GESTION IMMOBILIÈRE - BORNAGE - 16.04.2024

Action judiciaire en bornage : une limite à intégrer en cas de bornage amiable antérieur

La Cour de cassation a rendu le 28 mars 2024 une importante décision sur les conditions requises pour que le propriétaire d’un terrain puisse réclamer en justice un bornage concernant une propriété voisine. Quels enseignements tirer de cette décision ?

Pour réclamer un bornage judiciaire…

Vous avez dit «bornage» ? Le bornage permet de fixer la limite séparative de terrains contigus, appartenant à des propriétaires (privés) différents. En pratique, la limite séparative est matérialisée par des bornes. La destruction, le déplacement ou la détérioration d’une borne est punissable pénalement (C. pén. arts. R 635-1 et 322-1) .

Vous avez dit «judiciaire» ? En vertu de l’article 646 du Code Civil, tout «propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contiguës» , à frais partagés. A défaut d’accord avec un voisin pour un bornage amiable, un propriétaire peut exercer une action en bornage devant le Tribunal judiciaire (C. org. jud. art. R 211‑3‑4) . Cette action a «seulement pour effet de fixer les limites des fonds contigus sans attribuer la propriété des terrains»(Cass. 3e civ. 16‑3‑2023 n° 21-22344) .

Attention ! À peine d’irrecevabilité que les juges peuvent prononcer d’office, toute action en bornage doit en principe être précédée d’une tentative de résolution amiable, notamment une conciliation ou médiation (C. proc. civ. art. 750-1) .

Retrouvez les précisions, exemples et commentaires du Mémento Gestion immobilière sur https://www.alertesetconseils.fr , Annexes, année 20, n° 5.

Une limite à intégrer…

En cas de bornage antérieur… Dans une affaire, le propriétaire d’un terrain, se plaignant d’un empiétement par son voisin, a assigné celui-ci en bornage. La Cour de cassation a jugé que la demande du propriétaire était irrecevable, au vu du principe suivant, inédit sous cette forme. Un bornage antérieur « rend irrecevable toute nouvelle action tendant aux mêmes fins, sauf à ce que la limite séparative, du fait de la disparition de tout ou partie des bornes, soit devenue incertaine»(Cass. 3e civ. 28‑3‑2024 n° 22-16473 et CA Orléans 16‑3‑2022 RG 21/02116 Portalis DBVN V B7F GNGT) .

Bornage judiciaire = incertitude. En l’espèce, il a été jugé que la limite séparative n’était pas «devenue incertaine», pour les motifs suivants. Si les bornes avaient disparu, la limite séparative résultant du bornage antérieur ne pouvait être regardée comme «perdue», dans la mesure où l’ancien propriétaire du terrain (prétendument empiété) l’avait lui-même «consacrée» en implantant sur son emplacement une clôture grillagée, clôture que le propriétaire (lui même) avait ultérieurement remplacée pour partie par un mur.

Nos conseils

Pour un bornage amiable. Pour éviter bien des litiges, il est prudent de faire réaliser d’emblée un bornage par un géomètre-expert, qui rédigera un procès-verbal (PV) dit d’abornement, et posera les bornes. Pour rendre le bornage pleinement opposable, ce PV peut être utilement publié au service de publicité foncière (SPF), après dépôt au rang des minutes d’un notaire (C. civ. art. 710-1) .

Pour un bornage judiciaire. À moins d’un accord formel sur la délimitation de terrains, une action judiciaire est/reste recevable si « la limite divisoire fixée entre les fonds» par un PV de bornage amiable n’a pas été «matérialisée par des bornes»(Cass. 3e civ. 19‑1‑2011 n° 09-71207) . Il en a été jugé de même en présence d’une seule borne qui ne rendait « plus effective la matérialisation de la ligne séparative fixée lors d’un précédent bornage»(Cass. 3e civ. 6‑7‑2022 n° 21-17217), ou en cas d’« incertitude de la limite séparative (…) située entre deux bornes implantées»(arrêt 21-22344) . Notons qu’une action a été jugée sans objet en présence d’un mur mitoyen sur la limite séparative (Cass. 3e civ. 30‑10‑2012 n° 11-24141) , ou en présence de bâtiments contigus «qui se touchent»(Cass. 3e civ. 25‑6‑1970 n° 68-13674) .

Arrêt du 28‑3‑2024 sur https://www.alertesetconseils.fr , Annexes, année 20, n° 5.

Un bornage amiable en ordre (avec des bornes) empêche de réclamer ensuite un bornage judiciaire, sauf à pouvoir prouver que la limite séparative des terrains concernés, du fait de la disparition de tout ou partie des bornes, est devenue incertaine.

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