soit le salaire de base, et tous les autres avantages et accessoires payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature (C. trav. art. L 2141‑5‑1) .

Attention ! Ne sont pas prises en compte dans la comparaison :

  • les primes liées à une sujétion particulière (prime de nuit, de risque, etc.) à laquelle tous les salariés en cause ne sont pas soumis ;
  • une prime perçue en raison de la situation personnelle/particulière (prime de naissance, mariage, prime d’ancienneté, etc.).

Quelles augmentations ? L’employeur a bien sûr l’obligation de faire bénéficier le RP des augmentations générales de sa catégorie, mais il doit aussi tenir compte des augmentations individuelles accordées et en retenir la moyenne pour sa vérification.

Quand se fait l’appréciation ?

La question. Depuis l’adoption du texte, se pose la question de savoir si l’évolution de rémunération au moins égale aux augmentations générales et à la moyenne des augmentations individuelles sur la durée du mandat doit s’apprécier à l’issue du mandat, ou chaque année en cours de mandat.

La solution. Les juges donnent cette fois la réponse : en l’absence de dispositions conventionnelles en précisant les modalités, la comparaison de l’évolution de la rémunération des RP doit être effectuée annuellement (Cass. soc. 20‑12‑2023 n° 22-11.676) . On peut noter qu’à l’appui de cette décision, les juges se réfèrent au caractère annuel de l’indemnité de congés payés au 1/10 (C. trav. art. L 3141-24) , des forfaits annuels en heures/jours (C. trav. art. L 3121-63) ainsi que de la négociation sur les salaires (C. trav. art. L 2241-8) .

Attention ! Cette décision concerne l’application de la garantie légale : en effet, des dispositions conventionnelles peuvent fixer les modalités de la comparaison.

Comment faire les calculs ?

L’administration a fourni une méthode d’application de la garantie de rémunération applicable aux femmes de retour de congé de maternité, qui peut être transposée au cas des représentants du personnel (circ. DGT du 19‑4‑2007, fiche 3)  :

  • décomposer la rémunération des salariés de la catégorie professionnelle concernée, y compris la rémunération du représentant ;
  • identifier les augmentations individuelles et/ou collectives appliquées à chaque élément de la rémunération (salaire de base et autres éléments) ;
  • calculer la moyenne de ces augmentations pour chacun des éléments ;
  • appliquer chaque taux moyen aux éléments correspondants de la rémunération du représentant concerné.

Exemple. Dans une entreprise, 7 salariés sont dans la même catégorie professionnelle : A, B, C, D, E, ainsi que X et Y, tous deux membres de la délégation du personnel au CSE à la date des augmentations collectives et individuelles :

  • l’augmentation collective est de 3 % du salaire de base ;
  • la prime annuelle de poste fait l’objet d’augmentations individuelles variables selon les salariés, et par hypothèse : 1 % pour A, 2 % pour B et 3 % pour C ;
  • certains salariés bénéficient d’une augmentation individuelle, par hypothèse 3 % pour C et 1 % pour D.

Application de la garantie pour X et Y :

  • tous deux bénéficient de l’augmentation collective de 3 % ;
  • tous deux doivent bénéficier de la moyenne des augmentations individuelles, soit (3 + 1 = 4) / 5 salariés = 0,8 % ;
  • seul X bénéficiant de la prime annuelle de poste, elle devra être augmentée de (1 + 2 + 3 = 6) / 3 salariés = 2 %. Y ne bénéficiant pas de cette prime, l’augmentation individuelle de la prime accordée aux autres salariés est neutre à son égard.

Quelles sanctions ?

L’employeur qui manque à son obligation d’appliquer la garantie d’évolution salariale peut être condamné pour délit d’entrave.

Il engage en outre sa responsabilité civile à l’égard du représentant du personnel : en cas de litige, il peut donc être condamné à lui verser un rappel de salaire et des dommages-intérêts si le salarié prouve avoir subi un préjudice.

Conseil. L’employeur qui a appliqué la garantie d’évolution salariale a tout intérêt à en faire état dans un écrit qu’il communique au salarié. À défaut, il lui sera difficile de prouver, en cas de litige, que l’augmentation de salaire qu’il lui a accordée, le cas échéant, résultait bien de l’application de la garantie.

C’est désormais clair : la garantie légale de rémunération des représentants du personnel à crédit d’heures important s’apprécie chaque année et non pas à la fin du mandat.

Contact

Éditions Francis Lefebvre | 42 Rue de Villiers, CS50002 | 92532 Levallois Perret Cedex

Tél. : 03 28 04 34 10 | Fax : 03 28 04 34 11

service.clients.pme@efl.fr | pme.efl.fr

SAS au capital de 241 608 € • Siren : 414 740 852
RCS Nanterre • N°TVA : FR 764 147 408 52 • APE : 5814 Z